LES DONNéES RéCENTES montrent que le cancer colo-rectal est le troisième cancer le plus fréquent en France avec 37 000 nouveaux cas par an. Depuis quelques années, le dépistage organisé a été mis en place chez les personnes âgées de moins de 75 ans. Or le cancer colo-rectal est essentiellement une maladie du sujet âgé, l'âge moyen du diagnostic étant de 72 à 75 ans. Etant donné le vieillissement de la population, il faut s'attendre à ce que le nombre de cas dans cette tranche d'âge augmente, voire explose, dans les prochaines années.
«Les progrès dans la prise en charge de cette maladie ont, certes, été très importants ces dernières années, commente le Dr Jean-Emmanuel Mitry, mais il semble que les patients âgés n'en aient pas bénéficié, que ce soit en termes de diagnostic précoce ou de prise en charge thérapeutique.» Ils ne peuvent pas profiter du dépistage organisé ; quant au dépistage individuel, certains symptômes qui conduisent à une coloscopie chez des sujets plus jeunes peuvent parfois être ignorés chez les sujets âgés. Et, même lorsque le diagnostic est porté, un certain nombre de patients âgés ne sont pas adressés dans des centres spécialisés et ne bénéficient pas des traitements adaptés. Résultat : la prise en charge est tardive et la chirurgie en urgence plus fréquente que chez les sujets jeunes.
Prendre en compte la qualité de vie.
La question essentielle qui se pose devant un cancer colo-rectal chez le sujet âgé est de savoir si une prise en charge agressive est justifiée compte tenu des autres pathologies qu'il peut présenter. Ce patient risque-t-il de mourir de son cancer ou avec son cancer ? Le traitement institué va-t-il altérer sa qualité de vie ? Cette problématique ne peut échapper à l'évaluation gériatrique standardisée et est à la base du développement de l'oncogériatrie. Il convient de préciser les comorbidités que les patients présentent, leur autonomie… A la fin de l'évaluation, le gériatre peut être en présence d'un patient de plus de 75 ans, au vieillissement harmonieux et en bon état général, qui doit pouvoir bénéficier du traitement optimal de son cancer.
A l'opposé, il peut s'agir d'un patient âgé présentant une insuffisance cardiaque avancée ou une maladie d'Alzheimer et dont la prise en charge doit se focaliser avant tout sur les symptômes. «Entre ces cas extrêmes, explique J.-E. Mitry, il y a une catégorie intermédiaire de patients pour lesquels la décision thérapeutique est difficile à prendre; elle doit en tout cas être discutée de façon individuelle, au cas par cas, avec l'oncogériatre.»
L'objectif du traitement ne sera donc pas le même en fonction du contexte. En cas de tumeur localisée accessible au traitement chirurgical, l'objectif est de guérir le patient. Si le cancer colo-rectal est au stade métastatique, la prise en charge doit s'efforcer d'améliorer la qualité de la survie.
«Il faut, précise J.-E. Mitry, essayer de contourner certains obstacles et ne pas prendre le risque de sous-traiter un patient par crainte excessive d'une complication thérapeutique, alors qu'il pourrait supporter le traitement ou, au contraire, d'imposer une chimiothérapie ou une chirurgie invalidante à un patient sans qu'il en tire de bénéfice.»
Peu d'études.
Les grands principes du traitement du cancer colo-rectal sont les mêmes quel que soit l'âge du patient : la chirurgie quand c'est possible et la chimiothérapie ou un traitement symptomatique dans les formes avancées. Malheureusement, les personnes âgées sont quasiment exclues des essais thérapeutiques et une des difficultés de la prise en charge est de savoir si l'on peut extrapoler les résultats des essais thérapeutiques réalisés sur des individus plus jeunes, sans comorbidité.
Quoi qu'il en soit, en cas de tumeur localisée, le seul traitement potentiellement curatif est la chirurgie. Si l'on en juge par les données épidémiologiques de la Côte-d'Or en 1998, les résultats après chirurgie ne montrent pas de grande différence, qu'il s'agisse de sujets âgés ou moins âgés, et si la mortalité péri-opératoire est plus importante chez les premiers, la survie à cinq ans liée au cancer colo-rectal est la même dans les deux populations.
La chimiothérapie adjuvante, quant à elle, est validée lorsqu'il y a envahissement ganglionnaire sur la pièce d'exérèse (tumeur de stade III) et en situation métastatique. Reste à savoir si elle est aussi efficace chez les patients âgés que chez ceux moins âgés. «Si l'on se réfère encore au registre de la Côte-d'Or au début des années 1990, on s'aperçoit que très peu de patients ont reçu une chimiothérapie (adjuvante ou palliative) par rapport aux sujets plus jeunes, commente J.-E. Mitry. Cette différence est probablement justifiée dans un certain nombre de cas, mais certainement pas dans tous.» Aujourd'hui, quelques résultats d'essais thérapeutiques démontrent que le bénéfice d'une chimiothérapie adjuvante n'est pas lié à l'âge. En situation palliative, les traitements standards ont été validés par des essais thérapeutiques dont les sujets de plus de 75 ans ont été exclus systématiquement. Quelques données rétrospectives, quelques études de phase II et des analyses de sous-groupes des différents essais suggèrent que, chez les sujets âgés capables de recevoir une chimiothérapie, le bénéfice est le même que chez les sujets plus jeunes avec, peut-être aussi, une toxicité un peu augmentée.
«Des essais spécifiques au cancer colo-rectal du sujet âgé doivent donc être initiés, conclut le Dr J.-E. Mitry. Et globalement, en oncologie, il va falloir introduire dans les essais concernant les patients âgés la notion de tolérance et de qualité de vie. Quant au choix du traitement, il faut retenir que l'âge physiologique et le terrain sont des éléments essentiels à prendre en compte. L'approche gériatrique est indispensable.»
Session « Actualité médicale en cancérologie », organisée en association avec Eurocancer, présidée par les Prs Michel Boiron (hôpital Saint-Louis, Paris) et Michel Marty (hôpital Saint-Louis, Paris) et le Dr Dominique Delfieu (Paris) avec la participation des Drs Emmanuel Mitry (hôpital Ambroise-Paré, Boulogne), Pauline Brice (hôpital Saint-Louis, Paris), François Pein (centre René Gauducheau, Saint Herblain), Marc Espié (hôpital Saint-Louis, Paris). Avec le soutien institutionnel de sanofi-aventis
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