BIEN QUE l'existence d'un trouble dépressif multiplie par 10 le risque de tentatives de suicide, la dépression est sous-diagnostiquée. Selon les recommandations de l'AFSSAPS d'octobre 2006, plus de la moitié des patients déprimés n'ont pas accès aux soins. Et, souligne, le Pr Jean-Pierre Olié (hôpital Sainte-Anne, Paris) : «Le déficit de dépistage est surtout manifeste lorsque la dépression s'accompagne de plaintes somatiques.» Il faut dire que la dépression offre un large spectre de symptômes, émotionnels, bien sûr, mais aussi cognitifs comme des troubles de la mémoire ou physiques tels que fatigue, troubles du sommeil, troubles de l'appétit, douleurs corporelles. Nombre de ces symptômes, bien que fréquents, sont atypiques et perturbent le diagnostic de dépression.
Maux de tête, d'estomac, douleurs du cou, du dos...
Ainsi, la dimension douloureuse de la dépression est relativement peu prise en compte. Pourtant, selon les études, de 75 à 90 % des patients déprimés se plaignent de douleurs : maux de tête, d'estomac, douleurs du cou et du dos, douleurs généralisées. Ces douleurs associées à la dépression peuvent avoir une cause organique ou survenir en dehors de toute cause organique identifiée.
Lors de la prise en charge d'une dépression, l'objectif thérapeutique doit être la rémission complète car seuls les patients en rémission complète ont un fonctionnement social comparable à celui de sujets non déprimés et la persistance de symptômes résiduels augmente le risque de rechutes. Or il a été démontré que non seulement l'intensité des douleurs associées à la dépression est corrélée à la sévérité des symptômes dépressifs et anxieux mais, de plus, la persistance de ces douleurs après dix jours de traitement apparaît comme un facteur prédictif de mauvaise réponse thérapeutique à un mois. La prise en charge des douleurs de la dépression est donc un élément essentiel du traitement de la dépression.
Relation réciproque entre douleur et dépression.
Une relation existe entre douleur et dépression d'un point de vue clinique et neurobiologique. La douleur chronique est un facteur de risque majeur de dépression. Réciproquement, la dépression augmente la sensibilité à la douleur et est un facteur de risque de douleur chronique. La sérotonine (5-HT) et la noradrénaline (Nad) sont des neurotransmetteurs impliqués dans la dépression et des travaux expérimentaux ont montré que 5-HT et Nad interviennent aussi dans la modulation des sensations douloureuses. L'hypothèse a donc été émise qu'en induisant un dysfonctionnement des systèmes sérotoninergique et noradrénergique, la dépression abaisserait le seuil de perception de la douleur, rendant douloureuses des sensations qui, hors dépression, passent inaperçues. Cette hypothèse physiopathologique supporte le concept de douleur corporelle en tant que symptôme à part entière de la dépression. Elle a aussi été à la base du travail qui a permis la mise au point d'un nouvel agent antidépresseur, la duloxétine (Cymbalta) qui inhibe simultanément la recapture de la sérotonine et celle de la noradrénaline. Ce composé agit à la fois sur la symptomatologie psychique et sur les symptômes douloureux de la dépression comme l'ont montré des études cliniques réalisées sur plus de 3 000 patients dépressifs. Ainsi, dans l'étude pivot effectuée sur 245 patients et présentée par le Dr David Gourion, psychiatre à Paris, la duloxétine, à la dose de 60 mg/j, a amélioré les symptômes dépressifs dès la deuxième semaine de traitement et a induit une probabilité de rémission deux fois supérieure à celle observée avec le placebo. Dans un essai sur 6 mois, la duloxétine a diminué l'incidence des rechutes (17,4 % versus 28,5 % sous placebo). Enfin, dans une étude complémentaire, la duloxétine a diminué la gravité des douleurs corporelles observées lors d'un épisode dépressif majeur, significativement plus que le placebo, dès la première semaine de traitement. Par ailleurs, la duloxétine est efficace chez les patients âgés de plus de 65 ans et montre une bonne tolérance cognitive. Les événements indésirables observés le plus fréquemment, nausées, bouche sèche, céphalées ou diarrhée, sont d'intensité légère à modérée et s'estompent avec la poursuite du traitement. Cymbalta est contre-indiqué chez l'insuffisant hépatique et chez le sujet hypertendu non contrôlé.
Conférence de presse organisée par les Laboratoires Lilly et Boehringer Ingelheim.
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