ET S'IL ÉTAIT possible de se servir de l'air exhalé comme d'une fenêtre sur les différents métabolismes endogènes ? Cette approche pourrait permettre de diagnostiquer certaines affections et de mieux contrôler des maladies qui influent de façon continue sur l'homéostasie. L'équipe du Dr B. Novak (Irvine, Etats-Unis) a eu l'idée d'appliquer cette théorie sur une pathologie particulièrement invalidante, le diabète, dont les seules possibilités de contrôle passent actuellement par la réalisation d'un examen invasif : la mesure de la glycémie capillaire. Ces chimistes avaient déjà mis en place en 2005 une étude sur des volontaires sains adultes au décours d'un test d'hyperglycémie provoquée par voie orale afin d'analyser les composants qui pourraient être utilisés comme marqueurs de cet état métabolique. Ils ont eu l'idée ensuite de comparer les données obtenues avec l'analyse de l'air expiré de 10 enfants atteints d'un diabète de type 1 en période d'hyperglycémie. Chez ces malades, contrairement aux sujets sains en période postprandiale, l'hyperglycémie s'associe à un taux bas d'insuline. La majoration du taux d'insuline des sujets en état d'hyperglycémie s'associe à une baisse du taux des lipides circulants et à une baisse de la cétonémie. Or ces deux mécanismes conjugués influent sur le métabolisme oxydatif et sur le statut inflammatoire entraînant une modification des concentrations en cytokines pro- et anti- inflammatoires. En outre, en période d'hyperglycémie et d'hyperinsulinémie, les bactéries présentes au sein de la lumière intestinale produisent, du fait de leur métabolisme, une quantité majorée de gaz de fermentation qui peuvent être exhalés.
Analyse par chromatographie en phase gazeuse.
L'équipe du Dr Novak a procédé à une centaine de mesures de l'air expiré chez 10 enfants diabétiques de type 1. Tous les prélèvements ont été analysés par chromatographie en phase gazeuse. Les chercheurs ont effectué des mesures au cours de différentes périodes d'hyperglycémie : phase ascendante, phase de plateau sans injection d'insuline, phase de récupération après l'injection d'insuline et éventuellement de glucose, en cas d'hypoglycémie réactionnelle induite. Les analyses ont été réalisées sur un échantillon d'air expiré de 1,8 l et les auteurs ont pris en compte la composition de l'air entourant le patient. L'analyse de l'air expiré de ces sujets en période d'hyperglycémie diffère de celle des témoins par l'existence d'un taux élevé de nitrate de méthyl. Ce gaz est le moins réactif de tous les nitrates d'alkyl observés dans l'atmosphère. Il est produit dans l'organisme au sein des mitochondries dans un contexte de majoration du taux d'ion superoxyde (O2–) sous l'action de l'enzyme superoxyde dismutase qui le transforme en O2 et H2O2.
Il faudrait des algorithmes prédictifs.
Pour les auteurs, «on peut imaginer que ce type de mesure pourrait être développé afin de proposer aux diabétiques un outil de mesure de leur glycémie non invasif». Mais, pour cela, il faudrait procéder à un grand nombre de mesures afin de disposer d'algorithmes prédictifs. La question du délai entre les modifications de la glycémie et celles du métabolisme intrinsèque doit aussi être posée. Invitro, certaines des réactions chimiques impliquées dans la synthèse de nitrate de méthyl ne se mettent en place que dans les 30 min suivant la modification du taux de glycémie. Il est donc nécessaire de continuer à rechercher des marqueurs présents dans l'air expiré dont le taux pourrait être modifié de façon plus précoce que le nitrate de méthyl. Enfin, une telle approche ne se conçoit que si le système de mesure peut être disponible sous forme miniaturisée et à un coût comptable avec la prise en charge.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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