Nouveaux suspects dans le rejet de greffon rénal

Les anticorps anti-Mica, cause d'échec

Publié le 26/09/2007
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De notre correspondante

LA COMPATIBILITÉ de système HLA (Human Leucocyte Antigen) et de groupe sanguin est fondamentale pour la survie des allogreffes rénales. Cependant, la survenue de rejets en dépit d'une excellente compatibilité HLA (HLA-A, HLA-B, HLA-DR) et ABO suggère que d'autres antigènes, dits mineurs, jouent également un rôle dans l'échec de la transplantation. Mais quels sont ces antigènes ?

L'un d'entre eux pourrait avoir été identifié. Effectivement, depuis leur clonage en 1994, les antigènes Mica (Major histocompatibility-complex class 1-related chain A), de structure similaire aux protéines de classe 1 du CMH (complexe majeur d'histocompatibilité), sont suspectés de jouer un rôle dans le lent processus de l'échec à long terme de l'allogreffe.

Le gène Mica appartient au complexe des gènes HLA de classe I et réside près des gènes HLA-A et HLA-B.

Dirigés contre les antigènes Mica du donneur.

Les antigènes Mica polymorphes sont exprimés sur les cellules endothéliales et donc sur l'organe vascularisé. Mais, chez le futur transplanté, les anticorps dirigés contre les antigènes Mica du donneur, non fixés aux lymphocytes, pourraient n'être pas détectés par l'épreuve de compatibilité croisée qui repose, quant à elle, sur les lymphocytes.

L'équipe du Dr Peter Stastny (University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas) a recherché, dans une étude rétrospective, si la présence d'anticorps anti-Mica dans le sérum du receveur, avant la transplantation, est corrélée au rejet de la greffe rénale.

Pour conduire cette étude, l'équipe a collaboré avec des chercheurs de l'université de Heidelberg (Allemagne), qui conserve une banque de données et de prélèvements sur les patients transplantés. Ils ont pu examiner ainsi un grand nombre d'échantillons sériques chez 1 910 patients greffés à partir d'un donneur décédé.

Des anticorps anti-Mica ont été détectés dans le sérum de 11 % des patients. L'analyse montre que leur présence est effectivement associée au rejet de l'allogreffe.

Ainsi, le taux de survie à un an de la greffe est de 88 % chez les porteurs d'anticorps anti-Mica ou présensibilisés contre les antigènes Mica, contre 93 % chez les patients dépourvus de ces anticorps. Cette différence est encore évidente au bout de cinq ans.

La survie à un an de l'allogreffe est de 83 %.

Le risque associé aux anticorps anti-Mica apparaît le plus élevé chez les patients considérés à faible risque de rejet d'allogreffe, notamment ceux recevant le rein d'un donneur de bonne compatibilité HLA. Malgré cela, la survie à un an de l'allogreffe est de 83 % pour les patients présensibilisés aux anticorps anti-Mica, contre 95 % pour ceux qui en sont dépourvus.

Ces résultats suggèrent, sans pour autant le prouver, que les anticorps anti-Mica pourraient contribuer au rejet de l'allogreffe chez les transplantés HLA-compatibles, concluent les chercheurs.

C'est là une limite de l'étude. Il reste maintenant à prouver que ces anticorps anti-Mica sont spécifiquement dirigés contre les antigènes Mica du donneur. Ce que n'ont pu faire les chercheurs, car ils leur manquait l'ADN des donneurs pour réaliser leur typage des antigènes Mica.

Si les futures études établissent le rôle causal des anticorps anti-Mica dans le rejet de l'allogreffe, «il sera important de développer des stratégies pour réduire ou éliminer leur effet sur le devenir des greffons rénaux», notent les chercheurs. Il sera également important de déterminer par quel mécanisme les anticorps anti-Mica se développent avant la transplantation chez les receveurs.

« Cette très vaste étude montre qu'une présensibilisation contre Mica est associée au rejet précoce de l'allogreffe rénale », explique au « Quotidien » le Dr Peter Stastny.

« C'est la première étude de ce type, et l'on ignorait quel pouvait en être le résultat. Nous avons été surpris par la force de l'association et par le fait qu'elle était observée essentiellement dans les cas qui étaient bien appariés pour HLA, ou qui n'étaient pas sensibilisés contre HLA…»

« Nous allons maintenant déterminer si les anticorps anti-Mica, associés à l'échec précoce de la greffe rénale sont spécifiques du donneur. Nous examinerons également comment les anticorps anti-Mica se développent après la transplantation. »

« New England Journal of Medicine », 27 septembre 2007, pp. 1293 et 1337.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8224