DEPUIS 1984, date de l'élaboration des critères diagnostiques de la maladie d'Alzheimer par deux sociétés savantes nord-américaines, les efforts de recherche ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de cette affection qui pourrait concerner plus de 1,3 million de Français en 2020.
Aujourd'hui, on dispose de différents biomarqueurs de la maladie : l'IRM, la neuro-imagerie par PET et l'analyse biologique du LCR. Grâce à ces données, les processus neurobiologiques mis en cause sont mieux connus et l'imagerie a établi des corrélations entre les épisodes de perte de mémoire et certaines altérations de zones spécifiques du cerveau. En 2005, un groupe international de recherche a été créé afin de redéfinir les critères diagnostiques. Le Pr Bruno Dubois (Paris) a colligé les données biologiques, cliniques et neuro-anatomiques existantes qui semblent indiquer que, dès l'apparition des premiers signes cliniques, il existe au sein du cerveau des processus dégénératifs qui passent notamment par le dépôt de plaques de protéine bêta-amyloïde. Les critères proposés (voir encadré) pourraient permettre la mise en place d'interventions thérapeutiques qui pourraient, sans que l'on dispose actuellement de certitude clinique, limiter l'évolution de la maladie.
Mais les auteurs nuancent leur propos dans leur discussion. Ils reconnaissent que les critères qu'ils proposent n'ont pas été validés par des études cliniques propres et qu'ils n'ont pas été utilisés de façon rétrospective. Ils précisent que l'atrophie hippocampique qu'ils considèrent comme un critère annexe n'a pas encore été quantifiée de façon précise. Par ailleurs, ils soulignent que l'on ne connaît pas encore de façon définitive les régions cérébrales à explorer à l'examen PET. Ils ajoutent enfin que les marqueurs les plus discriminants à rechercher dans le LCR ne sont pas connus avec précision.
Le Dr Norman Foster (Salt Lake City, Etats-Unis) explique, dans un éditorial, que «ce travail constitue une trame pour les futures recherches, mais que les critères sont actuellement impossibles à utiliser, puisqu'il n'existe pas de définition opérationnelle des méthodes à utiliser et que l'on ne connaît pas avec précision les critères de normalité ou d'anormalité des résultats. Idéalement, la redéfinition des critères devrait être proposée par une organisation internationale reconnue ou par un consortium de gouvernements et de laboratoires pharmaceutiques. Les critères devraient, en outre, être ajustés selon l'âge du malade, ce qui n'est pas le cas, et ils devraient prendre en compte les formes atypiques de la maladie. Il est souhaitable que ces critères évoluent, car il est actuellement impossible d'imaginer utiliser en pratique clinique certaines mesures préconisées, telles que l'analyse du LCR et la caractérisation biologique».
> Dr ISABELLE CATALA
« The Lancet Neurology », 9 juillet 2007.
Les critères proposés
Interrogé par « le Quotidien », le Pr B. Dubois explique que «les nouveaux critères pourraient permettre de détecter la maladie à un stade précoce avec une certitude diagnostique supérieure à 90%». Le critère majeur retenu par le Pr Dubois est la présence d'un syndrome amnésique de type hippocampique, caractéristique de cette affection. Il se traduit par une incapacité à transformer une information perçue en trace mnésique*.
La probabilité de maladie d'Alzheimer se fonde sur deux types de critères.
Un critère majeur, obligatoire : présence de troubles de la mémoire observés par le patient ou ses proches depuis plus de six mois ou confirmation d'un trouble de la mémoire épisodique à long terme par des tests de mémoire (Gröber-Buschke, dont la sensibilité est de 92 %, données à paraître), qui montrent un syndrome amnésique de type hippocampique.
Un ou plusieurs des critères suivants : atrophie de l'hippocampe à l'IRM ; taux anormal de biomarqueurs dans le liquide céphalo-rachidien (protéine tau, A bêta) ; métabolisme-perfusion réduits dans les régions temporales et pariétales du cerveau par neuro-imagerie fonctionnelle (PET/Spect).
* « The Lancet Neurology », 2004, et « Neurology », 2007, à paraître.
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