LE CANCER de l'estomac constitue la deuxième cause de mortalité par cancer dans le monde et occupe la quatrième place pour les cancers les plus fréquents.
Sur le plan histopathologique, on distingue deux formes principales : l'adénocarcinome de type intestinal et l'adénocarcinome de type diffus. Ces deux formes, qui peuvent coexister, pourraient avoir une pathogenèse différente.
Tandis que le type intestinal prédomine dans des régions géographiques à risque, comme l'Asie de l'Est, et succède généralement à une séquence d'événements – inflammation induite par H.pylori, gastrite atrophique et métaplasie intestinale, le type diffus est uniformément distribué dans le monde et se développe typiquement sur une muqueuse gastrique normale. En outre, le type diffus se traduit souvent par une linite plastique, hautement maligne, dont le taux de survie à cinq ans est de 10 à 20 %.
Le terrain génétique semble jouer un rôle plus important pour le cancer gastrique de type diffus.
Récemment, une forme héréditaire du cancer gastrique de type diffus a été rattachée à une mutation du gène CDH1, codant pour la E-cadhérine. Une mutation de CDH1 n'étant retrouvée que dans un tiers des cancers gastriques héréditaires de type diffus, l'implication d'autres gènes semble probable dans cette forme héréditaire de cancer.
Une équipe japonaise, dirigée par le Dr Teruhiko Yoshida (National Cancer Center Research Institute, Tokyo), a cherché à identifier des facteurs génétiques prédisposant à la forme sporadique du cancer gastrique de type diffus.
Pour cela, ils ont conduit une étude génomique d'association en deux temps, analysant d'abord plus de 85 500 polymorphismes SNP sur les échantillons d'ADN de 188 patients atteints de linite plastique (cas) et de 752 témoins non affectés de cancer gastrique, tous d'origine japonaise.
Puis les 2 753 polymorphismes SNP trouvés associés au cancer ont été analysés dans une autre série japonaise de 749 patients atteints de cancer gastrique (dont 165 cas de linite plastique) et 750 témoins.
Cela a permis d'identifier une association significative entre un SNP (rs2976392) dans le gène PSCA (Prostate Stem Cell Antigen), situé sur le chromosome 8q24, et le cancer gastrique de type diffus (OR = 1,62 ; IC 95 % de 1,38 à 1,89).
Un séquençage plus fin a permis d'identifier dans le gène PSCA un autre SNP (rs2294008) également associé au cancer gastrique de type diffus.
Ces deux SNP ne sont pas associés au cancer gastrique de type intestinal.
Enfin, ces deux associations ont été répliquées dans une série coréenne de 457 patients atteints de cancer gastrique de type diffus et 390 témoins (OR = 1,90).
Prostate, vessie, oesophage, estomac.
La protéine PSCA avait été identifiée initialement comme un antigène de cellule souche spécifique de la prostate (et surexprimé dans les cancers de la prostate), mais PSCA est également exprimé dans la vessie, l'oesophage et l'estomac.
Les chercheurs montrent que PSCA est exprimé dans l'isthme de l'épithélium gastrique, une zone hébergeant les cellules souches et précurseurs cellulaires en voie de différenciation. Si la fonction de PSCA reste à déterminer, les chercheurs ont constaté que l'expression de PSCA est généralement supprimée dans les cancers gastriques ; PSCA est ancrée à la membrane cellulaire et inhibe in vitro la prolifération cellulaire. Cela suggère pour PSCA un rôle de tumeur-suppresseur dans l'épithélium gastrique.
«Cette étude suggère un lien intéressant entre l'oncogenèse, la fonction tumeur-suppressive, la cellule souche tissulaire et sa différenciation», déclare au « Quotidien » le Dr Teruhiko Yoshida.
«C'est un autre pas pour découvrir la voie moléculaire de cancérogenèse du cancer gastrique de type diffus, poursuit-il, ce qui pourrait aboutir avec de la chance à une stratégie ciblée de prévention du cancer.»
L'équipe envisage maintenant de mieux étudier le mécanisme de cancérogenèse et d'explorer les interactions du gène avec les autres gènes et l'environnement. Enfin, les chercheurs ont découvert une autre région génomique significativement associée au cancer gastrique, sur le chromosome 1q22. Cette région contient plusieurs gènes et son étude est l'un des prochains objectifs de l'équipe.
« Nature Genetics », 18 mai 2008, The Study Group Millenium Project for Cancer, DOI : 10.1038/ng.152.
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