L'INCONTINENCE URINAIRE (IU) par impériosité ou par urgenturie (homonyme désormais consacré) est définie par la perte involontaire d'urine précédée d'un besoin si soudain et si urgent qu'il ne peut être réprimé et ne laisse pas le temps au patient d'atteindre les toilettes. L'urgence du besoin est souvent associée à une augmentation de la fréquence des mictions, sans augmentation de la diurèse, qui définit la pollakiurie.
L'IU par urgenturie (IUU) est d'origine vésicale, elle traduit une perturbation du déroulement de la phase de remplissage, qui est liée, dans certains cas, à une dysfonction de la commande nerveuse vésico-sphinctérienne.
L'IUU représente au moins un tiers des IU de la femme. Elle peut être isolée ou associée à l'IU d'effort chez la femme ou à l'obstruction sous-vésicale prostatique chez l'homme. En présence d'IUU ou simplement d'urgence et de pollakiurie, il est indispensable d'éliminer une pathologie vésicale ou juxtavésicale, dont les symptômes peuvent être la première manifestation : tumeurs, calcul ou corps étranger vésicaux ou tumeurs de voisinage.
Le calendrier mictionnel tenu par le patient à domicile pendant deux ou trois jours est un outil simple et efficace pour quantifier l'IUU et évaluer l'impact des traitements.
Le traitement de première intention de l'IUU repose sur l'association de :
– mesures hygiéno-diététiques, telles que des apports hydriques bien répartis, une réduction des irritants, en particulier de la caféine et de la théine, des mictions régulières évitant les périodes de rétention prolongées ou, à l'inverse, les mictions par précaution ;
– recherche et correction de facteurs aggravants, tels qu'une carence hormonale, un prolapsus des organes pelviens, une obstruction sous-vésicale ;
– rééducation périnéo-sphinctérienne, dont l'objectif est d'obtenir le contrôle volontaire et adapté de la contraction des muscles du plancher pelvien permettant d'utiliser le réflexe d'inhibition de la contraction vésicale lors de la contraction du périnée. Un soin particulier doit être apporté à la technique de rééducation et, donc, au choix du praticien qui la met en oeuvre ;
– médication anticholinergique par voie orale, dont l'association à la rééducation a montré une efficacité supérieure à chacun des traitements appliqués isolément. Des anticholinergiques par voie transcutanée, dont la tolérance serait améliorée, seront bientôt disponibles en France.
Lorsque le traitement de première ligne échoue, on se tourne vers les nouvelles approches conservatrices et mini-invasives représentées par la neuromodulation des racines sacrées et, dernièrement, les injections de toxine botulique intravésicales.
Neuromodulation.
La neuromodulation des racines sacrées est une méthode qui a presque quinze ans et très peu d'effets indésirables. Elle consiste à stimuler, à l'aide d'une électrode percutanée, la racine ventrale du nerf spinal S3 impliqué dans le contrôle vésico-sphinctérien. Après une période de tests, environ 40 % des patients souffrant d'IUU signalent une amélioration majeure des symptômes. L'implantation sous-cutanée du système de stimulation définitif est proposée aux patients répondeurs et permet de pérenniser le résultat obtenu pendant la période de test.
Toxine botulique.
La grande nouveauté thérapeutique de ces dernières années est représentée par les injections de toxine botulique dans la paroi vésicale (1). «La première publication, qui date de 2000, faisait état de leur efficacité dans l'incontinence chez les paraplégiques, précise le Dr Gilles Karsenty. Depuis, on s'est rendu compte de leur efficacité chez les malades atteints de sclérose en plaques et, finalement, chez les patients non neurologiques, chez qui ces injections à de plus petites doses améliorent la pollakiurie et l'urgence de manière spectaculaire.»
La toxine botulique agirait à la fois sur le message afférent d'origine vésicale, c'est-à-dire sur la genèse et la régulation de la sensation de besoin, mais également sur la contractilité vésicale, qu'elle diminue de façon dose-dépendante, exposant certains patients à un risque de rétention urinaire.
Depuis quelques années, l'accent est mis sur l'importance de la voie afférente vésicale dans la physiopathologie de l'urgenturie et du syndrome d'hyperactivité vésicale. «On a vraiment l'impression, souligne le Dr Gilles Karsenty, que l'hyperactivité vésicale est une pathologie de la voie afférente, soit au sein de la paroi vésicale dans la genèse du message afférent, soit au niveau central supramédullaire dans le traitement de l'information “besoin”. On s'est rendu compte que la toxine botulique a une action de neuromodulateur local dans la paroi vésicale et que cette paroi, en particulier l'urothélium et la sous-muqueuse, intégrait un appareillage très riche, sensible à de nombreux stimuli.»
Les injections de toxine botulique dans la paroi vésicale se pratiquent sous anesthésie locale pendant une cystoscopie, à des doses de 100 à 300 unités. La durée d'action moyenne d'une injection est de huit mois chez le patient neurologique avec 300 unités et l'efficacité est conservée au fil des nouvelles injections. «On ne connaît pas encore avec précision la dose idéale pour les patients non neurologiques. Plusieurs études, dont un programme hospitalier de recherche clinique (HRC) multicentrique français, tentent de répondre à cette question», observe le Dr Gilles Karsenty. Ce traitement suscite beaucoup d'espoir, il n'a cependant pas encore d'AMM en France. Il est, pour l'instant, en phase d'évaluation, réservé aux échecs des autres traitements de l'IUU dans le cadre d'études cliniques.
Pour conclure, il faut noter que, dans les formes les plus sévères et invalidantes d'IUU résistantes à tout traitement médical, l'agrandissement vésical reste une technique efficace et validée.
D'après un entretien avec le Dr Gilles Karsenty, service d'urologie, hôpital Sainte-Marguerite, Marseille.
(1) Cette indication ne figure pas dans l'AMM.
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