LA CONFERENCE de consensus sur la prise en charge des cancers thyroïdiens différenciés de souche vésiculaire est l'aboutissement d'un énorme travail et de l'investissement d'experts provenant d'horizons divers (1). L'un de ses objectifs était d'adapter aux spécificités françaises les récentes recommandations européennes (2) et américaines (3) et d'offrir un référentiel utilisable dans le cadre de réunions de concertation pluridisciplinaire d'oncologie. L'autre objectif était de proposer une stratégie rationnelle fondée sur le niveau de risque des patients, tenant compte des avancées scientifiques récentes et de la diversité des acteurs de soins impliqués. «Une pluridisciplinarité qui s'exerce jusque dans la sphère chirurgicale, les interventions étant effectuées pour moitié par les chirurgiens viscéraux et pour l'autre par les ORL», souligne le Pr Guy Le Clech, l'un des participants à l'élaboration du consensus en tant que chirurgien ORL et représentant de la Société française d'ORL et de chirurgie cervico-faciale.
Le contexte du cancer thyroïdien a aussi beaucoup changé. Même s'il s'agit d'une tumeur rare – environ 1 % des cancers – son incidence est actuellement en nette augmentation, en partie liée à un dépistage plus actif. De plus, du fait d'un habituel bon pronostic, avec une espérance de vie avoisinant celle de la population générale, sa prévalence est très élevée. Première donnée consensuelle soulignée par le Pr Le Clech : il est maintenant admis que la chirurgie initiale doit être une thyroïdectomie totale. La lobo-isthmectomie, en raison des contraintes de surveillance du lobe restant, de la fréquence des micronodules controlatéraux, de la difficulté de la surveillance biologique et de l'impossibilité d'administration d'un complément isotopique, ne peut plus aujourd'hui être proposée. Le curage ganglionnaire fait en revanche toujours l'objet de discussions (voir ci-contre). Quant à la totalisation isotopique secondaire au traitement chirurgical, elle n'est plus systématique. Elle n'est pas indiquée chez les patients à très faible risque évolutif et doit être l'objet d'une discussion chez les malades à risque intermédiaire.
Qu'il y ait eu ou non un traitement radio-isotopique, tous les patients nécessitent une hormonothérapie thyroïdienne, délivrée à dose substitutive, dans les formes de bon pronostic, ou à doses suppressives lorsqu'il y a nécessité d'obtenir un freinage de l'éventuel tissu cancéreux résiduel.
Une surveillance prolongée.
De même que la chirurgie doit être effectuée par un opérateur entraîné aux interventions sur la thyroïde, la prise en charge ne peut être envisagée sans une surveillance (à vie) dans un centre spécialisé ou par un spécialiste extérieur, en raison de la possibilité de récidive (de 10 à 20 % des patients), le plus souvent locorégionale, parfois tardive. Chez les patients traités par chirurgie seule, le suivi initial repose sur le dosage de la thyroglobuline (Tg) sérique et sur l'échographie cervicale. En cas de totalisation isotopique, un algorithme précisant les modalités de la surveillance à court terme et les outils nécessaires à celle-ci a été élaboré (1).
Ultérieurement, le suivi comprend des dosages de TSH et de Tg avec un examen clinique annuel, l'échographie n'étant pas systématique en l'absence d'anomalies suspectes.
En cas de rechute (récurrences locorégionales ou métastases), trois paramètres prédisent la survie : le volume tumoral, la différenciation histologique et l'âge, auxquels il faut ajouter la localisation tumorale et la fixation de l'iode 131. La localisation des masses tumorales s'appuie sur différentes techniques d'imagerie : échographie, activité thérapeutique d'iode 131, tomodensitométrie et TEP-FDG. En cas de récurrences ganglionnaires latérocervicales, la reprise chirurgicale s'accompagne d'une faible morbidité, contrairement aux récurrences situées dans la loge thyroïdienne, en sachant que, dans certains centres, le geste peut être aidé par une sonde de détection peropératoire. Dans les formes non opérables, d'autres stratégies peuvent être proposées, mais parfois à titre palliatif.
Néanmoins, il faut garder à l'esprit, comme le souligne le Pr Le Clech, «que le cancer de la thyroïde est une tumeur de bon pronostic, de traitement avant tout chirurgical, y compris au stade de rechute ou même métastatique».
* D'après un entretien avec le Pr Guy Le Clech, chef du service d'oto-rhino-laryngologie et chirurgie maxillo-faciale, CHU de Rennes. (1) A paraître prochainement dans les Annales d'endocrinologie.
(2) Pacini F et coll. E J Endoc 2006 ; 154 : 787-803.
(3) Cooper DS et coll. Thyroid 2006 ; 1 : 1-32.
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