«NOUS espérons que nos résultats seront utiles pour développer de meilleures stratégies préventives, curatives et réviser les recommandations de l'OMSpour contrôler l'anémie sévère», confie au « Quotidien » le Dr Job Calis (the Global Child Health, Pays-Bas) qui a dirigé une étude cas-témoin au Malawi, fruit d'une collaboration entre des chercheurs néerlandais et britanniques.
«L'OMS recommande de traiter systématiquement les enfants atteints d'anémie sévère contre le paludisme, d'administrer du fer et des folates. En outre, les plus de 2ans doivent recevoir un traitement contre l'ankylostomiase.» Ces recommandations sont dictées par le principe selon lequel le paludisme, les carences en folates et en fer représentent les causes les plus fréquentes d'anémie sévère chez les enfants africains. Toutefois, les déterminants de cette affection restaient incertains.
Tous les facteurs potentiellement associés.
Afin de mieux les comprendre, Calis et al. ont réalisé une étude cas-témoins au Malawi. «Nous avons examiné tous les facteurs potentiellement associés à l'anémie chez plus de 1100enfants: 380atteints d'anémie sévère et 750témoins, explique le Dr Calis. C'est la première étude qui évalue simultanément tous ces facteurs dans un groupe de patients». Tous les enfants étaient âgés de 6 à 30 mois et vivaient en zone rurale ou urbaine.
L'analyse multivariée met en évidence plusieurs facteurs associés à l'anémie sévère : bactériémie (OR = 5,3) ; ankylostomiase (OR = 4,8) ; carence en vitamine A (OR = 2,8) ; trouble génétique en G6PD 202/376 (OR = 2,4) ; paludisme (OR = 2,3) ; carence en vitamine B12 (OR = 2,2) ; infection à VIH (OR = 2).
A l'inverse, une carence en folates, une drépanocytose et des signes de réponse inflammatoire anormale apparaissent rarement associés à l'anémie. De même, une carence en fer n'est pas fréquente chez les enfants sévèrement anémiés (OR = 0,37), mais elle est inversement associée à la bactériémie. Ce qui étaye l'hypothèse selon laquelle la carence en fer protège contre une infection (en créant un environnement défavorable pour la croissance bactérienne).
Tandis que le paludisme est associé à l'anémie sévère en zone urbaine (transmission saisonnière), il ne semble pas l'être en région rurale (où l'infection est holoendémique), ce qui suggère la contribution de facteurs supplémentaires ou alternatifs en milieu rural.
Enfin, 66 % des infections à ankylostomes ont été trouvées chez des enfants âgés de moins de 2 ans.
Comme le précise le Dr Calis, «cette recherche montre qu'environ 60% des enfants souffrent du paludisme au Malawi. Toutefois, cela s'applique aussi bien aux enfants sévèrement anémiés que non anémiés. Par conséquent, la parasitose ne peut pas expliquer à elle seule l'anémie. D'autres causes possibles doivent être prises en compte».
Le déficit en fer apparaît moins fréquent.
Par ailleurs, il ajoute : «Le déficit en fer est souvent considéré comme la seconde cause d'anémie, mais il apparaît moins fréquent chez les enfants sévèrement anémiés que chez les autres. Le déficit en fer protège potentiellement contre la bactériémie, elle-même fortement associée à l'anémie dans cette étude. Par conséquent, la supplémentation en fer est discutable chez ces enfants.»
Aucun des enfants étudiés n'avait de déficit en folates, mais les carences en vitamines B12 et A étaient fréquentes.
«Enfin, les infections à ankylostomes étaient fréquentes chez les enfants sévèrement anémiés, principalement dans le groupe des moins de 2ans qui ne recevait pas de traitement systématique contre l'ankylostomiase comme le recommande l'OMS.»
Ces résultats devront être confirmés dans d'autres régions, et, «puisque c'était une étude cas-témoin, conclut le Dr Calis, des études d'intervention seront nécessaires pour valider la causalité des associations identifiées».
Calis et al., « New England Journal of Medicine », 28 février 2008, p. 888.
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