À LA FOIS par l'expérimentation animale et le contrôle chez l'humain, une équipe de chercheurs sino-américains vient d'établir par quelle voie l'arthrose détruit le cartilage. Ils confirment l'implication d'une protéine de signalisation suspectée depuis 2004-2005 : la bêta-caténine.
Di Chen (Rochester) et coll. ont procédé en deux temps. La première partie de leur travail a été réalisée chez la souris. L'idée étant de prouver chez l'animal que des taux élevés de cette protéine favorisent l'apparition d'arthrose. D'emblée, l'équipe s'est trouvée confrontée à une difficulté. En effet, les études génétiques, chez l'animal, se fondent essentiellement sur la suppression du gène codant pour la protéine étudiée. Il est apparu impossible de supprimer le gène de la bêta-caténine, cette protéine étant indispensable au développement osseux et cartilagineux. Il a donc fallu procéder autrement. Les chercheurs ont pu créer un modèle de souris chez qui une élévation de la bêta-caténine serait déclenchée, spécifiquement dans les cellules cartilagineuses, par une substance chimique. Le tamoxifène a été choisi. C'est ainsi qu'aux âges de 3 et 6 mois, la molécule a été administrée aux animaux génétiquement modifiés. Deux mois plus tard, les modifications morphologiques et structurelles ont été évaluées. Chez les souris de 8 mois, l'équipe a relevé de notables destructions articulaires.
Briser les chaînes de collagène de type 2.
À l'échelle moléculaire, les lésions étaient similaires à celles constatées au cours de l'arthrose chez l'humain. Au plan biochimique, les chercheurs ont constaté que l'élévation de bêta-caténine entraînait une surproduction d'une enzyme, la métalloprotéase de matrice 13 (MMP-13) connue pour briser les chaînes de collagène de type 2, principal constituant du cartilage articulaire (90 %). De plus, cette élévation de la bêta-caténine a multiplié par 6 (par rapport aux souris contrôles) l'expression du gène de la protéine morphogénétique de l'os de type 2 (BMP-2). Ce gène est impliqué dans la différenciation du cartilage en os. Il faut se souvenir ici que, au cours de la vie foetale, les cellules souches se différencient en cartilage, lequel se transforme en os, sous le contrôle de molécules de signalisation, dont la bêta-caténine. Ce type de différenciation se retrouve également au cours de la cicatrisation osseuse, mais n'existe pas physiologiquement au niveau des cartilages articulaires. Enfin, la BMP-2 a déjà été impliquée dans la survenue des ostéophytes.
La seconde partie du travail a porté sur l'étude de cellules cartilagineuses humaines, prélevées chez des individus atteints d'arthrose. Elle a confirmé les données enregistrées chez l'animal montrant une élévation des taux de bêta-caténine. Ce sont d'ailleurs des travaux de génétique qui ont attiré l'attention des chercheurs sur cette protéine. Des cartographies de gènes réalisées chez l'homme en 2004 et 2005 au Royaume-uni et aux Pays-Bas avaient impliqué une mutation extrêmement rare chez des individus à risque majoré d'arthrose. Il s'agit de la mutation du gène frzb (Frisbee), qui code pour la protéine sFRP3, laquelle contrôle la normalité des taux de bêta-caténine.
Les forces mécaniques, dues au poids corporel.
Reste à comprendre comment survient l'arthrose. Deux théories prévalent à l'heure actuelle. La première est fondée sur les forces mécaniques, dues au poids corporel, qui s'exercent sur l'articulation. Celles-ci déclenchent des signaux moléculaires stimulant la bêta-caténine. L'autre explication a été proposée à la suite de travaux sur les ménisques. Chez les patients souffrant d'atteinte méniscale, la détérioration pourrait adresser des signaux de proximité au cartilage articulaire favorisant l'élévation de la bêta-caténine. Les chercheurs ont orienté la poursuite de leurs travaux dans ces deux directions.
« Journal of Bone and Mineral Research », édition en ligne, 2 septembre 2008.
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