Prévention des déficits cognitifs et des démences

L'alimentation, certes, mais quels conseils donner ?

Publié le 28/02/2008
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DANS LES PAYS développés, où l'allongement de la vie ces dernières décennies a considérablement augmenté, on constate parallèlement une élévation des pathologies liées à l'âge, notamment des déclins cognitifs, des démences telle la maladie d'Alzheimer. Ces démences, à l'apparition insidieuse, à l'expression clinique très tardive, seraient liées à des mécanismes physiopathologiques sous-jacents actifs bien avant l'apparition clinique de la maladie. Une très grande interaction est suggérée entre l'alimentation et le risque de démences, de déclin cognitif. De plus en plus d'arguments existent en faveur du rôle clé joué par les nutriments comme les vitamines, les oligoéléments antioxydants, les lipides, dans l'instauration ou non d'un déficit cognitif, d'une démence. Cette interaction entre l'apport alimentaire et les pathologies citées est toutefois modulée par les caractéristiques génétiques individuelles.

Les acides gras polyinsaturés.

A travers plusieurs travaux, il ressort que des apports élevés en graisses saturées et en graisses transinsaturées (hydrogénées) sont souvent associés à une augmentation du risque de la maladie d'Alzheimer. Mais il a été relevé qu'un allèle particulier de l'apolipoprotéine E (Apo E) module l'effet des apports en lipides sur le risque de démence et de la maladie d'Alzheimer. D'autres facteurs de nature environnementale jouent, semble-t-il, «un rôle dans la réponse des lipides», telle la consommation de cuivre qui pourrait aggraver l'effet délétère d'une alimentation riche en graisses saturées et transinsaturées.

Inversement, des apports importants en acides gras polyinsaturés (notamment n-3) et mono-insaturés présenteraient un effet protecteur contre le déclin cognitif chez les personnes âgées. Les conclusions de 8 études longitudinales laissent penser qu'une consommation au moins hebdomadaire serait associée à une diminution du risque de démence ou de déclin cognitif. Toutefois, sur l'effet d'une supplémentation en acides gras n-3 sur les fonctions cognitives chez des patients atteints de forme légère de démence, la seule étude existante (Freud-Levy et coll., « Arch Neuro », 2006) n'a montré aucun effet positif significatif.

Quant au rôle potentiel des vitamines B (en particulier folates, vitamines B12, B6) dans la prévention du déclin cognitif et de la démence, il est reconnu qu'un déficit de ces vitamines est associé à une augmentation du niveau plasmatique d'homocystéine qui pourrait avoir des effets délétères, neurotoxiques et contribuer au déclin cognitif lié à l'âge. Néanmoins, si certaines études suggèrent un rôle protecteur des vitamines B, d'autres essais ne sont pas parvenus à mettre en évidence le moindre effet d'une supplémentation en vitamines B sur le déclin cognitif...

Antioxydants.

Les micronutriments au pouvoir antioxydant (vitamine E, vitamine C, les caroténoïdes, les cofacteurs de la superoxyde dismutase et de la glutathion synthétase), du fait du rôle du stress oxydatif présent dans les processus conduisant au déclin cognitif, pourraient posséder un rôle neuroprotecteur. Les études longitudinales existantes, peu nombreuses et souvent contestées, n'apportent aucune preuve réelle sur une supplémentation en micronutriments. Certaines, même, soulignent une augmentation de la mortalité... Toutefois, elles font état d'un effet protecteur de la vitamine E : en supplémentation, un apport associé en tocophérol alpha et gamma réduirait le risque de déclin cognitif ainsi que le risque de maladie d'Alzheimer. D'après l'ensemble des travaux existants à ce jour, sur l'impact des supplémentations antioxydantes dans la prévention du déclin cognitif et malgré les faiblesses certaines dans les recrutements, sur les critères pris en compte pour l'insertion dans les essais, «il semble, précise le Pr Bruno Vellas, qu'il est indispensable de proposer une combinaison équilibrée de plusieurs nutriments antioxydants pour espérer un effet significatif en termes de prévention».

Régime méditerranéen, café.

Parmi les voies de recherches sur les liens entre l'apport alimentaire et la prévention du déclin cognitif, les effets bénéfiques du régime méditerranéen sont reconnus. Ce régime riche en fruits et en légumes, en céréales et en graisses insaturées, mais pauvre en graisses saturées «souligne la nécessité de considérer les interactions entre les micro- et les macronutriments dans les futures études dédiées à l'effet de l'alimentation sur le déclin cognitif».

Autre piste émergente dans la prévention des déficits cognitifs de la personne âgée est l'impact de la caféine. Une récente étude (Nikolaos Scarmeas N., Stern Y., Tang M.X. and coll., « Alzheimer and Demencia », vol. 2, issue 3, suppl 1, july 2006 page S60), a révélé qu'une consommation importante de caféine (plus de trois tasses de café par jour) a un effet bénéfique sur l'évolution cognitive mais... seulement chez les femmes.

D'après une communication du Pr Bruno Vellas (CHU Lagrave-Casselardit/unité INSERM U558, Toulouse) dans le cadre de la 48e Journée annuelle de nutrition et de diététique (JAND).

Prix Benjamin-Delessert 2008

Le prix de l'institut Benjamin-Delessert a été décerné à Jean-Paul Laplace, docteur vétérinaire et docteur en physiologie animale de l'université de Lyon, docteur ès sciences en physiologie de la nutrition de l'université Paris-XI, directeur honoraire de l'INRA. Ce prix, créé en 1988, d'un montant de 5 000 euros, remis par le Pr Guy-Grand, président de la JAND, et le Pr Bernard Messing, vice-président, vient récompenser pour l'ensemble de ses travaux une brillante personnalité dont l'action dans le domaine de la nutrition a contribué au développement des connaissances.

> Dr MARTINE DURON-ALIROL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8322