Quand la génétique influence l'environnement

L'effet de l'allaitement sur le QI dépend d'un gène

Publié le 05/11/2007
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LES « PROCEEDINGS » de l'Académie des sciences américaine publient cette semaine un étude qui cherche à clore le débat sur la part de l'inné et de l'acquis dans l'intelligence : pour Caspi et coll., les facteurs génétiques et environnementaux impliqués dans le développement cognitif d'un enfant sont tellement liés les uns aux autres qu'il faut cesser d'essayer de les dissocier.

L'équipe anglo-saxone a en effet montré comment un facteur génétique, le gène FASD2 et un facteur environnemental, l'allaitement maternel, agissent ensemble sur le développement du cerveau des nourrissons.

Plusieurs études ont récemment permis d'établir que les enfants qui ont été nourris au sein ont un QI plus élevé que ceux qui ont reçu du lait maternisé. Le lait maternel aurait une influence bénéfique sur le développement du cerveau des bébés : riche en acide docosahexaénoïque (DHA) et en acide arachidonique (ARA), il stimulerait le développement cognitif, probablement en améliorant les processus de neurotransmission et la croissance des neurones. Cette théorie est renforcée par le fait que, chez l'animal, une supplémentation en DHA entraîne une amélioration de nombreuses performances cognitives, allant de l'apprentissage à la mémorisation, en passant par la capacité à résoudre un problème.

Plus de 3 000 enfants.

Caspi et coll. ont imaginé que l'effet de l'allaitement maternel sur le développement cognitif pouvait être modulé par des facteurs génétiques, en particulier par des gènes impliqués dans le métabolisme des acides gras. FASD2 est l'un de ces gènes. Il code pour une enzyme impliquée dans une étape limitante de la voie métabolique conduisant à la production de DHA et d'ARA.

Les chercheurs ont testé leur hypothèse en étudiant l'impact de certains polymorphismes du gène FASD2 sur le QI de plus de 3 000 enfants néo-zélandais ou britanniques, nourris au sein ou au lait maternisé au cours des premiers mois de leur vie.

Ce travail a révélé que le bénéfice de l'allaitement dépend du génotype FASD2 : les enfants qui portent un allèle particulier du gène à l'état homozygote et qui ont été allaités par leur mère ont un QI supérieur de 6,8 points à celui des enfants qui n'ont pas été nourris au sein. En revanche, le QI des enfants qui ne portent aucune copie de cet allèle n'est pas augmenté par l'allaitement maternel.

Cet effet du gène FASD2 reste significatif après correction des données par des facteurs tels que la classe sociale des familles, le QI de la mère ou le poids à la naissance. De plus, il dépend bien du patrimoine génétique de l'enfant et non pas de celui de la mère : les enfants de mères qui portent l'allèle bénéfique de FASD2 et qui les ont allaité n'ont pas un QI supérieur à celui des enfants de mères qui ne portent pas cet allèle.

L'ensemble de ces données indique donc assez clairement qu'un facteur génétique (un polymorphisme particulier du gène FASD2) est nécessaire à l'obtention d'un effet d'un facteur environnemental (l'allaitement maternel) sur le QI. Autrement dit, l'inné et l'acquis se mêlent pour influencer le développement cognitif.

A. Caspi et coll., Proc Natl Acad Sci USA, édition en ligne avancée.

> ELODIE BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8250