EN RAISON de l'affaiblissement fréquent de leur système immunitaire, les patients hospitalisés sont très vulnérables aux souches résistantes et leur risque de développer des complications infectieuses difficiles à traiter est grand. En plus du pronostic défavorable de ces affections, la durée d'hospitalisation est prolongée et les coûts de santé sont augmentés d'autant plus que des études socio-économiques ont montré que le coût de l'hospitalisation d'un patient avec un germe résistant est supérieur au coût lié à des germes sensibles. Les mesures visant à limiter la survenue de résistance aux antibiotiques sont donc une priorité de santé publique.
Différents types de résistance aux antibiotiques ont été mis en évidence. La multirésistance se traduit par la résistance à plusieurs antibiotiques parmi les classes les plus fréquemment prescrites : bêtalactamines, céphalosporines, fluoroquinolones, aminoglycosides, carbapenems… La panrésistance est une diminution de sensibilité à différentes classes d'antibiotiques et l'extrême résistance concerne une résistance à toutes ces classes.
De nombreuses bactéries ont développé une résistance aux antibiotiques, rappelle A. Brink (Afrique du Sud) :
– parmi les pathogènes G+, les SARM( Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline) représentent une proportion importante de S.aureus dans de nombreux pays d'Europe. Cependant, la réduction de la proportion des SARM dans les infections à S.aureus observée ces dernières années en France et en Slovénie (rapport annuel EARSS, 2005) montre que cette pandémie n'est pas irréversible. L'émergence d'une souche hypervirulente de Clostridium difficile depuis quelques années pose un réel problème de santé publique. Cette souche qui produit 16 fois plus de toxine A et 23 fois plus de toxine B invitro que les souches contrôles a été identifiée aux États-Unis, au Canada, dans différents pays européens et récemment au Japon. Elle est hautement résistante aux fluoroquinolones ;
– parmi les pathogènes G–, la prévalence de souches résistantes d'entérobactéries productrices d'une bêtalactamase à spectre élargi (BLSE) capable d'inactiver les antibiotiques comportant un noyau bêta-lactame a considérablement augmenté. Ainsi, des souches BLSE de Escherichia coli et de Klebsiella pneumoniae résistantes aux céphalosporines de 3e génération (C3G) sont de plus en plus fréquemment isolées dans différents pays européens. Ces souches sont souvent résistantes à plusieurs antibiotiques : C3G, fluoroquinolones et carbapenems.
Encadrer la prescription.
«Si le développement de résistance aux antibiotiques est inévitable, son extension peut être ralentie par un meilleur usage des antibiotiques», souligne M. Wilcox (Royaume-Uni).
La sélection de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques et la contamination croissante en milieu hospitalier par des micro-organismes multirésistants sont clairement liées à un usage inapproprié des antibiotiques. En effet, l'impact des antibiotiques sur la flore hospitalière est considérable et favorise le développement des infections nosocomiales. Pour y remédier, les solutions à mettre en place doivent combiner un meilleur usage des techniques de diagnostic, l'amélioration des mesures de prévention (vaccins, hygiène…) et la gestion contrôlée des antibiotiques. Un encadrement « agressif » de la prescription des antibiotiques est-il nécessaire ? Les recommandations d'experts et les consensus de sociétés savantes internationales déjà existants sont-ils suffisants ? Le concept d'« Antibiotics Stewardship » (gestion contrôlée des antibiotiques) exposé par L. R. Peterson (Dellit T. H. « Clin Infect Dis », 2007) vise à accroître le contrôle des prescriptions d'antibiotiques sans diminuer la qualité des soins. Cette mesure implique une intervention multidisciplinaire regroupant praticiens, infectiologues, microbiologistes, pharmacocliniciens hospitaliers… avec la mise en place de programmes de formation, audit sur l'utilisation des antibiotiques comportant un feed-back vers les prescripteurs, création d'un formulaire limitant les conditions de prescription, optimisation des doses, modification de la voie d'administration... La rotation des antibiotiques à l'hôpital ou le mixing (administration de différents antibiotiques aux différents patients d'une même unité hospitalière) sont aussi des mesures envisagées. Les résultats d'essais en cours pour apprécier leur intérêt sont encore insuffisants pour conclure.
Une meilleure utilisation des nouveaux antibiotiques.
Face à la recrudescence de l'antibiorésistance, le besoin de composés ayant un mécanisme d'action différent est donc de plus en plus critique. Afin de stimuler le développement de nouveaux antibiotiques, L. R. Peterson (Chicago)bsuggère une intervention des autorités sanitaires par la stimulation de la recherche, la prolongation de la protection des composés disponibles et la mise en place de procédures accélérées d'enregistrement. Optimiser l'utilisation des nouveaux antibiotiques à large spectre est aussi une mesure indispensable. La tigécycline (Tygacil) est le premier antibiotique d'une nouvelle classe, les glycylcyclines, à avoir obtenu l'enregistrement européen (février 2006). Destiné à être administré en perfusion intraveineuse, cet antibiotique est actif contre de nombreuses bactéries G+ ou G–, notamment les bactéries présentant une multirésistance aux antibiotiques, telles que les staphylocoques dorés résistants à la méticilline (SARM), les souches d'entérocoques résistantes à la vancomycine (VRE) et de nombreuses bactéries productrices de BLSE. La tigécycline agit en bloquant les ribosomes bactériens, organites cellulaires où sont produites les protéines. La structure chimique de la tigecycline permet d'éviter les mécanismes de résistance observés avec d'autres cyclines : les pompes à efflux qui entraînent le rejet rapide de l'antibiotique hors de la bactérie et les mécanismes de protection du ribosome qui empêchent l'interférence avec la protéogenèse bactérienne. Tygacil est indiqué dans le traitement des infections pathologiques de la peau et des tissus mous, ainsi que dans le traitement des infections intra-abdominales pathologiques contractées à l'hôpital. Une étude récente (Swoboda S., 2008) a aussi mis en évidence son intérêt chez des patients hospitalisés en unité de soins intensifs chirurgicaux pour sepsis sévère ou choc septique.
D'après un symposium des Laboratoires Wyeth au congrès de l'ECCMID (European Congress of Clinical Microbiology and Infectious Diseases) à Barcelone.
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