LA DIMINUTION des effets de l'angiotensine II par le blocage du système rénine angiotensine est actuellement une stratégie essentielle dans le traitement de l'hypertension artérielle, des pathologies cardio-vasculaires et des maladies rénales. Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) ont été les premières molécules développées pour cibler ce mécanisme d'action. Toutefois, l'enzyme de conversion n'a pas que l'angiotensine I comme substrat. Elle est en effet dotée d'une double action. Son inhibition entraîne ainsi une diminution de la formation de l'angiotensine II, mais s'accompagne aussi d'une accumulation de nombreux autres peptides, en particulier de la bradykinine. C'est à cette accumulation que sont attribués les effets indésirables, comme la toux ou les oedèmes angioneurotiques, qui sont rapportés au cours des traitements par les IEC. Les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (ARA II) représentent une autre approche majeure.
Un blocage du SRA au niveau de son point d'activation.
Le développement d'un inhibiteur de la rénine présente l'intérêt d'une plus grande spécificité d'inhibition du système rénine-angiotensine. La rénine est en effet l'enzyme qui permet la production d'angiotensine I en clivant l'angiotensinogène. L'angiotensine I, inactive, est secondairement transformée en angiotensine II, biologiquement active, sous l'action de l'enzyme de conversion. Les inhibiteurs de la rénine permettent donc de réduire l'activité catalytique de la rénine « à la source » et de s'opposer aux effets du système rénine-angiotensine au niveau de son point d'activation, qui constitue l'étape limitante du système.
Depuis une vingtaine d'années, plusieurs molécules ont été l'objet de mises au point avec de grandes difficultés. Les premières molécules synthétisées avaient un pouvoir inhibiteur très faible. D'autres, conçues plus tardivement, avaient une biodisponibilité faible, une demi-vie courte, une grande variabilité pharmacocinétique d'un sujet à l'autre et une très faible efficacité antihypertensive. L'aliskiren est un nouvel inhibiteur puissant et spécifique de la rénine humaine, développé selon, une approche fondée sur la modélisation de la structure du site actif de la rénine, fondée sur la cristallographie aux rayons X.
Chez le rat double transgénique à la rénine et à l'angiotensinogène humain (modèle d'HTA létal), l'aliskiren réduit le débit de protéinurie, l'insuffisance rénale et l'hypertrophie ventriculaire gauche, et améliore la survie par rapport aux animaux du groupe témoin. L'amplitude des effets de l'aliskiren dans ce modèle est similaire à celle d'un ARA II.
Chez l'homme, malgré une biodisponibilité faible, de 2 % à 5 %, la puissance de l'aliskiren et sa demi-vie prolongée (de 23 à 36 heures) lui confèrent une activité biologique in vivo équivalente de celle d'un ARA II ou d'un IEC en termes d'intensité du blocage du système rénine angiotensine.
Néanmoins, les conséquences biochimiques sur le métabolisme des angiotensines diffèrent entre les inhibiteurs de la rénine, les IEC et les ARA II. Ainsi, les IEC induisent une augmentation des concentrations d'angiotensine I et une baisse des concentrations d'angiotensine II. En outre, ils réduisent la dégradation de la bradykinine qui active le récepteur B2, entraînant ainsi une libération de NO, de prostacycline et d'autres substances vasodilatatrices dérivées de l'endothélium, et augmente les concentrations de l'angiotensine 1-7 qui est un peptide vasodilatateur et natriurétique.
Les ARA II augmentent les concentrations d'angiotensine II et stimulent ainsi les récepteurs AT2. Si la stimulation à long terme de ces récepteurs se révélait délétère, ce qui reste controversé, les inhibiteurs de la rénine auraient un avantage clinique sur les ARA II, puisque, en agissant « à la source » du système rénine-angiotensine, ils inhibent totalement la production des angiotensines.
Par ailleurs, la découverte d'un récepteur à la rénine et à la prorénine (forme inactive de la rénine), présent aux niveaux rénal, cardiaque et vasculaire, confère à la rénine et à la prorénine une activité propre indépendante de l'angiotensine II et de son récepteur, pouvant entraîner une prolifération cellulaire et favoriser la fibrose. Si les inhibiteurs de la rénine interfèrent avec cette nouvelle voie de signalisation, ils pourraient apporter une protection supplémentaire par rapport aux autres inhibiteurs du système rénine-angiotensine, en particulier chez les patients diabétiques, dont les concentrations de prorénine plasmatiques sont élevées et fréquemment associées aux complications microvasculaires du diabète.
En monothérapie ou en association.
Enfin, dans les pathologies rénales, la nécessité d'inhiber plus efficacement le système rénine-angiotensine intrarénal souligne l'intérêt potentiel des inhibiteurs de la rénine.
L'aliskiren est un antihypertenseur efficace en monothérapie, bien toléré aux doses recommandées (150 et 300 mg/j). Il se compare favorablement avec les principales classes d'antihypertenseurs disponibles (amlodipine, hydrochlorothiazide, valsartan, irbésartan, ramipril). Comme tout bloqueur du système rénine-angiotensine, son efficacité antihypertensive est renforcée par la combinaison avec un diurétique thiazidique (hydrochlorothiazide) et un antagoniste des canaux calciques (amlodipine). Des résultats préliminaires suggèrent un renforcement de son effet antihypertenseur en association avec un ARA II ou un IEC, mais celui-ci s'accompagne d'une augmentation de l'incidence de survenue d'hyperkaliémies. Une évaluation plus complète et prolongée de ce type de combinaison de bloqueurs du système rénine-angiotensine reste nécessaire.
La mise au point de substances capables d'inhiber la rénine offre potentiellement une nouvelle voie thérapeutique dans le traitement de l'hypertension, de l'insuffisance cardiaque et des néphropathies protéinuriques. Néanmoins, seuls des essais cliniques de grande envergure ayant pour objectif de comparer un inhibiteur de la rénine à un IEC ou à un ARA II à degré égal de blocage du système rénine-angiotensine permettront de savoir si cette approche thérapeutique est supérieure aux autres.
D'après un entretien avec le Pr Michel Azizi, centre d'investigation clinique, pôle cardio-vasculaire, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
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