Les consultations de transition en endocrinologie

Faciliter le passage de la pédiatrie à la médecine adulte

Publié le 12/09/2007
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SI L'ADOLESCENCE, passage de l'enfance au statut d'adulte, constitue une période délicate chez tous les jeunes, l'existence d'une maladie chronique rend encore plus difficile cette transition. Se pose, entre autres, la question de la sexualité et des répercussions de la maladie sur les possibilités de contraception et sur la fertilité. «De nombreuses affections endocriniennes touchent la fonction ovarienne avec un retentissement plus ou moins important sur la fertilité ultérieure des patientes, confirme le Dr Catherine Pienkowski. Des affections comme le syndrome de Turner ou le syndrome des ovaires polykystiques, diagnostiquées et traitées depuis la petite enfance, doivent être comprises, acceptées et gérées par l'adolescente et la jeune adulte, car leur surveillance à long terme est indispensable.» La structuration du passage adolescente-adulte est primordiale et conditionne l'évolution ultérieure. Elle s'étale sur plusieurs années. «Avec le DrFrançoise Lorenzini du service endocrinologie adultes, nous avons mis en place depuis 2003 une consultation multidisciplinaire de transition où les patientes sont vues en consultation avec leurs parents, puis seules ou avec leur conjoint», ajoute le Dr Pienkowski.

Une consultation multidisciplinaire.

«Il s'agit de consultations bien individualisées, inscrites au planning en tant que telles, qui s'adressent aux jeunes filles atteintes d'endocrinopathie avec des répercussions sur la fertilité ou d'autres affections chroniques graves, comme un syndrome de Prader-Willi ou une insuffisance rénale nécessitant une dialyse, une transplantation rénale, indique le Dr Françoise Lorenzini. Pour les jeunes diabétiques, la transition, à Toulouse, est organisée depuis 1993 dans le cadre de séances d'éducation thérapeutique de groupe, en lien avec l'équipe de diabétologie de l'hôpital des enfants. »

En pratique, les différents thérapeutes impliqués sont présents : pédiatre, endocrinologue d'adultes, parfois gynécologue ou médecin de PMA (procréation médicalement assistée), et si besoin psychologue… Avant la consultation, le pédiatre présente le dossier médical à ses confrères ; puis pédiatre et médecin(s) d'adultes reçoivent le jeune et sa famille. «Nous commençons par faire un point sur ce que l'adolescent connaît de sa maladie, comment il la perçoit et la vit, rappelle le Dr Lorenzini. Puis c'est généralement le médecin d'adultes qui examine le jeune. Lorsque cela est possible, nous faisons sortir les parents à ce moment-là, afin de responsabiliser le patient et de lui donner l'occasion de s'exprimer seul. Puis nous revoyons toute la famille à la fin de la consultation. Les rituels facilitent le passage.» La transition doit se faire en douceur. Il peut y avoir des allers et venues entre les deux structures ; quelquefois, le jeune continue d'être suivi en pédiatrie avant de rejoindre véritablement les structures médicales d'adultes.

«L'âge auquel proposer le passage en médecine adulte dépend beaucoup de la pathologie considérée et de l'évolution personnelle du jeune patient, précise le Dr Pienkowski. Les jeunes filles porteuses d'un syndrome de Turner ont une puberté tardive –induite médicalement lorsqu'une taille raisonnable a été atteinte grâce au traitement par hormone de croissance; la transition se fait vers 18ans. Le passage en médecine adulte se fait souvent plus tôt chez les jeunes diabétiques», note le Dr Lorenzini. A Toulouse, les jeunes diabétiques ont une semaine d'éducation thérapeutique entre 13 et 15ans; et une de ces journées est tournée vers le monde adulte.» Les jeunes avec leur pédiatre rencontrent l'équipe médicale du service adultes, ainsi que des adultes diabétiques qui peuvent témoigner de leur quotidien (insertion professionnelle, vie familiale…). Curieusement, les jeunes atteints de maladies chroniques se posent tôt la question de la fertilité et débutent souvent précocement une grossesse ; comme s'ils voulaient se prouver qu'ils étaient « normaux ». C'est vrai chez les diabétiques, mais aussi chez les insuffisants rénaux. Le médecin doit savoir aborder ces questions au bon moment.

La continuité du traitement et du suivi.

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas oublier que l'objectif principal de la consultation de transition est d'éviter toute interruption de suivi médical et des traitements en cours. Pour cela, la surveillance indispensable est donc expliquée et sera reprise au cours des consultations suivantes en liaison avec le médecin traitant. Cette surveillance est parfois complexe comme dans le syndrome de Turner et elle s'appuie sur un carnet de suivi qu'on leur remet qui leur servira de guide dans la programmation des examens à réaliser. Une mauvaise observance thérapeutique chez un jeune diabétique met en péril son avenir ; cela est également vrai pour une jeune fille atteinte d'un syndrome de Turner qui doit poursuivre son traitement estroprogestatif et bien sûr aussi pour un transplanté rénal qui a besoin d'un traitement immunosuppresseur. En réalité, toute pathologie chronique nécessite une continuité du traitement et du suivi médical. «Aussi, les consultations de transition devraient être étendues à bien d'autres pathologies chroniques, notamment aux obésités sévères –pour le moment seuls les syndromes de Prader-Willi en bénéficient à Toulouse (qui est un centre de référence pour ces obésités génétiques) – et aux pathologies neurologiques et neuropsychiatriques; mais leur mise en place et leur fonctionnement demandent beaucoup de temps et d'énergie, soulignent en conclusion les Drs Pienkowski et Lorenzini. Cela ne pourra se faire que très progressivement. »

> Dr DENISE CARO

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8214