L'ALTÉRATION de la microcirculation pourrait bien être une cause d'hypertension artérielle. Une équipe de recherche française, dirigée par Bernard Lévy (unité INSERM 689, hôpital Lariboisière, Paris), vient en effet de mettre en évidence un lien causal entre la diminution de la densité des microvaisseaux et l'augmentation de la pression artérielle.
Il est depuis longtemps largement admis que les complications de la maladie hypertensive sont associées à un défaut de perfusion des organes cibles (coeur, cerveau, reins). Ces anomalies sont essentiellement dues à une raréfaction des artérioles et des capillaires. Cependant, jusqu'ici, il était difficile de savoir si le phénomène était la cause ou la conséquence de l'hypertension.
Pour trancher la question, Bernard Lévy et ses collaborateurs de l'hôpital Avicenne (Bobigny) ont tiré parti d'une observation réalisée chez les patients atteints d'un cancer du rein ou du côlon, recevant un traitement antiangiogénique : près d'un tiers de ces personnes développent une hypertension artérielle. Dans certains cas, cet effet secondaire est suffisamment important pour qu'il soit décidé d'interrompre le traitement.
L'asphyxie des tumeurs.
Les traitements antiangiogéniques visent à asphyxier les tumeurs en inhibant la formation de vaisseaux capables de les irriguer. Ils se fondent sur l'administration de molécules qui bloquent l'activité du facteur de croissance endothélial VEGF.
«Sachant que ces traitements entraînent une raréfaction de la microcirculation au niveau de la tumeur, nous avons voulu savoir s'ils pouvaient altérer les microvaisseaux des tissus sains, et donc déclencher l'augmentation de la pression artérielle», explique Bernard Lévy.
Peau du dos de la main.
L'équipe française a testé l'hypothèse en étudiant le cas de 18 patients atteints d'un cancer du côlon traité par bevacizumab. Six mois avant le début du traitement, les chercheurs ont mesuré la pression artérielle et la densité des capillaires de la peau du dos de la main des patients (par vidéomicroscopie intravitale). Ils ont en outre évalué leur fonction endothéliale microvasculaire par Doppler. En renouvelant les mê-mes examens six mois après le début du traitement, Bernard Lévy et ses collègues ont constaté que l'administration de bevacizumab (dose moyenne cumulée de 3,16 ± 0,90 g) avait conduit à une augmentation significative de la pression artérielle (en moyenne + 16 mmHg pour la pression systolique et + 7 mmHg pour la pression diastolique). De plus, la densité des capillaires et la vasodilatation induite par la pilocarpine avaient significativement diminué.
Les données obtenues suggèrent en outre que l'altération de la densité des capillaires et l'augmentation de la pression artérielle sont d'autant plus importantes que la dose de molécules antiangiogéniques reçue par le patient est élevée.
L'altération de la microcirculation induite par le bevacizumab serait donc à l'origine de l'hypertension diagnostiquée chez ces patients. «Au-delà d'une meilleure compréhension, et donc d'une meilleure approche thérapeutique des effets secondaires de ces nouveaux traitements du cancer, nos résultats apportent un éclairage nouveau dans la physiopathologie de l'hypertension artérielle et dans la prévention de ses complications», conclut Bernard Lévy.
Mourad J et coll., « Annals of Oncology », édition en ligne avancée.
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