UNE EQUIPE de chercheurs italiens a découvert que près des trois quarts des cellules tumorales toutes lignées confondues expriment un gène, Trop-2, qui pourrait être impliqué dans les mécanismes de croissance tumorale et de dissémination métastatique. Ce gène transmembranaire interagit avec le calcium par le biais de la voie de signalisation intracellulaire. Il joue un rôle dans l'adhésion intracellulaire et dans l'adhésion des cellules au substrat. Sa découverte est récente. Il est exprimé au sein des cellules placentaires – un tissu normal et invasif pour l'hôte – et il contribuerait à la tolérance maternelle vis-à-vis de la croissance foetale. «Puisque ce gène est exprimé par les cellules du trophoblaste au moment de la grossesse, nous avons émis l'hypothèse qu'il pourrait être impliqué dans d'autres phénomènes de tolérance à la croissance interne d'un tissu étranger tel que l'envahissement tumoral», analyse le Pr Saviero Alberti (Chiesi, Italie). Dans un premier temps, l'équipe italienne a analysé par immuno-histochimie 1 755 prélèvements tumoraux d'origines diverses : sein, colon, estomac, poumon, prostate, endomètre, col de l'utérus et pancréas. En moyenne 74 % des prélèvements étaient le siège d'une surexpression du gène Trop-2 et, selon le type de tumeur analysée, ce chiffre allait de 65 à 90 %.
Un pourcentage particulièrement élevé.
Pour le Pr Alberti, «ce chiffre est particulièrement élevé si l'on s'en réfère aux marqueurs tumoraux actuellement utilisés. Par exemple, 80% des tumeurs surexpriment la télomérase, mais il s'agit là de l'enzyme essentielle dans la capacité de multiplication des cellules saines et tumorales. En matière de gènes impliqués de façon directe sur le potentiel d'agressivité tumorale, il ne faut pas oublier que seules 25% des tumeurs du sein surexpriment her2/neu, contre lequel on dispose aujourd'hui d'un anticorps monoclonal. Par ailleurs, certains autres marqueurs tels que PSA ne peuvent être utilisés que pour le détection d'un seul type de cancer, celui de la prostate. C'est pour cette raison que la découverte de Trop-2 pourrait apparaître comme un élément majeur diagnostique et thérapeutique».
Les auteurs ont ensuite cherché à analyser le rôle des modifications de l'expression du gène ainsi que son potentiel mutagène sur des cellules saines, tumorales ou métastatiques. Trop-2 peut stimuler la croissance de cellules tumorales en culture et lorsque son expression est réduite par l'utilisation de siARN, il agit comme un inhibiteur de la croissance tumorale. La délétion de la région cytoplasmique de Trop-2 abolit ses capacités de stimulation de la même façon que la mutagenèse du site de phosphorylation S303PK. Les analyses protéomiques et phosphoprotéomiques ont permis de démontrer que certaines protéines kinases telles que PHC alpha, FAK et Raf1 sont activées par Trop-2 alors que ERK, MEK et P38 MAPK sont modulées par ce même gène et que NF kappa B est stimulé par Trop-2.
Sein, côlon, ovaire, estomac.
L'imagerie in vivo a ensuite permis de préciser la localisation membranaire de Trop-2 qui est généralement couplée à PKC alpha au niveau des podosomes et des lamellipodes. L'utilisation de SiARN PKC alpha qui inactivent de façon sélective des capacités de croissance tumorale induites par la présence de Trop-2 a permis au Dr Alberti de prouver que cette kinase joue un rôle spécifique dans les cascades de signalisation induites par le gène.
Les chercheurs ont ensuite appliqué les mêmes méthodes de détection à des cellules métastatiques. Ils ont ainsi retrouvé une expression de Trop-2 au sein de différentes lignes de cellules métastatiques et ce dans plusieurs espèces animales. Chez l'homme c'est dans les lignées mammaires, coliques, ovariennes et gastriques que la surexpression était la plus importante. Pour préciser le potentiel prométastatique du gène, le Dr Alberti a injecté à des souris des cellules coliques cancéreuses surexprimant Trop-2. Par rapport aux témoins, ces animaux ont développé des métastases hépatiques de façon significativement plus rapide. Enfin, le chercheur a analysé la composition cytoplasmique terminale du gène et il a pu préciser que cette partie bifide est composée de différents domaines qui semblent agir soit comme un facteur favorisant métastatique (puisque la délétion du domaine HIKE diminue de façon très sensible ce potentiel) soit comme un facteur protecteur. Fort de tous ces travaux, le Dr Alberti a développé un anticorps monoclonal anti Trop-2 spécifique qui est actuellement en cours d'expérimentation sur des cultures cellulaires tumorales.
« Trop-2 is a novel potent stimulator of tumour growth and of metastatic spreading of human cancer », une communication du Dr Alberti à l'occasion du congres ECCO, Barcelone.
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