LORS DES XVIIIes Journées européennes de la Société française de cardiologie, le Pr Philippe Ménasché (HEGP) concluait son topo sur les greffes cellulaires, en déclarant que les cellules souches embryonnaires humaines étaient selon lui les plus prometteuses pour aboutir à une régénération du tissu cardiaque.
L'appréciation se base à la fois sur un bilan des essais cliniques menés avec d'autres cellules et sur les résultats d'expérimentations animales menées avec des cellules souches embryonnaires.
La première greffe cellulaire chez un patient insuffisant cardiaque a été effectuée en 2001 par le Pr Ménasché, avec des cellules musculaires autologues. Les résultats, jugés encourageants, ont suscité six essais cliniques correctement conduits dans l'insuffisance cardiaque, deux menés avec des cellules musculaires, et quatre avec des cellules médullaires souches, ainsi que dix essais en post-IDM, tous menés avec des cellules médullaires.
De ces différents essais, on peut retenir la notion d'améliorations modestes, mais non nulles.
Dix essais en post-infarctus.
Les dix essais menés en post-IDM (700 patients au total) ont ainsi déjà fait l'objet d'une métaanalyse, laquelle rapporte une amélioration de 3 % de la FEVG, une diminution de 5,6 % de la taille de l'infarctus, et une fréquence moindre des récidives (1).
S'agissant de l'insuffisance cardiaque, l'un des quatre essais menés avec des cellules médullaires souches fait état d'une amélioration de la FEVG – avec une réserve toutefois, puisque le liquide placebo utilisé par l'équipe allemande pourrait avoir des effets délétères sur l'endothélium vasculaire –, tandis que des deux essais menés avec des cellules musculaires, l'un rapporte une amélioration du périmètre de marche et l'autre un effet sur le volume VG.
Le problème est que, au fur et à mesure de l'accumulation de ces résultats, il est apparu de plus en plus évident que l'on s'était trompé d'objectif. Il s'agissait, initialement, de régénérer le tissu cardiaque cicatriciel. Or les multiples analyses ont montré que les cellules greffées, qu'il s'agisse de cellules musculaires ou de cellules médullaires souches, sont incapables de se différencier en cardiomyocytes, exprimant un phénotype et une fonctionnalité cardiaque faite de contractilité – synchrone si possible.
Effets paracrines.
Selon toute vraisemblance, les améliorations constatées sont liées à un effet paracrine, c'est-à-dire à la sécrétion par les cellules greffées de multiples cytokines et autres facteurs de croissance, qui favoriseraient une récupération tissulaire. En post-IDM, un effet anti-apoptotique pourrait également intervenir, lié à la fusion de cellules greffées avec des myocytes portés par l'ischémie au seuil de l'apoptose.
En soi, ces effets sont intéressants. Les essais de greffes de cellules médullaires souches se poursuivent d'ailleurs, notamment en France avec l'essai BONAMI. Mais en toute hypothèse quant aux résultats, l'objectif de régénération du tissu cardiaque ne sera pas atteint par cette voie. Et c'est pour cette raison que le Pr Ménasché, et d'autres, plaident aujourd'hui en faveur des cellules souches embryonnaires.
Cellules souches embryonnaires humaines.
Contrairement aux cellules souches médullaires, les cellules souches embryonnaires semblent en effet conserver la capacité de se différencier en cellules cardiaques in situ. Après un certain nombre d'expérimentations intraspécifiques chez l'animal, l'équipe de Michel Pucéat (Inserm 861, I-Stem) a tenté la greffe de cellules souches embryonnaires humaines chez des rats immunodéprimés, après IDM (2). Dans ce modèle, une régénération du tissu cardiaque a effectivement été constatée.
Ce résultat suggère que l'on pourrait peut-être atteindre, avec des cellules souches embryonnaires, le résultat que l'on espérait avec des cellules musculaires ou médullaires.
La prudence est évidemment de mise. D'abord parce qu'un long travail de développement est encore nécessaire pour maîtriser les cultures et la différenciation initiale des cellules, au niveau qui serait requis dans un éventuel protocole clinique. Le risque de tératome, notamment, que comporterait la greffe de cellules embryonnaires, devrait être contrôlé. Ensuite parce qu'on ne compte plus les déceptions après passage de l'animal à l'homme : pour rester dans le domaine de la greffe cellulaire, l'induction d'une néovascularisation par l'injection de cellules médullaires souches, qui se présentait comme remarquablement efficace et reproductible chez l'animal, s'est révélée être un échec dans le traitement de l'artériopathie des membres inférieurs chez l'homme.
Lors du premier symposium international sur les cellules souches embryonnaires humaines, les perspectives thérapeutiques étaient surtout débattues en termes de cascades d'activation géniques ou de techniques de screening à haut débit de molécules éventuellement actives dans la différenciation. La clinique n'est donc pas d'actualité, et les travaux relèvent encore d'une recherche assez fondamentale. Simplement, en l'état actuel de ces travaux, les cellules souches embryonnaires se présentent comme un candidat plausible pour une véritable régénération du tissu cardiaque, ce que n'étaient pas les cellules utilisées jusqu'à présent en thérapie cellulaire.
(1)Lipinski MJ et coll. « J Am Coll Cardiol », 2007.
(2) Tomescot A et coll. « Stem Cells », 2007.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature