UNE DYSLEXIE dans les langues alphabétiques telles que l'anglais ou le français n'entraîne pas de façon systématique des difficultés de lecture en chinois. La raison ? La différence entre les aires cérébrales impliquées dans les processus d'apprentissage de la lecture selon les langues. Les 5 à 17 % d'enfants dyslexiques pour les langues alphabétiques présentent une faible activité de deux régions cérébrales précises : l'aire temporo-pariétale et l'aire occipito-temporale gauche. Alors que, pour les enfants qui apprennent une langue à sinogrammes, c'est la région du gyrus frontal médian gauche qui est la plus importante pour acquérir les bases de lecture. Pour parvenir à ses conclusions, l'équipe du Dr Wai Ting Siok a soumis, à l'âge de 11 ans, 16 enfants chinois dyslexiques et 16 enfants appariés à un examen par IRM fonctionnelle.
Syllabes versus idéogrammes.
Le travail publié en 2007 par l'équipe du Dr Heof avait permis de dresser une cartographie des aires impliquées dans la dyslexie alphabétique. Or l'apprentissage de ce type de langues est fondé sur l'analyse de syllabes alors que la lecture dans les langue à sinogrammes repose sur l'analyse d'idéogrammes, d'idéophonogrammes et de phonogrammes. On savait déjà que, pour lire, les Chinois utilisent, plus que les habitants de pays à lecture alphabétique, les aires visiospatiales et la région frontale médiane gauche afin de reconnaître les caractères complexes qui sont mémorisés d'un point de vue phonique et non en prenant en compte des règles de conversion de l'addition de différents caractères individuels qui créent des sons plus complexes.
Le travail de l'équipe du Dr Siok confirme le caractère particulier des processus d'apprentissage des sinogrammes. Parmi les sujets dyslexiques étudiés, certains présentaient des anomalies morphologiques de la région du gyrus frontal médian gauche, alors que pour d'autres il n'existait que des troubles fonctionnels. Il semblerait que, chez ces derniers, il existe des phénomènes de recrutement neuronaux qui permettent de pallier ces difficultés de lecture en activant des stratégies alternatives d'apprentissage. Le gyrus frontal médian gauche joue un rôle particulièrement important dans l'apprentissage des sinogrammes en raison de l'existence d'une association arbitraire entre la forme des caractères d'écriture et leur prononciation. Le chinois, langue non phonétique, est enseigné sous la forme d'apprentissage par coeur de sinogrammes et de sons associés, sans passage par une analyse du lien entre l'écriture et le son. Les enfants en classe primaire doivent autant savoir écrire par coeur des textes qu'en réciter le contenu. De ce fait, les liens entre les performances de lecture et les capacités d'écriture sont particulièrement liés. Or les aires de motricité primaires qui permettent l'écriture sont très proches de celles du gyrus frontal médian gauche impliquées, selon le travail du Dr Siok, dans la dyslexie. Les auteurs concluent que la dyslexie pourrait être une maladie complexe qui revêtirait des formes différentes, selon les cultures et le type de caractère utilisés. D'autres études par IRM fonctionnelle pourraient être mises en place chez des dyslexiques d'autres cultures graphiques.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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