LE VIRUS Herpes simplex de type 1 (HSV1) est très répandu : jusqu'à 90 % des adultes en seraient porteurs.
Après la primo-infection, souvent asymptomatique durant l'enfance, le HSV1 demeure dans les ganglions nerveux sensitifs durant toute la vie. Il peut y rester inactif (« latent »), dormant pendant des années, puis être réactivé à l'occasion d'un stress ou d'un autre facteur déclenchant. Sa réactivation peut causer les classiques boutons de fièvre au visage et des affections plus graves : atteintes oculaires (à l'origine de cécité) ou encéphalite potentiellement mortelle.
L'équipe du Pr Robert Hendricks (Pittsburgh) a déjà montré que le HSV1 est maintenu à l'état latent du fait, notamment, de la vigilance constante des cellules immunes appelées cellules T CD8+.
Les T CD8+, présents au voisinage des neurones sensoriels infectés par le HSV1 à l'état latent, forment des synapses immunologiques avec les neurones. Ils peuvent inhiber complètement la réactivation du HSV1 chez la souris, sans tuer les neurones sensoriels, en utilisant l'interféron gamma dans certains neurones.
La réactivation virale est également inhibée dans les neurones réfractaires à l'interféron ; mais par quel mécanisme ? Une nouvelle étude de la même équipe porte sur cette question.
Knickelbein, Hendricks et coll. ont constaté que les granules lytiques des cellules T CD8+ sont aussi requis pour maintenir la latence neuronale, aussi bien chez la souris que dans les ganglions nerveux sensitifs en culture.
Normalement, les T CD8+ préviennent la réplication virale dans la majorité des cellules en y déversant des sacs d'enzymes toxiques (granules lytiques), d'où apoptose. Il n'en va pas de même lorsque les T CD8+ ciblent les neurones sensoriels infectés : «Les TCD8+ préviennent la réplication virale dans les neurones infectés de façon latente sans tuer les neurones sensoriels», explique au « Quotidien » le Pr Hendricks.
Une protéine essentielle à la réplication.
Un autre mécanisme non létal d'inactivation virale a été découvert. Un des enzymes des granules lytiques (granzyme B) dégrade une protéine ICP4 du HSV1, essentielle pour la réplication virale.
«Cela veut dire que le neurone hôte et le virus survivent, mais que l'infection ne peut pas se disséminer aux autres cellules. »
Le prochain objectif est de déterminer si d'autres protéines virales importantes sont dégradées par le granzyme B ou d'autres composants des granules lytiques. Il faut aussi comprendre pourquoi les granules lytiques ne tuent pas les neurones infectés.
«Nos études ont établi que pour maintenir le HSV1 à l'état latent, une constante bataille se joue entre le virus et le système immunitaire, de telle façon que, lorsque le système immunitaire est perturbé par un stress ou une immunosuppression, le virus prend le dessus, se réactive et provoque une récurrence d'herpès», souligne le Pr Hendricks.
Des implications cliniques.
«Des vaccins majorant la réponse de ces cellules TCD8+ pourraient être capables d'accroître la capacité de ces cellules à empêcher le virus de se réactiver et provoquer les récurrences. De plus, puisque les cellules TCD8+ ne tuent pas les neurones, il n'y a pas de crainte de détruire les neurones sensoriels en voulant prévenir la réactivation virale. Enfin, puisque le HSV1 est utilisé en thérapie génique comme vecteur pour transférer des gènes dans des neurones, nos résultats suggèrent que ces neurones ne risquent pas d'être tués par les TCD8+.»
En juillet, l'équipe de Bryan Cullende a montré que des micro-ARN produits par le HSV1 en état latent ont pour fonction de maintenir le virus dormant en inhibant la production de plusieurs protéines clés du HSV1, dont l'ICP4. Ce mécanisme ainsi que les modifications épigénétiques du génome viral dans le neurone hôte contribuent à la latence dans la majorité des neurones infectés.
L'équipe du Pr Hendricks propose que, «à tout moment, certains neurones échappent à ces mécanismes de contrôle et requièrent une protection des cellules TCD8+ spécifiques du HSV. De tels neurones pourraient être les plus à risque de se réactiver in vivo ». Il apparaît donc que la latence du HSV1 est maintenue par : 1) l'activité du virus ; 2) le neurone hôte ; 3) les T CD8+ voisins qui permettent la persistance virale avec la survie neuronale.
Knickelbein et coll. « Science », 10 octobre 2008, vol. 322, p. 268.
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