DE NOTRE CORRESPONDANTE
L'OS EST le siège d'un remodelage osseux permanent comprenant deux phases : la résorption de l'os préexistant par les ostéoclastes, suivie de la formation d'os nouveau par les ostéoblastes.
Parmi les nombreux régulateurs systémiques de la masse osseuse, la leptine, une hormone synthétisée par les adipocytes, a été identifiée comme un régulateur extrêmement puissant de la masse osseuse.
Son action sur la masse osseuse avait été dévoilée par l'équipe du Pr Gérard Karsenty, au Baylor College of Medicine (Houston), qui comprenait alors le chercheur Shu Takeda (« Cell » 2000 et 2002, « Nature » 2005) : la leptine inhibe la formation osseuse, via un relais cérébral (fixation de la leptine sur des neurones de l'hypothalamus) et un médiateur périphérique (le système nerveux sympathique ou SNS) agissant sur les récepteurs bêta 2-adrénergiques des ostéoblastes. Cette action antiostéogénique est médiée par une horloge moléculaire. La leptine stimule aussi modérément la formation d'os (en activant dans les ostéoblastes la famille AP-1 des facteurs de transcription). Elle régule aussi la résorption osseuse, par deux voies antagonistes. Comme l'explique l'équipe de Shu Takeda (Tokyo), «la découverte que la leptine, hormone anorexigène, inhibe la formation osseuse à travers un relais hypothalamique suggérait que d'autres molécules qui affectent le métabolisme énergétique dans l'hypothalamus puissent aussi moduler la masse osseuse». Sato et coll. se sont intéressés à la neuromédine U, neuropeptide anorexigène produit par les cellules nerveuses du grêle et par des structures cérébrales, dont l'hypothalamus. On pense qu'elle régule l'appétit, la dépense énergétique et l'activation du système sympathique. En effet, les souris K.-O. en neuromedine U (Nmu –/–) deviennent obèses du fait d'une suralimentation et d'une activité locomotrice réduite.
L'équipe a étudié la masse osseuse des souris Nmu –/– (soumises à un régime pour ne pas être obèses).
Ces souris (surtout les mâles) ont une masse osseuse élevée, du fait d'une augmentation de la formation osseuse. La neuromédine U n'a pas d'effet sur les ostéoblastes en culture. En revanche, l'administration intracérébroventriculaire de neuromédine U chez les souris Nmu –/– entraîne une baisse de la masse osseuse. Cela suggère que la neuromédine U inhibe la formation osseuse à travers une action dans le système nerveux central. La neuromédine U agit en aval de la leptine ; elle est requise pour l'inhibition de la formation osseuse médiée par la leptine et le système nerveux sympathique ; enfin, elle affecte l'horloge moléculaire de l'os.
La rutine, présente dans le sarrasin.
En outre, le traitement des souris normales par la rutine, un agoniste du récepteur Nmu2 naturellement trouvé dans des aliments comme le sarrasin, abaisse significativement la masse osseuse des souris. Cela, joint au fait que le récepteur Nmu2 est surtout exprimé dans l'hypothalamus, laisse supposer que la neuromédine U régule le remodelage osseux à travers le récepteur Nmu2. «L'ensemble de ces résultats suggère que la neuromédineU, à travers un relais central et une voie non identifiée, agit comme un modulateur de la voie leptine-SNS régulant la formation osseuse», concluent les chercheurs.
«La neuromédineU pourrait être ainsi le premier médiateur central de la régulation de la masse osseuse identifié à ce jour.» Cette découverte pourrait-elle avoir des répercussions thérapeutiques ?
«La neuromédineU est un régulateur clé pour le contrôle central du remodelage osseux», souligne Shu Takeda. «La plupart des médicaments disponibles aujourd'hui pour traiter l'ostéoporose agissent contre la résorption osseuse. La voie Nmu du remodelage osseux offre une cible attrayante pour le développement d'une nouvelle thérapie favorisant la formation d'os.» De plus, étant donné l'absence d'obésité chez les souris déficientes en récepteurs Nmu2, un antagoniste Nmu pourrait favoriser la formation d'os sans l'effet indésirable d'une prise de poids. Cette étude, fait observer au « Quotidien » le Pr Karsenty (à présent à la Columbia University de New York), «fournit une nouvelle preuve que le cerveau régule la formation osseuse». Il est encore trop tôt, selon lui, pour savoir si cette découverte pourrait avoir un impact thérapeutique.
« Nature Medicine », 16 septembre 2007, Sato et coll.
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