PAR LE Pr JEAN SIBILIA*
DEPUIS QUELQUES années, en particulier sous l'impulsion du Groupe français d'étude des vascularites (GFEV), coordonné par Loïc Guillevin, il y a eu de nombreux progrès dans la prise en charge de ces affections.
Comment classer les vascularites systémiques ?
En 1990, l'American College of Rheumatology a établi une classification des principales vascularites systémiques. Cette classification est fondée sur des critères cliniques, biologiques et histologiques, qui sont difficiles à utiliser en pratique. C'est pour cette raison qu'en 1994, la nomenclature de Chapell-Hill a permis une classification plus logique des vascularites en utilisant des critères histologiques et pathogéniques.
Cette dernière permet de distinguer les vascularites en fonction du calibre des vaisseaux atteints, mais aussi de critères histologiques (lésions granulomateuses et/ou nécrosantes) et des éléments biologiques (présence d'immuns complexes ou d'anticorps anticytoplasme du polynucléaire (ANCA) (voir figure).
Quels sont les pièges ?
Ils peuvent être cliniques et histologiques.
– Au cours des manifestations cutanées de nombreuses maladies neutrophiliques, l'anatomo- pathologiste peut décrire une « vascularite » qui n'est qu'un phénomène lié à l'intensité de la réaction neutrophilique dermique ou hypodermique.
– Cliniquement, certaines lésions cutanées peuvent évoquer une vascularite, mais elles sont dues à des lésions vasculaires, conséquences de différents autres phénomènes.
• Les vasculopathies thrombosantes sont nombreuses. Elles sont souvent révélées par des lésions cutanées : purpura, livedo, acrocyanose, papules arrondies ou nappes blanches atrophiques entourées de télangiectasies. Les causes de ces microangiopathies thrombotiques sont infectieuses (purpura fulminans) ou dysimmunitaires (voir tableau).
• D'autres vasculopathies peuvent être la conséquence d'embolies septiques (endocardite), d'une obstruction cholestérolique (embolie de cholestérol dans le cadre d'un athéro-embolisme) ou d'une lésion maligne (voir tableau).
Quels sont les objectifs de la prise en charge ?
La prise en charge de patients atteints de vascularites systémiques doit être multidisciplinaire, coordonnée par un médecin en liaison avec un centre de référence ou de compétence. Cette prise en charge sera décrite dans un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) pour les vascularites systémiques, protocole qui sera prochainement disponible.
L'éducation thérapeutique du patient et de son médecin de famille est indispensable à la bonne prise en charge de ces affections. Elle a comme objectif principal l'information sur les symptômes de la maladie, sur les traitements prescrits et leurs effets indésirables, ainsi que sur les examens de surveillance et de dépistage. Les associations de patients permettent de compléter cette information et d'apporter des aides et des conseils médico-socio-administratifs. A titre d'exemple, l'information peut concerner la corticothérapie, les immunosuppresseurs et les vaccinations, permettant souvent une meilleure observance thérapeutique.
Quelles stratégies thérapeutiques ?
Les stratégies thérapeutiques sont à adapter en fonction de la vascularite et de son extension. D'importants progrès ont permis une augmentation de la survie, parfois une guérison et surtout la diminution des effets indésirables iatrogènes.
– Dans les angéites granulomateuses, en particulier la maladie de Horton, le traitement repose toujours sur la corticothérapie. Il n'y a pas de traitement immunomodulateur (même les anti-TNF) qui ait définitivement démontré son efficacité et/ou un effet d'épargne cortisonique. Un point important est la démonstration de l'utilité d'un traitement antiagrégant plaquettaire, qui semble pouvoir réduire le risque de complication thrombotique et peut être précédé d'un traitement anticoagulant transitoire dans les formes plus sévères, lors de l'induction de la corticothérapie. Dans cette affection, l'éducation thérapeutique est particulièrement importante pour expliquer les risques des corticoïdes et inciter le malade à suivre des stratégies de prévention, en particulier de l'ostéoporose cortisonique.
– Dans les vascularites systémiques associées aux ANCA (granulomatose de Wegener, micropolyangéite et syndrome de Churg et Strauss), de nouvelles stratégies ont été validées.
1) Le traitement d'induction est urgent et comprend, en milieu spécialisé, l'association d'une corticothérapie et de cyclophosphamide : habituellement 600 mg/m2 adapté en fonction de l'âge et de la fonction rénale (sans dépasser 1,2 g par bolus) tous les 15 jours pendant 1 mois, puis 750 mg/m2 toutes les 3 semaines pendant 3 mois. Dans la micropolyangéite et le syndrome de Churg et Strauss de bon pronostic (c'est- à-dire avec un score pronosti- que FFS [Five Factor Score] < 1), le traitement d'induction est une corticothérapie orale (1 mg/kg/ jour), réduite progressivement pendant la phase d'entretien qui dure de 6 à 18 mois. Cette stratégie d'induction permet une guérison ou une rémission complète chez plus de 80 % des patients.
2) Un traitement d'entretien est indispensable pour réduire le risque de rechute, qui est surtout fréquente dans la granulomatose de Wegener (plus de 50 % de rechute à 5 ans). Ce traitement d'entretien repose sur l'azathioprine, le méthotrexate ou le mycophénolate mofetil prescrit de 18 à 24 mois au minimum.
3) Quelques petites astuces :
• Dans les vascularites systémiques traitées par cyclophosphamide, il est prescrit systématiquement un comprimé de Bactrim fort tous les 2 jours en prévention de la pneumocystose et de la toxoplasmose.
• Un traitement anticoagulant peut être justifié dans la granulomatose de Wegener, surtout à la phase d'induction, en raison du risque documenté de thrombose.
• Dans les vascularites à ANCA avec atteinte rénale, le méthotrexate est contre-indiqué en cas d'insuffisance rénale (créatininémie > 200 µmol/l).
• Il faut inciter les patients sous immunosuppresseurs à être vaccinés (grippe, pneumocoque), sauf dans la maladie de Churg et Strauss qui peut être aggravée par une vaccination.
• Une contraception anovulatoire (progestatifs en continu) est indispensable chez les femmes traitées par cyclophosphamide.
Les avancées thérapeutiques.
Ces dernières années, différentes avancées thérapeutiques doivent être signalées :
Les anticorps monoclonaux anti-TNF, encore en cours d'évaluation, ont certainement un intérêt dans les vascularites systémiques. En revanche, l'étanercept n'a pas démontré d'efficacité dans le traitement d'entretien de la maladie de Wegener.
Le rituximab (anti-CD20) est également en évaluation dans les vascularites à ANCA, en particulier dans le traitement de rattrapage de formes réfractaires. Des perspectives identiques existent pour de nouvelles molécules lymphocytaires B.
Les immunoglobulines polyvalentes ont démontré, dans un essai randomisé, qu'elles permettaient la rémission de vascularites à ANCA n'ayant pas répondu aux traitements de première ligne.
*Service de rhumatologie, CHU de Strasbourg, Centre national de référence « Maladies auto-immunes systémiques».
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