LA CONSULTATION préanesthésique, réalisée avant tout acte thérapeutique ou diagnostique pratiqué sous anesthésie générale, anesthésie ou analgésie locorégionale ou sédation est sous la responsabilité du médecin anesthésiste. Cette consultation a pour objectif d'évaluer le risque du patient et de décider de la technique anesthésique la mieux adaptée. « L'évaluation du risque se fonde sur l'utilisation de scores cliniques, notamment du score de Lee, qui prend en compte le type de chirurgie et différents paramètres tels que l'angor, l'insuffisance rénale, l'insuffisance cardiaque, un antécédent d'accident vasculaire cérébral, d'infarctus du myocarde et de diabète », explique le Pr Emmanuel Samain. Un avis spécialisé peut être requis pour évaluer si la prise en charge d'une telle pathologie associée à celle motivant la chirurgie peut être optimisée en période périopératoire. Pour un patient ayant une insuffisance cardiaque, une insuffisance coronaire ou une pathologie arythmogène, a fortiori s'il n'a pas eu récemment de consultation cardiologique ou s'il a des symptômes, le cardiologue peut être sollicité pour répondre à une ou plusieurs questions précises : la pathologie est-elle stabilisée? Le traitement est-il optimal ? Le recours a des examens complémentaires peut alors être nécessaire. En revanche, lorsque le risque périopératoire est faible, un avis cardiologique n'est en général pas utile. Plus rarement, une pathologie jusqu'alors méconnue est suspectée devant différents signes, tels qu'une dyspnée, des douleurs thoraciques ou des malaises.
La gestion des antiagrégants plaquettaires.
« En matière de traitement, la gestion périopératoire de la majorité des classes thérapeutiques utilisées en cardiologie (bêtabloquants, inhibiteurs calciques, inhibiteurs de l'enzyme de conversion, antagonistes des récepteurs de l'angiotensineII, digitaliques, etc.) est bien connue des anesthésistes, qui n'ont en général pas besoin d'un avis spécialisé. La problématique est tout à fait différente pour la gestion des antiagrégants plaquettaires, surtout chez un patient après pose de stent actif », souligne le Pr Samain. L'évaluation du rapport bénéfice-risque, plus précisément du risque hémorragique et du risque thrombotique, relève d'une approche multidisciplinaire, où l'avis du chirurgien et du cardiologue est essentiel. Dans le cas d'une intervention ne pouvant pas être différée, les modalités du traitement (fenêtre thérapeutique ou non) sont ainsi décidées au terme d'une analyse qui intègre différents critères (1). De la même façon, le cardiologue sera fréquemment sollicité pour les patients porteurs d'un pacemaker ou d'un défibrillateur implantable, afin de vérifier que le dispositif fonctionne correctement et qu'il est parfaitement adapté à la pathologie. Lorsqu'une symptomatologie évocatrice d'une pathologie cardiaque, jusqu'alors méconnue, est retrouvée à l'occasion d'une consultation préanesthésique, le patient sera en toute logique adressé au cardiologue, pour un bilan diagnostique et, le cas échéant, la mise en route d'un traitement. Une situation assez fréquente est la découverte d'un souffle, en particulier d'un souffle au foyer aortique chez un sujet âgé. En fonction de la symptomatologie, le patient sera adressé au cardiologue pour bénéficier d'une échographie cardiaque, à la recherche d'un rétrécissement aortique. Le cardiologue devra alors préciser si la pathologie est stabilisée ou non. Dans toutes ces situations, l'anesthésiste attend donc du cardiologue une réponse précise à une question qui l'est tout autant.
Deux situations plus floues.
Toutefois, le cardiologue est aujourd'hui souvent sollicité dans deux contextes beaucoup plus flous. C'est le cas en premier lieu pour la réalisation d'une « échographie pour évaluation de la fonction cardiaque ». Cette exploration est probablement demandée par les anesthésistes de façon excessive, alors que ses indications, selon les recommandations nord-américaines, très restrictives, sont limitées aux patients symptomatiques et à ceux ayant une insuffisance cardiaque ou une valvulopathie n'ayant pas été réévaluée depuis un certain temps. Deuxième situation où l'avis du cardiologue est fréquemment demandé, et pour laquelle une réponse précise n'est pas simple à donner : les patients cumulant les facteurs de risque cardio-vasculaire, et qui ont de ce fait une probabilité élevée d'insuffisance coronaire, mais qui sont asymptomatiques. Les nombreux travaux menés dans ce cadre, ayant notamment évalué l'intérêt des tests non invasifs de la fonction coronaire, ont donné des résultats décevants. Les récentes recommandations nord-américaines (2), édictées par l'American College of Cardiology et l'American Heart Association, préconisent une évaluation clinique du risque fondée sur le score de Lee, l'avis du cardiologue étant demandé lorsque ce score est élevé. Des recommandations françaises, émises conjointement par la Société française de cardiologie et la Société française d'anesthésie-réanimation, sont en préparation. Elles devraient permettre de préciser la démarche face à ces sujets à risque.
* D'après un entretien avec le Pr Emmanuel Samain, service d'anesthésie-réanimation, CHRU de Lille.
(1) Gestion du traitement antiplaquettaire oral chez les patients porteurs d'endoprothèses coronaires. Référentiel SFAR, 2006 disponible sur www.sfar.org.
(2) Fleisher LA, et al. J Am Coll Cardiol 2007; 50 :1707-1732.
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