«NOTRE ÉTUDE ajoute à la masse de preuves croissante que la forte association entre Helicobacter pylori et le carcinome gastrique a été sous-estimée. Dans une revue récente des cancers liés à des infections, la proportion de tous les cancers gastriques mondiaux attribués à H. pylori était estimée à 63%. Nos résultats suggèrent que, au sein de populations à forte prévalence d'H. pylori cagA positif, cette proportion peut être même plus élevée.» Constat des travaux d'une équipe internationale, en grande partie constituée de chercheurs de l'Agence internationale pour la recherche sur le cancer (Lyon), menés au Venezuela. L'étude se fondait sur un point clé. Il existe des variations génétiques entre les souches d' H.pylori, variations qui jouent un rôle dans la pathogénicité de la bactérie. Notamment par la présence du gène cagA (pour gène associé à la cytotoxine A), inconstant au sein des souches et connu pour majorer le risque de gastrite atrophique et de cancer gastrique. L'étude a cherché à en déterminer le rôle dans la sévérité et la progression des lésions précancéreuses.
Dans l'Etat de Tachira, au Venezuela, 2 145 sujets, de 35 à 69 ans, ont été enrôlés parmi des patients recrutés dans un essai de prévention médicamenteuse. Tous ont subi des biopsies gastriques à l'enrôlement. La présence d'ADN d' H.pylori a été recherchée et la souche, selon son statut cagA, a été déterminée par PCR et sondes spécifiques. L'évolutivité a ensuite été contrôlée par des biopsies annuelles, sur une période de 3,5 ans en moyenne.
L'odd ratio pour une dysplasie était de 15,5.
Dès la première histologie, est apparue une forte association entre les souches cagA positives et la sévérité des lésions gastriques précancéreuses alors que les souches négatives n'étaient associées qu'à des gastrites chroniques. Par rapport à des sujets témoins (muqueuse normale ou légère gastrite) non infectés, l'odd ratio pour une dysplasie était de 15,5 (IC 95 % : 6,42 à 37,2), alors qu'il s'établissait à 0,9 (IC 95 % : 0,37 à 2,17) en cas de souche négative. La forte association entre le gène cagA et la sévérité de la lésion précancéreuse se confirmait. De plus, chez 75 % des sujets porteurs d'une métaplasie de type III ou d'une dysplasie, une souche cagA était mise en évidence alors qu'elle n'existait que chez 17 % des témoins. A l'inverse, les H.pylori non porteurs du gène n'ont pu créer de lésion dépassant le stade de la gastrite chronique.
En revanche, quand il s'agissait de prévoir l'évolution ou la régression des lésions gastriques, la positivité pour cagA était effectivement associée à une progression des lésions précancéreuses, mais les chiffres n'étaient pas statistiquement significatifs. Les auteurs reconnaissent deux limites à leur travail. Tout d'abord, la durée du suivi est apparemment courte et la cohorte ne comprenait aucun cas de cancer gastrique. Ils rappellent aussi que le polymorphisme de certains gènes des patients peut aussi jouer son rôle, notamment celui de l'IL1 bêta ou d'autres cytokines pro-inflammatoires. Ils avaient d'ailleurs constaté dans un travail antérieur que 3 sur 18 polymorphismes étudiés étaient associés à de sévères lésions gastriques. Mais aucune de ces associations n'atteint la puissance statistique de celle observée avec H.pylori cagA positif.
Martyn Plummer et coll. « Journal of the National Cancer Institute », vol. 9, n° 17, 5 septembre 2007.
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