Un travail de la CNAMTS a évalué à 10,5 millions le nombre de personnes traitées en France pour HTA en 2006, pour un coût de 2,3 milliards d'euros – 4,4 milliards, si l'on inclut le traitement des facteurs de risque cardio-vasculaire associés. Ces chiffres ont nettement augmenté depuis 2000, ce qui constitue une bonne nouvelle en termes de prévention. Les coûts des traitements se sont par ailleurs stabilisés depuis 2005, ce qui constitue aussi une bonne nouvelle.
QUELLES SONT les évolutions de la prise en charge médicamenteuse de l'HTA en France en termes d'effectif et de profil de population traitée, de modalités de traitements, de coûts ?
Pour le savoir, la CNAMTS a mené une enquête sur l'évolution des prescriptions de traitement antihypertenseurs de 2000 à 2006 en s'appuyant sur l'échantillon permanent des assurés sociaux (1). A l'invitation de la Société française d'hypertension, le Dr Philippe Ricordeau et Solène Samson en ont présenté les principaux résultats lors des 27es Journées de l'HTA.
D'une manière générale, les recommandations en matière de traitement de l'HTA ont évolué ces dernières années vers une prise en charge plus précoce et plus intensive. Les bi- ou trithérapies sont dorénavant classiques pour atteindre les valeurs cibles, tandis que ces valeurs elles-mêmes ont été abaissées à 130/80 mmHg en cas de diabète.
Dans ce contexte, le nombre de patients traités pour HTA est passé de 8,6 millions en 2000 à 10,5 millions en 2006, soit un accroissement de 3,4 % par an en moyenne. On note que, dans cet accroissement, la part revenant au vieillissement de la population est de 0,9 point.
Enfin, durant cette période, la prévalence de l'HTA traitée est passée de 19,6 à 22,8 %. A titre de comparaison, la prévalence globale de l'HTA dans la population adulte mondiale était estimée à 26,4 % en 2000, avec des disparités considérables entre pays asiatiques, généralement au-dessous de 20 %, et les pays de l'ex-URSS ou l'Amérique latine, où elle dépasse 35 %. En ce qui concerne les modalités de traitement, la période 2000-2006 a été marquée par un accroissement du recours aux bi-, tri- et polythérapies.
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La proportion de patients traités par un moins deux classes thérapeutiques est ainsi passée de 55,4 % en 2000 à 61 % en 2006. Cette évolution était attendue, puisqu'il est aujourd'hui reconnu que les patients, dans leur majorité, requièrent au moins deux médicaments pour être contrôlés. La tendance devrait par ailleurs se poursuivre, puisque, selon des estimations nombreuses et concordantes, le taux de contrôle des patients hypertendus en France reste inférieur à 50 %.
En termes de classes thérapeutiques, les évolutions les plus notables concernent les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (ARA II), prescrits à 36,7 % des patients en 2006 contre 19,8 % en 2000, et dans une moindre mesure, les diurétiques thiazidiques, passés de 37,4 % en 2000 à 41 % en 2006.
La CNAMTS rappelle à ce propos que les cinq classes qui peuvent être proposées en première intention (diurétiques thiazidiques, bêtabloquants, inhibiteurs calciques, IEC, ARA II) ont toutes montré un bénéfice sur la mortalité cardio-vasculaire, mais que «la Haute Autorité de santé préconise de prendre en compte le coût dans le choix de l'antihypertenseur, et mentionne le faible coût journalier des diurétiques thiazidiques».
Des dépenses qui augmentent.
Les coûts, justement. Il est évident qu'une prise en charge médicamenteuse plus intensive de l'HTA s'accompagne d'une augmentation du prix du traitement. De fait, le coût journalier du traitement de l'HTA en France métropolitaine pour les patients bénéficiant du régime général est passé de 188 euros en 2000 à 217 euros en 2006. A cela s'ajoutent les coûts des traitements correspondant au risque cardio-vasculaire, sur lesquels insistent les dernières recommandations européennes : diabète (32 euros en 2000 ; 56 euros en 2006), hypolipémiants (65 euros ; 95 euros), et antiagrégants plaquettaires (AAP), recommandés en prévention secondaire en cas de maladie cardio-vasculaire, cérébro-vasculaire ou rénale (20 euros ; 53 euros).
Au total, le prix de revient journalier des traitements à visée cardio-vasculaire chez un patient hypertendu s'établissait à 306 euros en 2000 et à 422 euros en 2006. En tenant compte de l'augmentation du nombre de patients traités par antidiabétiques (13,9 % en 2000 ; 17,2 % en 2006), par hypolipémiants (36,2 % ; 44,8 %, dont respectivement 22 et 33,7 % par statines) et par AAP (24,7 % ; 28,5 %), on aboutit à un coût total de la prise en charge de l'HTA, tous régimes confondus, de 1,6 milliard d'euros en 2000 et de 2,3 milliards en 2006, et à un coût de la prise en charge médicamenteuse du risque cardio-vasculaire global chez les hypertendus de 2,6 milliards en 2000 et de 4,4 milliards en 2006.
Le message de la CNAMTS est double.
Premièrement, l'investissement ne s'effectue pas à fonds perdus, bien au contraire. Entre 2000 et 2004, la mortalité cardio-vasculaire a diminué de 15 %, et depuis les années 1980, on estime même ce recul à 50 %. En France comme dans les autres pays industrialisés, cette diminution de la mortalité ne serait expliquée que pour moitié environ par les traitements médicamenteux, le reste revenant à des changements de comportements (alimentation, sédentarité, tabagisme, alcoolisme...). Il n'en demeure pas moins, comme l'indique le Dr Ricordeau que «si l'on met le coût de ces traitements en rapport avec le coût d'un AVC ou d'une insuffisance rénale, la question ne se discute pas». Et d'ajouter que la CNAM estime que «c'est une bonne chose qu'il y ait plus de patients traités, et qu'il ne s'agit surtout pas d'arrêter».
Le second message a trait à un aspect de l'évolution des coûts. Si la tendance est à l'augmentation depuis 2000, elle est en revanche à la stabilisation depuis 2005. Qu'il s'agisse du traitement de l'HTA ou du risque cardio-vasculaire global, et qu'il s'agisse du coût journalier ou du coût annuel à l'échelle de la population, les chiffres n'évoluent plus de 2005 et 2006 : les coûts journaliers du traitement de l'HTA et des hypolipémiants associés ont même diminué de quelques euros entre 2005 et 2006.
Pour la CNAM, il s'agit là du résultat de l'importante progression des génériques en 2006, obtenue dans le cadre d'un accord conventionnel entre l'assurance-maladie et les pharmaciens d'officine. Cette progression a abouti à une économie de l'ordre de 70 millions d'euros. Manière de rappeler que, lorsqu'il s'agit de traiter plus de 10 millions de personnes, on ne peut faire l'impasse sur le critère coût/efficacité.
D'après les communications de Solène Samson et du Dr Philippe Ricordeau (Caisse nationale d'assurance-maladie, Direction de la stratégie, des études et des statistiques, Paris).(1) Samson S et coll. Points de repère n° 10 octobre 2007).
www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/pt_repere_10.pdf.
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