LE SYNDROME de Treacher Collins (STC) est une malformation congénitale rare (1/10 000 naissances) du développement craniofacial. Dans la littérature européenne, on l'appelle aussi syndrome de Franceschetti ou dysostose mandibulofaciale.
Cliniquement, il associe une hypoplasie des os du visage, une fente palatine, des malformations des parties molles dont un colobome des paupières inférieures et des anomalies de l'oreille externe et, dans la moitié des cas, une surdité de transmission due à une anomalie des osselets.
Ce syndrome peut être causé par des mutations ( de novo ou héréditaires dominantes) du gène TCOF1 ; ce gène encode la protéine nucléolaire Treacle qui joue un rôle clé dans la biogenèse du ribosome, essentielle pour la bonne croissance et la prolifération cellulaire.
Les personnes affectées d'un STC sévère subissent en général de nombreuses interventions chirurgicales reconstructrices.
Corrections difficiles après la naissance.
«Le problème majeur des malformations congénitales craniofaciales réside dans le fait qu'elles surviennent très tôt durant la grossesse et qu'elles sont difficiles à corriger après la naissance», explique au « Quotidien » le Dr Paul Trainor (Stowers Institute, Kansas City, MO), qui a dirigé cette étude.
«La thérapie par cellules souches conjointement à la série d'interventions chirurgicales reconstructrices offrent peu d'espoir d'une réparation correctrice complète dans les syndromes sévères de malformations craniofaciales. Par conséquent, des efforts concertés doivent être entrepris pour étudier la cause des syndromes spécifiques et les méthodes possibles pour les prévenir.
Ce n'est que lorsque nous comprendrons vraiment la base cellulaire et génétique d'un syndrome spécifique qu'il nous sera possible de définir des voies pour une prévention thérapeutique et/ou une réparation. »
Pour mieux comprendre les mécanismes moléculaires sous-tendant le STC, les chercheurs ont étudié l'expression du génome chez des souris embryonnaires (J8) hétérozygotes pour le gène TCOF1 (TCOF1+/–) par rapport aux souris normales.
Les embryons mutants présentaient une expression accrue de cinq gènes, tous connus pour avoir leur transcription activée par p53.
L'étude montre que l'haplo-insuffisance de TCOF1, qui réduit de 40 % le taux de protéine Treacle, entraîne une stabilisation nucléaire de p53 et une activation de ses cibles transcriptionnelles, comme le gène Ccng1 de la cycline G1, dans le neuroépithélium.
Cette activation est directement associée à un arrêt du cycle cellulaire et à l'apoptose des cellules souches de la crête neurale dans le neuroépithélium, ce qui aboutit aux manifestations caractéristiques du STC.
Etant donné les effets opposés de Treacle et de p53 sur la biogenèse du ribosome, et par conséquent sur la prolifération cellulaire, l'équipe a cherché à savoir si l'inhibition de p53 peut constituer une prévention thérapeutique du STC.
Effectivement, l'inhibition (pharmacologique ou génétique) de p53 dans le modèle souris du STC réprime l'activation du gène Ccng1 et diminue l'apoptose des cellules de la crête neurale, et prévient ainsi les malformations craniofaciales et la mortalité associée.
Ces améliorations sont indépendantes des effets sur la biogenèse du ribosome ; ainsi, notent les chercheurs, l'apoptose neuroépithéliale induite par p53 représente le principal mécanisme sous-tendant la pathogenèse du STC.
Hypothèse : l'arrêt du cycle cellulaire induit par p53 refléterait une réponse de stress nucléolaire causée par une biogenèse déficiente du ribosome. Les cellules neuroépithéliales et de la crête neurale seraient particulièrement sensibles au stress cellulaire durant l'embryogenèse.
De nombreuses autres malformations ?
«L'identification du rôle majeur de l'apoptose médiée par p53 dans le développement du syndrome de Treacher Collins soulève la possibilité qu'un mécanisme génétique similaire puisse sous-tendre de nombreuses autres malformations congénitales craniofaciales, fait entrevoir le Dr Trainor. En bloquant la fonction de mort cellulaire contrôlée par p53, nous pourrions peut-être minimiser la perte des cellules de la crête neurale qui sont essentielles pour générer la majorité de l'os, du cartilage et du tissu conjonctif dans la tête et le visage, et ainsi prévenir ou minimiser les anomalies caractéristiques des malformations congénitales craniofaciales sévères.»
Cependant, l'étude montre qu'il faudra une réduction sans élimination complète de p53 si l'on veut prévenir le syndrome sans induire des tumeurs spontanées. Cette approche n'est pas sans embûches car il est difficile de contrôler le taux approprié de p53, confie le Dr Trainor. Un excès de p53 peut causer la mort des cellules, mais pas assez de p53 est tout aussi problématique car cela est souvent associé au cancer et à la cancérogenèse. Par conséquent, pour améliorer la cible d'intervention, il nous faudra étudier les gènes activés par p53, en particulier ceux qui ne sont pas associés au cancer.»
Il reste donc encore des recherches fondamentales à effectuer, avant de pouvoir envisager des études cliniques.
Jones et coll. « Nature Medicine », 3 février 2008, DOI : 10.1038/nm1725.
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