C'EST DONC vers la prévention qu'il faut se tourner. Les essais de dépistage par échographie et/ou par dosages de marqueurs sériques, notamment le CA125, ont été décevants. C'est un cancer de faible prévalence. Le CA125 a peu de valeur prédictive, l'échographie pelvienne a une sensibilité moyenne.
D'ailleurs, en 2004, Eisinger et coll. indiquaient que le dépistage de masse ou individuel du cancer de l'ovaire par échographie ou dosage du CA125 n'était pas indiqué.
L'analyse de la littérature présente des contradictions ; les conclusions sont peu tranchées ; néanmoins, trois axes se révèlent intéressants à suivre :
– le rôle du mode de vie ;
– la chimioprévention ;
– l'annexectomie préventive.
Le mode de vie
Il était classique de dire qu'il était souvent associé à une infertilité, à une nulliparité ou après une première grossesse après 30 ans.
Il y a peu de données affirmant ou infirmant le rôle de la parité et même de l'allaitement. En revanche, l'IMC semble jouer un rôle intéressant. La compilation de trois études a montré que les risques de survenue de ce cancer sont plus importants pour un IMC supérieur à 29,5.
L'exercice physique aurait un rôle bénéfique.
La chimioprévention
La contraception orale apparaît comme un facteur protecteur ; les données sur le traitement hormonal substitutif sont contradictoires. Toutes les autres données concernant ce domaine sont peu concluantes : analogues LH-RH, vitamine D, paracétamol, aspirine, AINS, tamoxifène, antioxydants.
Pour la contraception, la prise d'estroprogestatifs pendant plus de cinq ans fait diminuer significativement le risque de cancer de l'ovaire.
Pour J. M. Schindkraut, il s'agirait d'un effet dose-dépendant.
Cet effet de prévention est d'autant plus marqué qu'il s'agit de femmes porteuses du gène BRCA1. Ce phénomène se trouve de façon moindre chez celles porteuses du gène BRCA2 qui, elles-mêmes, ont moins de cancers de l'ovaire.
Pour le THS, les résultats sont plus discutés. Ils sont en rapport avec la durée de la prise (plus de dix ans) ; et le mode d'administration (le séquentiel serait préférable au continu).
En fait, cette prévention doit être considérée en fonction de la présence ou non d'une mutation génétique prédisposant à la maladie.
Les mutations constitutionnelles délétères sont responsables de près de 5 % des cas de cancer de l'ovaire (70 % pour le BRCA1, 20 % pour le BRCA2, 10 % pour les MMR).
La recherche de ces mutations se fait en cas de suspicion grâce au conseil génétique.
Il existe selon Eisinger un score qui permet d'aider à la décision en présence de femmes dites à risque et ayant des antécédents familiaux de :
– cancer du sein chez la femme âgée de moins de 30 ans : 4 ;
– cancer du sein chez la femme de 30 à 39 ans : 3 ;
– cancer du sein chez la femme de 50 à 70 ans : 1 ;
– cancer du sein chez l'homme : 4 ;
– cancer de l'ovaire : 3.
En cas de total supérieur ou égal à 5, l'indication de recherche des gènes est fortement recommandée. Entre 3 et 4, l'indication est possible. Entre 1 et 2, l'utilité est faible.
A. Finch insiste sur l'augmentation de l'incidence du BRCA1 avec l'âge et ce à partir de 45 ans.
L'annexectomie préventive
C'est dans ce contexte que l'on va être amené à conseiller une annexectomie bilatérale préventive. Celle-ci, bien sûr, ne sera décidée qu'après un avis multidisciplinaire en prenant en considération les résultats du conseil génétique.
Finch considère, d'ailleurs, que cette intervention ne va pas annuler le risque de survenue d'un cancer de l'ovaire.
S'il ne faut pas l'envisager avant 35 ans en raison des désirs de grossesse, le problème se posera souvent après 40 ans.
En dehors de ces prédispositions génétiques, un autre problème se pose souvent au chirurgien-gynécologue : faut-il ou non laisser les ovaires en place en cas d'hystérectomie pour pathologie bénigne ? Les données de la littérature sont assez contradictoires à ce sujet.
Le Dr Chopin a présenté les résultats d'une étude de survie rétrospective de 1993 à décembre 2005 portant sur 499 patientes atteintes d'une tumeur épithéliale de l'ovaire dont 41 avaient bénéficié au préalable d'une hystérectomie interannexielle pour pathologie bénigne.
L'âge moyen des patientes était de 46 ans.
Pour les auteurs de l'étude, la pratique de cette hystérectomie peut être considérée comme un élément péjoratif de la survie de ces patientes (RR 1,52 ; IC 95% : 1,00/2,35.
La survenue d'un cancer sur ovaire dit restant serait donc un facteur pronostique de survie moins bon.
Pour le Dr Chopin, de 27 à 29,7 % de ces cancers auraient donc été évitables si l'on avait pratiqué d'emblée une hystérectomie avec annexectomie. Bien sûr, les risques liés à l'annexectomie et la morbidité induite par ce genre d'intervention sont à prendre en considération au moment de la décision.
Conclusion
En conclusion, il n'existe pas de réelle prévention du cancer de l'ovaire. Les données concernant l'IMC et la pratique d'une activité physique sont intéressantes.
En cas de mutation BRCA1, le rôle protecteur de la contraception orale est à prendre en considération, ainsi que celui de la chirurgie prophylactique après 40 ans.
Il est trop tôt pour juger de l'intérêt de la pratique de l'annexectomie systématique en cas d'hystérectomie pour lésions bénignes.
Pour le Dr Chopin, il faut considérer, d'ailleurs, dans ce cas, les problèmes liés à cette ménopause précoce induite : traitement hormonal substitutif et ses risques, ostéoporose et ses risques ?
Exposé du Dr N. Chopin, hôpital Cochin, faculté de médecine de Paris-V, à l'occasion des 11es Journées parisiennes d'endoscopie, de chirurgie et de gynécologie, Paris, février 2008.
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