L'ARRÊT CARDIAQUE subit reste un problème majeur de santé publique. Malgré les progrès, seulement 3 à 10 % des personnes victimes d'un arrêt cardiaque à l'extérieur de l'hôpital sont ressuscitées avec succès.
La majorité de ces arrêts cardiaques subits sont causés par des troubles du rythme ventriculaire, lesquels surviennent dans 6 à 14 % des cas en l'absence de toute anomalie structurelle du coeur. Dans ces derniers cas, ils sont reliés à des anomalies électrocardiographiques reconnues qui affectent la repolarisation ventriculaire (QT long, QT court, syndrome de Brugada) ou ils sont classés dans la catégorie « fibrillation ventriculaire idiopathique » .
Sus-décalage du point J.
Depuis soixante ans, les médecins sont fascinés par un profil électrocardiographique particulier dit de « repolarisation précoce » (sus-décalage du point J). Ce profil est présent dans 2 à 5 % de la population, et trouvé le plus souvent chez des hommes, de jeunes adultes et des athlètes.
Cette repolarisation précoce est généralement considérée comme un syndrome bénin, cependant, des études expérimentales ont suggéré qu'il pourrait causer des arythmies cardiaques.
Haissaguerre et coll. ont examiné cette question dans une étude cas-témoins portant sur 206 patients ayant présenté une fibrillation ventriculaire idiopathique.
Leur objectif : examiner si le syndrome de repolarisation précoce est plus fréquent dans ce groupe de patients que chez des sujets sains.
Deux cent six patients, âgés de moins de 60 ans, ressuscités après arrêt cardiaque dû à une fibrillation ventriculaire idiopathique, ont été enrôlés dans 24 centres tertiaires, en grande partie européens.
Ces patients (cas) ont été appariés pour l'âge, le sexe, l'origine ethnique et l'activité physique à 412 sujets sains (témoins).
La présence de repolarisation précoce a été définie comme un sus-décalage de la jonction QRS-ST (point J) d'au moins 0,1 mV (1 mm) dans deux dérivations inféro-latérales, à l'exclusion de V1 à V3, pour ne pas inclure une dysplasie ventriculaire droite ou un syndrome de Brugada.
Les résultats montrent une incidence du syndrome de repolarisation précoce bien plus élevée chez les sujets ayant présenté une fibrillation ventriculaire idiopathique (FVI) que chez les sujets témoins (31 %, contre 5 %).
Parmi les patients-cas (ayant présenté une FVI), ceux ayant une repolarisation précoce sont plus susceptibles d'être des hommes et d'avoir eu une syncope ou un arrêt cardiaque subit durant le sommeil, comparé à ceux sans repolarisation précoce.
Chez huit sujets, l'origine de la fibrillation ventriculaire a pu être cartographiée sur des sites concordant avec la localisation des anomalies de la repolarisation.
Enfin, durant un suivi moyen de cinq ans, la surveillance du défibrillateur implanté chez les 206 patients-cas a montré une incidence deux fois plus élevée de récidive de fibrillation ventriculaire chez les patients ayant un syndrome de repolarisation précoce que chez les patients n'ayant pas cette anomalie (RR = 2,1 ; IC 95 % : de 1,2 à 3,5).
Pour les chercheurs, «l'anomalie de repolarisation enregistrée dans les dérivations inféro-latérales pourrait être un marqueur de vulnérabilité électrique sous-jacente majorant le risque d'arythmies fatales dans certaines conditions qui restent à préciser».
Chercher à identifier les patients à haut risque.
«Ces conditions incluent la présence d'anomalies génétiques liées aux canaux ioniques cardiaques, ajoutent-ils, puisque dix de nos sujets-cas avaient une histoire familiale d'arrêt cardiaque subit.»
Ces résultats doivent être confirmés, préviennent les chercheurs, et des recherches supplémentaires sont nécessaires pour identifier les facteurs qui modulent l'arythmogénicité sous-jacente et prédire quels sont les patients à risque.
Le Dr Hein Wellens (Maastricht, Pays-Bas) offre également une note de précaution dans un éditorial associé : «Il est évident que les changements jonctionnels décrits comme une repolarisation précoce sont fréquents et que les événements fâcheux rapportés (FV potentiellement fatales) sont assez rares.»
Des études supplémentaires sont indispensables pour découvrir comment il est possible d'identifier les patients «à haut risque d'arythmie catastrophique», conclut-il.
« New England Journal of Medicine », 8 mai 2008, pp. 2016 et 2063.
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