PAR LE Dr SERGE DOAN*
LES INFECTIONS de la surface oculaire font souvent l'objet de prescriptions inadéquates. L'utilisation d'antibiotiques fait courir un risque de résistance, qui est un problème de santé publique croissant, plus important en cas de sous-dosage et d'utilisation prolongée. La prescription doit donc être rigoureuse et raisonnée. De même, pour des raisons évidentes liées à leur effet immunosuppresseur, les corticoïdes doivent être utilisés avec prudence.
Au cours des conjonctivites bactériennes, les collyres ou les pommades antibiotiques sont très fréquemment prescrits. Pourtant, plusieurs études ont montré que le sérum physiologique est tout aussi efficace que ces derniers après 8 jours de traitement. Les antibiotiques ne feraient qu'accélérer la guérison. Les dernières recommandations de l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) préconisent l'usage des antibiotiques locaux uniquement en cas de signes de gravité de la conjonctivite : sécrétions importantes, chémosis, œdème palpébral, larmoiement, baisse de vision ou photophobie. Dans les autres cas, une simple prescription de collyre antiseptique associé à des lavages au sérum physiologique est suffisante.
Dans les conjonctivites virales à adénovirus, les corticoïdes locaux doivent être prescrits avec précaution, et de façon non systématique. S'ils réduisent effectivement les symptômes à la phase précoce, ils prolongent le portage viral et l'évolution de la maladie. Ils doivent être réservés aux formes hyperinflammatoires, comme les formes pseudo-membraneuses qui peuvent évoluer vers la formation de symblépharons. En cas de kératite nummulaire, leur prescription devra longuement être discutée avec le patient en raison des risques importants de corticodépendance. Ils seront réservés, en pratique, aux cas d'atteinte de l'axe visuel.
Au cours des conjonctivites allergiques, la prescription de corticoïdes locaux est encore très fréquente, surtout par les non-ophtalmologistes. Pourtant, les collyres antihistaminiques ou double action (antihistaminique et antidégranulante mastocytaire) sont le plus souvent efficaces, avec une rapidité d'action qui est de plus bien supérieure aux corticoïdes. Ces derniers doivent être réservés aux échecs du traitement de première intention ou en cas d'inflammation importante. Dans les kératoconjonctivites vernales et atopiques, ils sont aussi indiqués en cas de kératite inflammatoire. L'erreur classique dans l'ulcère vernal est de ne pas oser prescrire des corticoïdes locaux à forte dose de peur de ralentir la cicatrisation.
L'eczéma des paupières nécessite aussi à la phase aiguë des corticoïdes cutanés. Il faut cependant éviter les fluorocorticoïdes, comme la dexaméthasone ou la bétaméthasone, dont nous disposons en ophtalmologie, car cette classe est beaucoup trop puissante pour la peau des paupières. On préférera l'hydrocortisone ou la triamcinolone.
Enfin, rappelons qu'il faudra limiter, dans les formes chroniques d'allergie conjonctivale, l'utilisation des collyres avec conservateur.
Des explications sur l'ordonnance.
Le manque d'explications sur l'ordonnance peut être à l'origine d'un échec thérapeutique. Une posologie trop restrictive pour un collyre lubrifiant au cours de la sécheresse oculaire en est un exemple classique. De même, les soins des paupières dans la rosacée oculaire doivent être écrits sous peine d'être mal reproduits par le patient. Il faut noter que, dans cette pathologie, les cyclines sont formellement contre-indiquées en cas d'utilisation de dérivés de l'acide rétinoïque, tel Roaccutane, car ils augmentent le risque d'hypertension intracrânienne.
* Praticien hospitalier, hôpital Bichat et Fondation ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild, Paris.
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