L'infectiologie en 2008

Bactéries et virus toujours vivaces !

Publié le 22/04/2008
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ALORS QUE, jusqu'à présent, les bactéries multirésistantes (BMR) étaient essentiellement présentes à l'hôpital, elles sont maintenant aussi retrouvées en ville. Une partie de ces bactéries sont des souches hospitalières qui diffusent en ville et une partie sont des souches authentiquement communautaires. Qu'est-ce que la multirésistance ? «La définition diffère selon les bactéries, précise le Dr Jérôme Robert (Paris). Pour le pneumocoque (Streptococcus pneumoniæ), il s'agit d'une résistance à au moins trois familles d'antibiotique. Pour le BK (Mycobacterium tuberculosis), il suffit d'une résistance combinée à l'isoniazide et à la rifampicine. Pour le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus), la multirésistance est la résistance à la méticilline et, pour les entérobactéries, elle correspond à la production d'une enzyme: la bêta lactamase à spectre élargi (BLSE) qui inactive plus particulièrement les céphalosporines 3G.»

– La consommation de bêta lactamines et le développement de pneumocoques résistants à la pénicilline sont étroitement corrélés. La pénicilline est un bon marqueur de multirésistance pour le pneumocoque car, parmi les souches sensibles à la pénicilline, 4 % sont multirésistantes, alors que, parmi les souches résistantes, 84 % le sont. En raison du succès du plan Kouchner visant à limiter la consommation d'antibiotiques (- 23 % en six ans) et de la vaccination des enfants par le vaccin antipneumococcique, la résistance à la pénicilline a cessé de progresser depuis 2002 et des souches sensibles sont réapparues. Les pneumocoques multirésistants ont aussi diminué.

– Le staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM) est une BMR habituellement observée à l'hôpital dont il existe sept clones pandémiques dans le monde. Jusqu'au début des années 2000, les vrais SARM acquis en ville étaient rares (< 1 %), mais de nouvelles souches ont récemment été isolées dans différents points du globe chez des sujets n'ayant jamais été hospitalisés. Il s'agit de SARM communautaires produisant une toxine particulière et différant des sept clones connus pour leur profil de résistance aux antibiotiques et aux affections qu'elles induisent. Alors que les SARM hospitaliers donnent des bactériémies, des pneumonies et des infections urinaires, et qu'ils sont surtout observés chez des sujets âgés, les SARM communautaires donnent des infections cutanées des tissus mous et se retrouvent plutôt chez des sujets jeunes. En France, entre 2000 et 2003, moins de 1 % de SARM retrouvés à l'hôpital correspondaient à cette souche communautaire. Une augmentation a été constatée : 2,7 %, actuellement.

– Une épidémie impliquant des klebsielles MR sécrétant une BLSE avait été contrôlée il y a quelques années par des mesures d'hygiène. Depuis 2001, des bactéries BLSE sont réapparues en ville, mais sont, pour plus de la moitié, des Escherichia coli multirésistants (pénicilline A, fluoroquinolones, sulfamides, tétracyclines).

Jérôme Robert souligne l'importance de ce phénomène de MR communautaire qui touche de nombreuses espèces : «Cette nouvelle forme de résistance pose des problèmes thérapeutiques car les caractéristiques de ces souches et leur gravité potentielle due aux toxines émises sont encore mal connues. Il est grand temps d'essayer de maîtriser leur expansion.»

Arbovirose : un phénomène en extension, le chikungunya.

A la suite des épidémies de chikungunya qui se sont produites à la Réunion et à Mayotte en 2005 et 2006, un groupe de travail dirigé par le Pr Antoine Flahaut a été créé. Le chikungunya est-il une maladie bénigne ? Il est difficile de conclure. Dans les zones infectées, 40 % de la population a fait l'expérience de la maladie à un stade de gravité très varié. Deux cent cinquante-cinq certificats de décès ont mentionné un contact avec le chikungunya, mais la responsabilité du virus dans le décès n'est pas confirmée. Enfin, quarante cas de transmission néonatale ont été signalés. Au total, le profil semble assez voisin de celui de la grippe, avec une sensibilité particulière chez les sujets fragiles (jeunes enfants et personnes âgées). La deuxième vague épidémique de 2006 pourrait-elle résulter d'une mutation du virus 2005 ? Oui, mais le taux de reproduction étant le même lors des deux épidémies (R = 3-4), l'espace entre les deux vagues peut simplement être dû au ralentissement de la multiplication du moustique et du virus pendant l'hiver. Existe-t-il un traitement ? Les essais réalisés avec la chloroquine n'ont pas été concluants. Actuellement, le traitement n'est que symptomatique. Aucun cas de seconde réinfection chez un même sujet n'a été constaté. Il est donc légitime de penser que les anticorps sont protecteurs. Une souche vivante atténuée est à l'origine d'un vaccin en cours de développement. La mobilisation de la population est insuffisante et la lutte contre le moustique Aedes albopictus, qui transmet aussi la dengue et la fièvre jaune, est difficile à obtenir. Il est particulièrement important d'éliminer les eaux stagnantes qui favorisent le développement des larves de moustiques. Afin d'anticiper une éventuelle nouvelle épidémie, une cellule de veille a pour mission de surveiller les nouveaux cas signalés.

Du nouveau dans les traitements du VIH.

Dans le domaine des traitements anti-VIH, l'arsenal thérapeutique s'enrichit sans cesse de nouvelles molécules. Mais, bien que des progrès considérables aient été réalisés, il reste encore de nombreux problèmes à résoudre. Pour le Pr François Bricaire (Paris), les objectifs à atteindre sont de nature différente. «Ces traitements doivent réduire la quantité de virus afin d'atteindre l'indétectabilité, lutter contre l'inflammation et ses conséquences (problèmes inflammatoires coronariens, ostéoporose) provoquées à long terme par l'infection virale et assurer une restauration immunitaire permettant une bonne protection contre les agents infectieux. L'augmentation de lymphocytes CD4 et surtout du rapport CD4/CD8 est de bon pronostic. Il apparaît maintenant qu'un traitement précoce est préférable. Il est primordial d'améliorer la tolérance à long terme, ces produits ayant des effets secondaires importants. La facilité de prise qui assure une meilleure observance au traitement doit être aussi améliorée. Les traitements du VIH ont des effets secondaires précoces et des effets secondaires tardifs qui sont encore plus gênants. En effet, quand un rash ou une cytolyse précoce est observé, il suffit de changer le traitement. En revanche, quand des anomalies métaboliques, telles que hyperlipidémie, insulinorésistance ou lipodystrophie, surviennent, elles sont plus difficiles à inverser.» Enfin, conclut le Pr Bricaire, «nous souhaiterions disposer de molécules stables n'induisant pas de résistance du VIH, virus instable et qui mute facilement».

En plus des inhibiteurs de la transcriptase inverse et des antiprotéases apparaissent de nouveaux médicaments : anti-intégrases, inhibiteurs de fusion… Ces molécules ayant des cibles différentes, elles peuvent donc être associées, ce qui augmente les chances de succès. Les malades ont ainsi une survie plus longue et de meilleure qualité, mais une surveillance accrue est nécessaire car les patients traités semblent développer plus facilement un cancer broncho-pulmonaire, hépatique ou digestif. «Même si, pour le moment, éradiquer totalement le virus reste un voeu pieux, il est possible aujourd'hui d'être positif car les traitements sont beaucoup plus simples, mieux tolérés, et ils induisent moins de résistance. Il faut jongler avec les molécules afin d'essayer de donner aux malades le meilleur traitement possible.»

Session « Focus en infectiologIe » présidée par le Pr François Bricaire (Paris), avec la participation du Dr Jérôme Robert (hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Paris) et du Pr Antoine Flahaut (faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, Paris).
Avec le soutien institutionnel de sanofi-aventis.

&gt; YVONNE EVRARD

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8359