EN FRANCE, les encéphalites font l'objet d'un important protocole, piloté par le Pr Jean-Paul Stahl, en partenariat avec l'Institut de veille sanitaire (InVS). Son objectif est de combler les lacunes de connaissance et de comportement pour cette maladie qui est potentiellement grave. Selon l'estimation faite à partir du fichier des déclarations, il y en aurait entre 1 200 et 1 600 cas par an en France, enfants et adultes confondus. Or de 70 à 80 % des diagnostics étiologiques ne sont pas faits. En cause : les difficultés rencontrées et le coût des outils diagnostiques. Ce constat n'est pas propre à la France : il en est de même dans tous les autres pays.
Une étude nationale a débuté en 2007.
L'ensemble des hôpitaux français ont été mobilisés pour les besoins de cette étude, l'objectif ambitieux affiché étant de recueillir tous les cas qui se présentent pour être le plus représentatifs possible du territoire. Il s'agit donc d'une étude multidisciplinaire incluant les infectiologues, mais aussi les virologues, les bactériologistes, les réanimateurs, les neurologues, les neuro-psychiatres, les pédiatres, etc. L'étude a débuté le 1er janvier 2007 et les inclusions se termineront le 31 décembre 2007. «Même si l'étude n'est pas terminée, nous sommes très satisfaits du taux d'implication des médecins dans cette étude», souligne le Pr Sathl.
Grâce à leur participation, 255 patients ont d'ores et déjà été signalés. Ils sont explorés selon un protocole incluant tous les moyens diagnostiques connus (détails sur : www.infectiologie.com). «Outre le fait d'améliorer les connaissances, ce protocole devrait nous aider à repérer des maladies émergentes. Récemment, un cas d'encéphalite par Toscana, un arbovirus pourtant non réputé pour être responsable d'encéphalites, a été ainsi diagnostiqué, remarque le Pr Stahl. En outre, grâce à ce protocole, la performance diagnostique a été nettement améliorée, avec un taux actuel de 50% de cas élucidés.»
Un autre volet de l'étude est celui de la recherche fondamentale. Les infectiologues sont en effet incités à prélever des liquides biologiques – entre autres, du liquide céphalorachidien – aux malades atteints d'encéphalite. Ces prélèvements sont stockés dans une « biothèque » et pourront servir à la recherche : validation de nouveaux outils diagnostiques, recherche de protéines marqueurs de l'infection, recherche d'un facilitateur de l'infection neurologique, etc. Un appel d'offres à projet de recherche fondamentale va d'ailleurs être lancé prochainement et les laboratoires de recherche pourront poser leur candidature.
Le 2 novembre 2007, 255 patients ont été signalés, mais 21 n'ont pas été inclus car ils ne répondaient pas aux critères d'inclusion. En outre, 28 patients ont été exclus a posteriori, 11 (ou leur famille) ayant retiré leur consentement. Parmi eux, 3 étaient atteints d'encéphalite herpétique (1 en est décédé), 2, d'encéphalite tuberculeuse, 2, d'encéphalite à VZV (virus zona-varicelle), et 4, sans diagnostic étiologique. Pour les 14 autres patients exclus, un diagnostic alternatif a pu être établi : il s'agissait de pathologie cancéreuse (n = 3), d'abcès cérébral (n = 2), d'intoxication (n = 2), de malformation (n = 2), d'épilepsie (n = 1), d'AVC (n = 1), de vascularite (n = 1), de psychose (n = 1), d'endocardite accompagnée d'embols cérébraux (n = 1). Quant aux 3 derniers patients exclus, l'un d'eux présentait une encéphalite chronique, un autre a été perdu de vue (suspicion d'encéphalite herpétique) et un dernier, hospitalisé moins de cinq jours. A noter une diminution non expliquée du nombre de signalements depuis la fin du mois de septembre.
Le 2 novembre, on comptait donc 206 patients toujours présents dans l'étude. Ils ont été signalés par 91 services appartenant à 56 hôpitaux de 40 départements. Au 1er octobre, 19 patients étaient décédés (9 %) : tous étaient des adultes.
Parmi les 206 patients retenus dans l'étude, 43 sont encore en cours d'exploration. Pour 16 d'entre eux, un diagnostic étiologique est suspecté, mais reste à confirmer. Pour 72 patients, l'exploration étiologique est terminée, mais n'a pas permis de mettre en évidence l'origine de l'encéphalite. En revanche, pour 91 patients, l'exploration étiologique est terminée et a abouti à un diagnostic : une encéphalite herpétique pour 43 patients, dont 34 infectés par un HSV1 et 2 par un HSV2. Une encéphalite listérienne pour 11 patients. Une encéphalite à VZV pour 11 patients. Une encéphalite tuberculeuse pour 10 patients. Une neuroborréliose de Lyme pour 4 patients. Une encéphalite par le virus TBE pour 2 patients. Enfin, les diagnostics respectifs des 9 derniers patients étaient des infections à CMV, Cryptococcus, EBV, Enterovirus, Francisella, Influenza, Legionella,Mycoplasma pneumoniae, Rickettsia coronii et à Toscana.
«Etant donné que tous les patients ne sont pas au même stade d'exploration, aucune conclusion globale ne peut encore être donnée, ni en termes de proportion de cas “étiquetés”, ni d'incidence, ni de distribution définitive des diagnostics étiologiques. On peut toutefois noter que ces infections ne surviennent pas particulièrement sur des terrains immunodéprimés et que, si la plupart sont d'origine virale, d'autres étiologies existent», conclut le Pr Sthal.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Paul Stahl, chef du service d'infectiologie du CHU de Grenoble et instigateur de cette étude.
A long terme
Le dernier volet de l'étude doit porter sur le devenir de ces malades qui ont eu une encéphalite. Pour l'instant, aucune étude dans le monde n'a jamais été menée pour savoir ce que les patients devenaient plusieurs années après leur encéphalite (vie psychosociale et professionnelle). Aussi, les patients (ou les familles, pour les mineurs) qui ont donné leur consentement seront revus par un psychologue, un an après leur épisode pour les enfants et deux ans après pour les adultes. A suivre...
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