Par le Dr LUC MALLET*
La SCP consiste en l'implantation stéréotaxique d'électrodes dans des structures cérébrales profondes.
Ces électrodes sont connectées par un câble sous-cutané à un générateur électrique permettant d'appliquer en continu à la structure cible un courant à haute fréquence (80-150 Hz). L'effet de la stimulation est réversible, les différents paramètres de stimulation (fréquence, voltage, durée d'impulsion) sont ajustés afin d'obtenir un résultat de qualité avec des effets indésirables absents ou transitoires et une faible morbidité, rendant les traitements bilatéraux possibles (jusqu'alors très risqués avec la chirurgie lésionnelle).
L'efficacité spectaculaire de la SCP sur les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson est considérée comme résultant de la modulation de circuits neuronaux reliant le cortex à des structures profondes – le système des ganglions de la base – impliquées dans la motricité. Mais la description de manifestations émotionnelles et comportementales variées, comme la survenue de rire irrépressible, ou de symptômes dépressifs aigus a conduit à formuler l'hypothèse que la modulation profonde pouvait modifier le comportement ou l'humeur. Des études de suivi rigoureuses ont, en outre, montré que la neurostimulation du noyau sous-thalamique pouvait améliorer, chez les patients parkinsoniens, différents symptômes se rattachant à la dépression, à l'anxiété, des comportements compulsifs (comme dans le trouble obsessionnel compulsif), ou des conduites de jeu pathologique, suggérant que la neuromodulation agissait au long cours sur des parties non motrices de ces circuits profonds (1, 2, 3). Par exemple, si la stimulation des noyaux subthalamiques pour le traitement de la maladie de Parkinson permet de faire disparaître l'akinésie, l'hypertonie et le tremblement, certains patients présentent lors de la stimulation une modification majeure, réversible et reproductible de leur état psychique, l'hypomanie, consistant en une exagération de l'état psychique normal du sujet qui devient hyperactif, insomniaque, éventuellement plus irritable. Les régions du cerveau activées ou inhibées dans cet état d'hypomanie induite ont pu être mises en évidence en PET-scan, démontrant comment ce noyau, bien que de très petite taille (10 x 6 x 3 mm), peut recevoir et traiter des informations de nature différente : des informations motrices (ce qui explique l'efficacité de la neurostimulation dans le traitement des signes moteurs de la maladie de Parkinson), des informations cognitives, c'est-à-dire le contenu sémantique, social et intellectuel de nos comportements, et des informations émotionnelles qui colorent invariablement en plus ou en moins chacun de nos comportements. Cette zone du cerveau associe très finement les trois aspects de nos comportements pour aboutir à un comportement parfaitement adapté du point de vue moteur, social et affectif. Lorsque l'on agit sur ce noyau et, selon la localisation exacte de l'électrode, on modifie l'une ou l'autre des informations qu'il traite et ainsi l'un ou l'autre des aspects, moteur, social ou affectif, de notre comportement (4).
Une manipulation restreinte des parties les plus inférieures du système des ganglions de la base pourrait ainsi induire des modifications comportementales et émotionnelles ou, à l'inverse, réduire des comportements anormaux. C'est dans ce contexte scientifique que des protocoles d'essai thérapeutique ont été élaborés dans le cadre de programmes de recherche clinique nationaux pour la maladie de Gilles de la Tourette et le trouble obsessionnel compulsif, ce dernier ayant fait l'objet de travaux en parallèle fondés sur d'autres approches physiopathologiques (5), issues notamment des résultats obtenus dans le passé en neurochirurgie lésionnelle (6, 7, 8).
La neurostimulation, dans la dépression, procède d'une approche un peu différente et s'appuie sur des données de neuropathologie et d'imagerie fonctionnelle (9), montrant un dysfonctionnement des boucles cortico-sous-corticales prenant naissance au niveau des cortex orbito-frontal, préfrontal dorso-latéral et cingulaire antérieur.
Dans les dépressions réfractaires au traitement, cette coopération cortico-limbique reste perturbée et il persiste une hyperactivité du système limbique (9). Afin de moduler ces régions pour inverser cet état, la neurostimulation de la substance blanche adjacente au genou du gyrus cingulaire a été utilisée chez 6 patients souffrant de dépression sévère résistant aux traitements antidépresseurs, y compris aux ECT. La stimulation chronique de cette région a permis d'obtenir un état de rémission chez 4 sujets sur 6 (9). D'autres approches visant des circuits limbiques ou associatifs dans la région striatale sont en cours.
Ainsi, une voie d'espoir de traitements efficaces pour des patients souffrant de troubles neuropsychiatriques, résistant à toute thérapeutique médicale est désormais ouverte.
De plus, l'ensemble des procédures d'implantation et le suivi très rigoureux et strictement encadré des patients, notamment sur le plan éthique, dans le cadre de protocoles de recherche, font que le paradigme de la neurostimulation en psychiatrie est susceptible d'apporter une compréhension de la genèse de troubles psychopathologiques en précisant les bases neurales des troubles émotionnels et comportementaux en relation avec le fonctionnement des ganglions de la base ou des circuits profonds, donnant une possibilité pour la recherche clinique d'intégrer des faits scientifiques expérimentaux au travers de leur validité pragmatique, dans une démarche au service des patients.
* Inserm Groupe Avenir IFR 70 – Comportement, Emotion et Ganglions de la base, centre d'investigation clinique, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris.
(1) Mallet L et coll. Lancet 2002;360:1302-1304.
(2) Houeto JL et coll. Arch Neurol 2006;63:1090-1095.
(3) Ardouin C et coll. Mov Disord 2006;21:1941-1946.
(4) Mallet L, et coll. Proc Natl Acad Sci USA 2007;104:10661-10666.
(5) Aouizerate B et coll. Prog Neurobiol 2004;72:195-221.
(6) Nuttin B et coll. Lancet 1999;354:1526.
(7) Aouizerate B et coll. Am J Psychiatry 2005;162:2192.
(8) Greenberg BD et coll. Neuropsychopharmacology 2006;31:2384-2393.
(9) Mayberg HS et coll. Neuron 2005;45:651-660.
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