Diminution des fonctions endothéliales

La pollution, facteur de maladies cardio-vasculaires

Publié le 04/11/2007
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ON SAIT que l'altération des parois vasculaires constitue un facteur de prédisposition très précoce de maladies cardio-vasculaires. C'est dire l'intérêt du travail publié dans « Hypertension » par une équipe dirigée par Pierre Boutouyrie, médecin chercheur au centre des Cordeliers de l'INSERM : l'exposition à la pollution atmosphérique parisienne affecte directement la paroi des vaisseaux sanguins.

Ce travail conduit notamment par des équipes de l'hôpital européen Georges-Pompidou de Paris a porté sur 41 individus sains – des hommes de 20 à 30 ans – strictement dépourvus de facteurs de risque cardio-vasculaire. Ce qui explique qu'aient été exclues les personnes dont l'histoire familiale comportait des antécédents de maladies cardio-vasculaires ; et que de nombreux autres paramètres confirmant le bon état de santé des sujets ont dû être pris en compte. Par exemple, pour ce qui est du tabac, ont été exclus non seulement les individus fumeurs, mais aussi ceux qui étaient exposés à un tabagisme passif. Cette sélection rigoureuse fait que, sur 206 personnes candidates à ce travail, seulement 41 ont été retenues.

Artères de gros calibre et artérioles périphériques.

Les sujets de l'étude ont subi une série d'examens non invasifs mesurant leur fonction endothéliale, d'une part, au niveau des artères de grand calibre, d'autre part, au niveau des artérioles périphériques. Deux grandes caractéristiques ont été mesurées : la vasodilatation (c'est-à-dire la capacité qu'ont les vaisseaux à se dilater ou à se contracter en fonction du débit sanguin) et l'altération physique de la paroi endothéliale. Les résultats obtenus ont alors été corrélés aux données de pollution atmosphérique relevées aux abords de l'hôpital européen Georges-Pompidou de Paris. Les résultats enregistrés correspondent aux données habituellement observées chez des malades souffrant d'insuffisance cardiaque.

«L'effet observé chez ces patients est majeur, explique un communiqué de l'INSERM, puisque la fonction endothéliale baisse de moitié entre le jour le moins pollué et le jour le plus pollué de l'année. Les valeurs des jours les plus pollués correspondent à la fonction endothéliale habituellement observée chez des malades atteints d'insuffisance cardiaque, d'hypercholestérolémie familiale ou de diabète.» Les différentes composantes de la pollution – gaz (SO2, NO2, CO) et particules – agissent de manière contrastée sur nos vaisseaux : «Alors que les gaz endommagent l'endothélium des grosses artères, les particules fines ont un effet marqué sur la capacité de vasodilatation des petites artères périphériques (vasodilatation artériolaire).»

Des craintes à long terme.

Pierre Boutouyrie évoque des dégâts à long terme : «Lorsque l'on sait qu'un endothélium altéré va empêcher l'artère de se dilater et de s'adapter aux changements de pression sanguine, que cela favorise l'apparition de caillots sanguins (risque d'embolie) et, à plus long terme, l'apparition de complications chroniques (comme l'athérosclérose), on comprend l'importance des résultats que nous avons obtenus.»

D'autres travaux ont montré comment les gaz agissent sur la fonction endothéliale : lorsqu'un gaz est inhalé, il diffuse dans les alvéoles et déclenche des réactions inflammatoires, lesquelles, au niveau systémique, provoquent un stress oxydatif très toxique pour les médiateurs endothéliaux (notamment le NO), qui ne peuvent plus réguler la fonction endothéliale. Pour ce qui est des particules, les choses ne sont pas clairement établies : «Puisque les particules ne passent pas dans la circulation sanguine, nous ne savons pas exactement comment elles altèrent la fonction endothéliale», explique Pierre Boutouyrie.

Quelles sont les perspectives pour cette équipe INSERM ? Les chercheurs vont d'abord confirmer ces résultats par des études de cohortes à plus grande échelle. Des collaborations vont être instaurées avec des équipes de recherche fondamentale afin de comprendre les spécificités de ces gaz polluants. «Mais ce qui semble le plus important aujourd'hui, poursuit le communiqué, c'est de ne plus négliger cette mesure de pollution pour les études des pathologies cardio-vasculaires. Les nouveaux standards de mesure devront prendre en compte l'influence de la pollution atmosphérique pour l'interprétation des résultats de recherche.»

Marie Briet, Cédric Collin, Stéphane Laurent, Alice Tan, Michel Azizi, Mohsen Agharazii, Xavier Jeunemaître, François Alhenc-Gelas et Pierre Boutouyrie. « Hypertension », novembre 2007.

> Dr E. DE V.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8249