LA VOIE de recherche suivie par l'équipe de Rachel Sherrard et coll. consiste à utiliser les ressources qui restent en place après un traumatisme neuronal, une voie différente de celles où l'on essaye de faire repousser des axones interrompus. De fait, on a observé qu'au stade du développement le système nerveux central se réorganise spontanément après une lésion. Les axones blessés ne repoussent pas, mais peuvent développer de nouvelles projections qui viennent se connecter aux neurones cibles appropriés. Ce qui aboutit à une récupération tout au moins partielle de comportements complexes altérés.
On a observé que ce type de connexion croît spontanément après une lésion cérébrale chez les très jeunes enfants. Les chercheurs de l'équipe neurobiologie des processus adaptatifs avaient montré précédemment qu'il est possible d'induire de nouvelles connexions chez le jeune adulte semblables à celles observées chez le nouveau-né.
Le modèle utilisé (chez le rat) est celui d'une lésion de la voie neuronale reliant le tronc cérébral au cervelet, voie appelée «voie des fibres grimpantes aux cellules de Purkinje du cervelet», qui est impliquée dans la coordination des mouvements. Une voie mixte, comprenant des afférences et des efférences du cervelet.
Le travail est réalisé sur le cervelet, où la démonstration est plus aisée, car il contrôle des fonctions spécifiques faciles à tester chez l'animal, comme la coordination motrice et l'apprentissage spatial.
Le Brain Derived Neurotrophic Factor.
La réparation est rendue possible en traitant le cervelet lésé avec un peptide, le Brain Derived Neurotrophic Factor (bdnf), qui existe naturellement dans le cervelet où il joue un rôle dans le développement et le bon fonctionnement de la voie neuronale ciblée. Le peptide est toujours présent à l'âge adulte, mais en quantités moins importantes.
Rachel Sherrard et coll. publient dans le dernier numéro de « Brain » la suite de leurs recherches. Ils ont travaillé sur le même modèle de traumatisme crânien chez le rat, en créant donc une interruption de la voie reliant le tronc cérébral au cervelet.
Après 24 heures, le bdnf est injecté dans la région du cervelet privée de connexions et que l'on cherche à réinnerver. Une seule administration est réalisée, en injectant la dose fractionnée en plusieurs endroits.
Trois semaines plus tard, les rats sont soumis à des tests. L'un explore l'équilibre et la fonction motrice : le rat doit marcher au sommet d'une roue que l'on fait tourner à des vitesses différentes ; plus elle va vite, plus il lui est difficile de garder l'équilibre. Un autre test explore l'orientation et l'apprentissage spatial : le rat doit trouver une plate-forme cachée sous un peu d'eau dans une piscine. Soit il la trouve spontanément, soit on lui apprend où elle est. Dans tous les cas, le rat normal sait ensuite la retrouver en s'orientant sur des signes présents tout autour du bassin.
Récupération incomplète, mais significative.
Au total, chez les animaux témoins, lésés, mais qui n'ont pas reçu le bdnf, il y a perte de ces fonctions, qui restent altérées au bout des trois semaines. Chez les rats traités, on constate une récupération, incomplète, mais significative, de ces fonctions de mouvement synchronisé avec équilibre moteur et d'apprentissage de la navigation dans l'espace.
Ainsi, ce travail met en évidence de nouvelles connexions qui sont venues de la voie controlatérale à la voie endommagée, pour remettre en fonction des cellules intactes qui n'étaient plus connectées, avec, comme effet, une restauration des fonctions qui leurs sont associées.
Pour la suite, les chercheurs vont s'intéresser au cerveau d'animaux vieillissants, pour savoir si des connexions identiques peuvent se développer aussi. La traduction chez les humains est importante car on sait que, après un AVC ou un traumatisme crânien, les sujets âgés sont plus handicapés et récupèrent moins bien.
Par ailleurs, le bdnf fait déjà l'objet d'essais cliniques, dans un tout autre contexte et avec des protocoles très différents, dans le traitement de maladies neurodégénératives, comme le Parkinson.
« Brain », 1er avril 2008, édition en ligne en libre accès.
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