L'ÉQUIPE du Dr Nicolas Rodondi (université de Lausanne, Suisse ) s'intéresse depuis quelques années aux conséquences de l'hypothyroïdie fruste sur la fonction cardio-vasculaire. Cette pathologie infraclinique ou pauciclinique détectée lors d'un dosage biologique (TSH > 4 mUI/l sans modification du taux de T4 libre) n'est pas prise en charge de façon systématique, en particulier dans la sous-population des personnes âgées. Pourtant, une nouvelle étude coordonnée par cette équipe montre que certains patients – ceux dont le taux de TSH est supérieur à 10 mUI/l – devaient bénéficier d'un traitement thyroxinique en raison de leur risque majoré de 88 % d'insuffisance cardiaque à moyen terme.
En 1994, une première publication américaine montrait que le risque de fibrillation auriculaire chez la personne âgée était majoré chez les sujets dont le taux de T4 libre est bas. Par la suite, des travaux ont prouvé que l'hypothyroïdie majore le risque cardio-vasculaire et la mortalité.
Ce n'est qu'en 2006 que des équipes cardiologiques se sont intéressées à l'hypothyroïdie fruste. Dans un premier temps, on a appris que le risque de mortalité était majoré chez les sujets âgés souffrant de cette affection infraclinique, puis, en 2008, une métaanalyse coordonnée par le Dr Rodondi a confirmé le lien entre les taux de TSH élevés et le risque cardio-vasculaire global. Restait à determiner le seuil de TSH cible qui permet de limiter le risque cardio-vasculaire. Dans plusieurs pays européens et aux États-Unis, traiter des personnes de plus de 80 ans qui ne présentent aucun signe clinique sur les seuls résultats biologiques fait encore débat.
Une étude sur 3 044 personnes.
L'équipe du Dr Rodondi a mis en place une étude sur 3 044 personnes de plus de 65 ans qui ne présentaient aucun signe d'insuffisance cardiaque au moment de leur inclusion dans l'étude. Ils ont analysé leur suivi cardiologique de la cohorte pendant 12 ans : apparition d'une insuffisance cardiaque, modification de l'ECG en faveur d'une hypertrophie ventriculaire gauche, modifications échographiques.
Sur la période analysée, 736 personnes ont développé une insuffisance cardiaque. C'est dans le sous-groupe des sujets dont la TSH dépassait 10 mUI/l que l'incidence a été la plus élevée : risque majoré de 88 % par rapport aux témoins. Dans le groupe des sujets souffrant d'hypothyroïdie fruste et dont la TSH était comprise entre 4,5 et 9,9 mUI/l, aucune majoration du risque d'insuffisance cardiaque n'a été notée. Des résultats comparables ont été notés sur les mesures échographiques de la paroi ventriculaire et de la taille du ventricule gauche.
Dans leurs commentaires, les auteurs soulignent que la mesure des deux composantes du bilan thyroïdien est particulièrement importante chez les personnes âgées en raison du risque cardio-vasculaire associé. Ils expliquent que le monitoring des patients traités doit aussi prendre en compte ces deux données puisqu'il est possible qu'un traitement rétablisse une euthyroïdie pour la T4 libre, mais que les taux de TSH restent perturbés. Dans ce cas, le traitement thyroxinique devrait être adapté.
« J Am Coll Cardiol » 2008 ; 52 : 1152-1159.
Les recommandations de la HAS
En avril 2007, la HAS a défini l'hypothyroïdie fruste par une TSH supérieure à 4 mUI/l, confirmée par un deuxième dosage à un mois et sans anomalie associée de la T4 libre. Si la TSH dépasse 10 mUI/l, il convient d'évaluer le risque cardio-vasculaire. Le traitement thyroxinique – qui a pour objet de prévenir la conversion en hypothyroïdie avérée – est recommandé si la TSH est supérieure à 10 mUI/l.
Synthèse des recommandations professionnelles, site de la HAS : www.has-sante.fr.
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