UNE SOLUTION au problème de la tolérance aux opiacés pourrait bientôt voir le jour. Une équipe de scientifiques de l'université de Saint Louis (Missouri), en collaboration avec des chercheurs italiens, vient, en effet, de démontrer que le phénomène est lié à l'activité d'un puissant oxydant, le peroxynitrite. En empêchant la formation de cette molécule ou en catalysant sa dégradation, il est possible, chez la souris, de s'opposer à l'apparition d'une tolérance aux effets antalgiques de la morphine.
Le développement de la tolérance aux opiacés serait lié à l'activation d'un système pronociceptif par les molécules antalgiques elles-mêmes. Selon cette hypothèse, la perte d'efficacité des traitements antidouleur ne serait pas due à une diminution de leur activité, mais à un abaissement du seuil de la douleur perçue par le malade. Le même stimulus est ressenti comme plus douloureux et nécessite en conséquence l'administration d'une dose d'analgésique plus importante.
Des travaux récents ayant montré que le peroxynitrite est impliqué dans le développement des hyperalgies, Muscoli et coll. ont imaginé que cette substance pouvait également jouer un rôle dans la mise en place du système pronociceptif induit par l'administration chronique d'opiacé. Cette possibilité a été étudiée dans le modèle de la souris.
Des tyrosines modifiées en nitrotyrosine.
Muscoli et coll. ont remarqué que l'apparition d'une tolérance aux effets analgésiques de la morphine était systématiquement associée à l'apparition de protéines présentant des tyrosines modifiées en nitrotyrosine. Or la nitration des tyrosines est l'une des principales réactions induites par le peroxynitrite. Cette réaction altère l'activité des protéines et peut notamment entraîner la mort des cellules par apoptose.
Les chercheurs ont, en outre, détecté une activation de la PARP, une enzyme nucléaire spécialisée dans la détection des lésions de l'ADN. Or le peroxynitrite est connu pour provoquer des cassures de l'ADN.
Ces deux observations allant dans le sens de l'existence d'un rôle du peroxynitrite dans l'apparition de la tolérance à la morphine, Muscoli et coll. ont testé l'effet de trois substances capables de s'opposer à l'activité du puissant oxydant. Deux des substances agissent en bloquant la réaction du monoxyde d'azote avec l'ion superoxyde O2–. La troisième provoque une dégradation rapide des molécules oxydantes produites au cours de cette réaction. Dans les trois cas, les chercheurs ont constaté une inhibition de la tolérance à la morphine.
L'ensemble de ces résultats confirme donc l'hypothèse de départ des chercheurs : le peroxynitrite joue un rôle essentiel dans la mise en place de la tolérance aux effets analgésiques des opiacés. Un mystère reste cependant à éclaircir : comment l'administration chronique de substances opiacées conduit-elle à la production de peroxynitrite ?
S'ils comptent bien parvenir à résoudre cette nouvelle énigme, Muscoli et coll. vont surtout concentrer leurs efforts sur la mise au point d'une stratégie pharmaceutique permettant d'inhiber l'apparition de la tolérance à la morphine. Les données déjà obtenues laissent espérer que la coadministration de l'opiacé et d'une molécule capable de dégrader le peroxynitrite pourrait constituer une tactique efficace.
Muscolic et coll. « Journal of Clinical Investigation », novembre 2007, vol. 117, pp. 3530-3539.
Pourquoi la fibromyalgie ne répond pas à la morphine
Si les douleurs associées à la fibromyalgie répondent si mal aux antalgiques opioïdes, c'est vraisemblablement parce que les patients souffrant de ce syndrome ne sont pas « équipés » pour profiter de l'effet de ces médicaments. Les travaux d'une équipe de l'université du Michigan suggèrent en effet que la capacité de fixation des récepteurs mu aux opioïdes de ces patients est anormalement faible.
Harris et coll. ont découvert ce phénomène en étudiant 17 sujets souffrant de fibromyalgie et de 17 témoins par tomographie par émission de positons cérébrale. L'expérience a montré que la capacité de fixation des récepteurs mu aux opioïdes des malades est inférieure à celle des témoins, en particulier dans les zones cérébrales impliquées dans la régulation de la sensation de douleur. De plus, les chercheurs ont observé une corrélation négative entre cette capacité de fixation et l'intensité des douleurs ressenties.
Harris et coll. poursuivent leur recherche afin de déterminer l'origine de ce phénomène. Il pourrait être dû à une saturation des récepteurs mu par une quantité anormalement élevée d'opioïdes endogènes, ou à une diminution du nombre de ces récepteurs dans le cerveau des patients souffrant de fibromyalgie.
« Journal of Neuroscience », septembre 2007, vol. 27, pp. 10000-10006.
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