Syndrome métabolique et urologie

Des relations qui se précisent

Publié le 02/04/2008
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PAR LE Dr STEPHANE LARRE*

ON OBSERVE dans nos sociétés occidentales une augmentation progressive des apports caloriques depuis plus de trente ans. Associée à une sédentarisation, l'obésité a vu ainsi sa prévalence croître et prendre une place préoccupante, comme nous avons pu le constater à l'occasion d'une campagne de dépistage du cancer de la prostate réalisée à Sarrebourg (Moselle) en 2003 : 25 % des individus avaient un poids normal, 50 % étaient en surpoids et 25 % étaient obèses (1).

L'obésité peut prendre diverses formes et il convient de distinguer l'obésité globale ou gynoïde, moins morbide, de l'obésité androïde à prédominance abdominale qui est clairement identifiée comme à risque. Cette obésité androïde, lorsqu'elle est associée à une hyperlipidémie, à une résistance à l'insuline, voire à un diabète de type 2, ainsi qu'à une hypertension artérielle, définit le syndrome métabolique. Il est habituel de confondre obésité et syndrome métabolique, bien que ce dernier définisse plus précisément les obésités pathologiques. Le syndrome métabolique est fortement associé à une augmentation du risque de pathologies cardio-vasculaires et de diabète de type 2. On estime que plus de 80 % des diabétiques de type 2 présentent un syndrome métabolique. En revanche, l'impact de ce syndrome sur l'appareil urinaire est encore peu connu.

Sur le plan prostatique, le syndrome métabolique s'associe, chez l'obèse, à une augmentation du risque d'hypertrophie bénigne de la prostate, du volume prostatique, ainsi que de la vitesse de croissance prostatique lors de la sénescence. Sur une série de plus de 400 prostatectomies totales réalisées à l'hôpital Mondor, le volume prostatique était de 60 cm3 chez les obèses, alors qu'il n'était que de 48 cm3 chez les hommes au poids normal et, ce sans différence significative de stade. De plus, le syndrome métabolique est associé à une dysurie plus marquée, probablement liée à l'activation de la voie sympathique induite par l'hyperinsulinémie.

Cela se retrouve dans la campagne de dépistage réalisée en Moselle où les obèses avaient plus souvent recours à un traitement médical de l'hypertrophie de la prostate que les autres (9,2% contre 6,7 %). L'hyperinsulinémie, mais aussi l'élévation de l'IGF1 ou de la leptine, pourrait ainsi promouvoir la croissance prostatique bénigne ou même maligne.

Le taux de PSA est plus bas chez les obèses.

En effet, bien qu'il semble que l'incidence du cancer de la prostate soit plus faible chez les obèses jeunes (moins de 60 ans), le risque s'inverse plus tard dans la vie. De plus, le cancer de la prostate chez l'obèse est généralement plus agressif et de plus mauvais pronostic. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ces observations. Tout d'abord le PSA des obèses est plus bas à âge égal malgré l'augmentation du volume prostatique. Dans la campagne de dépistage réalisée en Moselle, le PSA moyen des hommes au poids normal était de 3,3 ng/ml, alors qu'il était de 2,4 chez les obèses, et même de 1,6 ng/ml pour les plus obèses d'entre eux (obésité de stade 2-3). De plus, du fait de l'augmentation du volume prostatique, il existe un risque supplémentaire de méconnaître une tumeur prostatique si le nombre de biopsies reste constant. Enfin, une dilution du taux de PSA du fait de la masse sanguine plus élevée chez l'obèse a également été évoquée pour expliquer cette baisse. Par ailleurs, chez l'obèse, une partie significative des androgènes est aromatisée dans la graisse périphérique entraînant une baisse de la testostérone et une augmentation des estrogènes.

Carence androgénique.

Bien qu'il soit communément admis qu'un taux élevé de testostérone favorise le cancer de la prostate, une carence androgénique, telle qu'elle apparaît progressivement avec l'âge, pourrait également favoriser l'apparition d'anomalies de la réplication. Ainsi, la moindre incidence du cancer de la prostate observée chez l'obèse jeune pourrait s'expliquer par un effet protecteur de l'abaissement du taux de testostérone chez les hommes ayant constitutionnellement un métabolisme androgénique élevé ou des facteurs de risque génétique de cancer. En revanche, plus tard dans la vie, lorsque la diminution du taux de testostérone se combine avec un déficit androgénique lié à l'âge, l'obésité pourrait alors favoriser l'apparition ou la progression du cancer de la prostate. Il n'existe cependant pas à l'heure actuelle de preuve qu'une diminution du seuil de PSA soit justifiée dans cette population, qui, par ailleurs, présente une mortalité accrue en cas d'infection sévère.

Le rôle de l'obésité a aussi été démontré dans d'autres cancers dont le carcinome rénal où l'association entre obésité et cancer est l'une des plus fortes. En revanche, l'obésité ne semble pas avoir d'impact sur l'incidence des autres tumeurs urologiques, mais il existe toutefois un risque accru de morbidité périopératoire bien connu chez l'obèse.

Le syndrome métabolique va aussi favoriser la dysfonction érectile du fait du risque de diabète, de l'atteinte vasculaire, mais aussi du déficit androgénique fréquent dans cette population.

Enfin, le syndrome métabolique favorise l'apparition de lithiase. En effet, les excès d'apport protidique et sodique fréquents chez l'obèse vont entraîner une accentuation de la calciurie. Par ailleurs, l'acidification des urines liée à la résistance à l'insuline favorise la formation de cristaux d'urates.

Devant un homme obèse, le diagnostic du syndrome métabolique est facile. La mesure d'un périmètre ombilical supérieur à 1 m alertera le clinicien, qui poursuivra alors ses investigations (cf. tableau). Le tabac devra plus que jamais être supprimé et une prise en charge diététique envisagée. A l'image de la dysfonction érectile, premier signe d'alerte d'une pathologie cardio-vasculaire sous-jacente, l'urologue peut une fois encore être en première ligne dans la prévention de pathologies générales lorsque se présente à sa consultation un obèse pour une dysurie.

* Service d'urologie, CHU Nancy-Brabois, Vandoeuvre-lès-Nancy.
(1) Larré S et coll. Prog Urol 2007 17 : 815-8.

Définition

Le syndrome métabolique est défini par la présence d'au moins trois des éléments suivants :

– tour de taille ≥ 102 cm chez l'homme et 89 cm chez la femme ;

– tryglycéridémie > 1,5 g/l ;

– HDL-C < 0,4 g/l chez l'homme et à 0,5 chez la femme ;

– pression artérielle ≥ 130/85 mmHg ;

– glycémie à jeun ≥ 1,1 g/l.

(D'après the National Cholesterol Education Program)

LARRE Stphane

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8345