Cancers bronchiques

Les traitements évoluent

Publié le 25/06/2007
Article réservé aux abonnés
1276101383F_Img273160.jpg

1276101383F_Img273160.jpg

par les drs et prs SAFEA AARAB-TERRISSE, SEBASTIEN BUCQUET, FERNAND MISSOHOU, FRANCESCO SAViNELLI, JEAN TREDANIEL

L'EVOLUTION des données épidémiologiques est fortement contrastée selon le sexe ; ainsi, entre 1988 et 2002, en Europe, la mortalité par cancer bronchique, standardisée sur l'âge, a diminué de 1,9 % par an chez l'homme, tandis qu'elle augmentait de 1,7 % par an chez la femme.

Pour la première fois en 2002, la mortalité par cancer du poumon a dépassé, chez la femme européenne, la mortalité par cancer intestinal, de sorte que le cancer du poumon est devenu la deuxième cause de décès par cancer chez la femme, après le cancer du sein. Une tendance similaire est observée en France où 26 214 décès par cancer du poumon (20 996 hommes et 5 218 femmes) ont été enregistrés en 2003. Les tendances évolutives montrent cependant, là aussi, une diminution régulière chez l'homme (environ 10 % en dix ans), alors que, au contraire, la hausse est spectaculaire et atteint 50 % dans les dix dernières années chez la femme (2). Parallèlement, la répartition des types histologiques s'est modifiée avec, notamment, la diminution régulière des tumeurs épidermoïdes et surtout la chute spectaculaire des cancers à petites cellules qui ne représentaient plus en 2002 aux Etats-Unis que 12,95 % des cancers du poumon (3). Une controverse persiste, parfois acharnée, entre les partisans du dépistage précoce, emmenés par les radiologues (4), et les tenants du maintien du diagnostic en cas de point d'appel clinique ou radiologique, soutenus par les épidémiologistes qui considèrent que, comme c'est le cas pour le cancer de la prostate chez l'homme âgé, le dépistage organisé du cancer du poumon peut conduire à un surdiagnostic sans qu'il y ait de bénéfice réel, avec diminution de la mortalité (5, 6). Plusieurs études contrôlées sont en cours, notamment aux Etats-Unis, et devraient permettre d'éclaircir la situation dans les années à venir.

L'introduction de la chimiothérapie adjuvante après exérèse d'un cancer non à petites cellules fait l'objet d'un intérêt constant. L'an dernier ont été publiés les résultats de l'étude ANITA qui comparait la surveillance postopératoire à une chimiothérapie par l'association cisplatine-vinorelbine, mettant en évidence un bénéfice franc en faveur de cette dernière (7). Trois études contrôlées (IALT, JBR10, ANITA) sont désormais publiées (7-9) et ont permis la diffusion de ce traitement complémentaire, dont le bénéfice a été confirmé par la métaanalyse LACE présentée à l'Asco 2006. Cependant, si le gain en survie semble évident pour les stades II et III, il est plus discuté pour les stades I où la décision pourrait, dans un proche avenir, être guidée par les données de la biologie moléculaire (étude de l'expression par la tumeur de ERCC1 ou encore du profil génomique obtenu sur la pièce opératoire) (10, 11). La question de l'irradiation adjuvante des patients opérés d'une tumeur N2 reste posée et fait l'objet d'un essai coordonné par l'intergroupe francophone de cancérologie thoracique (Ifct) sous la direction du Dr Cécile Le Péchoux.

Des protocoles bien définis.

Le traitement, par association radio-chimiothérapie, des cancers non à petites cellules localisés au thorax, mais inopérables, est désormais bien établi. Il est admis que l'association doit être concomitante avec une chimiothérapie administrée, non pas à dose faible à visée purement radiosensibilisante, mais bien à pleine dose pour bénéficier tout à la fois de l'effet radiosensibilisant, mais aussi du potentiel curatif sur des micrométastases à distance. Pour ce qui est de la prise en charge des malades dont la tumeur est métastatique, la place des inhibiteurs de l'Egfr a considérablement été éclaircie depuis la mise en évidence en 2004 de mutations permettant de prédire la réponse au traitement (12, 13). Alors que seul l'erlotinib est actuellement disponible, de nouveaux médicaments capables d'agir sur plusieurs cibles seront prochainement autorisés. Le bévacizumab, qui a fait la preuve d'un gain de survie lorsqu'il est ajouté à l'association carboplatine-paclitaxel, sera également bientôt sur le marché dans cette indication (14). Il devrait ouvrir la voie à de nombreux médicaments à visée antiangiogénique. Au contraire de l'irruption des thérapies biologiques ciblées, peu, voire pas, de progrès récent n'est à enregistrer au chapitre de la chimiothérapie.

Pour ce qui est des cancers à petites cellules, plusieurs études se sont intéressées aux modalités de la radiothérapie, montrant en particulier l'influence sur la survie du temps écoulé entre le premier jour de la chimiothérapie et le dernier jour de la radiothérapie, ce qui souligne en fait l'importance d'une irradiation précoce (15). Parallèlement, un essai anglais démontre (s'il en était encore besoin) la nécessité de maintenir l'intensité de la dose de chimiothérapie pendant le plan de traitement (16). La chimiosensibilité initiale des cancers à petites cellules rend d'autant plus décourageante leur résistance habituelle au moment de la rechute. Pour la première fois, un médicament, le topotécan, administré en deuxième ligne, a fait la démonstration d'un bénéfice de survie par comparaison avec le seul traitement de support (17). Enfin, comme dans les cancers non à petites cellules, les traitements antiangiogéniques semblent devoir prendre rapidement une place importante, comme le montre l'étude présentée à l'Asco 2006, coordonnée en France par le Pr Jean-Louis Pujol, et qui montre l'apport de la thalidomide en complément de la chimiothérapie ; en dépit des difficultés de maniement de ce médicament, qui ne sera sans doute pas retenu dans le futur, l'étude montre au contraire l'intérêt du concept qui devrait logiquement être validé par les travaux à venir.

Unité de cancérologie thoracique, hôpital Saint-Louis, Paris.
1) Ferlay J et coll. Ann Oncol 2007;
18:581-592.

(2) Hill C et coll. Bull Cancer 2007;94:
7-13.

(3) Govindan R et coll. J Clin Oncol 2006;24:4539-4544.

(4) The International Early Lung cancer Action Program Investigators. N Engl

J Med 2006;355:1763-1771.

(5) Marcus PM et coll. J Natl Cancer Inst 2006;98:748-756.

(6) Bach PB et coll. JAMA 2007;297:953-961.

(7) Douillard JY et coll. Lancet Oncol 2006;7:719-727.

(8) The International Adjuvant Lung Cancer Trial Collaborative Group. N Engl

J Med 2004;350:351-360.

(9) Winton T et coll. N Engl J Med 2005;352:2589-2597.

(10) Potti A et coll. N Engl J Med 2006;355:570-580.

(11) Olaussen KA et coll. N Engl J Med 2006;355:983-991.

(12) Paez JG et coll. Science 2004;304:1497-1500.

(13) Lynch TJ et coll. N Engl J Med 2004;350:2129-2139.

(14) Sandler A et coll. N Engl J Med 2006;355:2542-2550.

(15) De Ruysscher D et coll. J Clin Oncol 2006;24:1057-1063.

(16) Spiro SG et coll. J Clin Oncol 2006;24:3823-3830.

(17) O'Brien MER et coll. J Clin Oncol 2006;24:5441-5447.

Une hausse spectaculaire dans le sexe féminin

AARAB-TERRISSE Safia, BUCQUET Sbastien, MISSOHOU Fernand, SAVINELLI Francesco, TREDANIEL Jean

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8193