LES ANTICOAGULANTS sont largement utilisés dans le traitement préventif de la maladie thromboembolique (en particulier dans la période postopératoire) et dans le traitement curatif des thromboses veineuses constituées. La chirurgie urologique est une chirurgie associée à un risque de maladies thromboemboliques veineuses. Deux grandes classes d'anticoagulants sont actuellement disponibles : les héparines (héparine standard, héparines de bas poids moléculaire) et les antivitamine K (AVK). Le choix de l'anticoagulant doit tenir compte du contexte clinique (traitement préventif ou curatif), mais également des propriétés pharmacologiques et pharmacocinétiques du médicament. L'instauration d'un tel traitement impose une surveillance biologique adaptée à l'anticoagulant choisi. De nouvelles classes autres que les héparines et les AVK sont déjà commercialisées (fondaparinux) ou en cours de développement, principalement dans la chirurgie orthopédique. Son utilisation est simple : quotidienne et par voie sous-cutanée. Par rapport aux héparines (fractionnées ou non), un avantage potentiel du fondaparinux est l'absence, en théorie, de thrombocytopénie induite et l'utilisation d'une injection unique en traitement curatif et préventif.
Les données disponibles dans la littérature médicale concernant la prévention de la maladie thromboembolique veineuse (Mtev) péri-opératoire et obstétricale ont été récemment analysées dans le cadre des recommandations pour la pratique clinique (RPC) de la Société française d'anesthésie réanimation avec un partenariat de l'Anaes. Les études concernant directement la chirurgie urologique sont moins abondantes et de qualité méthodologique souvent plus faible que celles menées dans d'autres domaines comme la chirurgie orthopédique et traumatologique. Leur analyse a cependant permis d'évaluer le risque élevé de Mtev en fonction du type de chirurgie urologique (tableau p. 13). La néphrectomie, la transplantation rénale, la prostatectomie radicale et toute intervention par chirurgie ouverte du bas appareil urinaire et les curages ganglionnaires iliaques ou lombo-aortiques sont des interventions à haut risque de complications thromboemboliques veineuses. Les autres interventions, ouvertes ou endoscopiques, ont été considérées comme des interventions à faible risque. La voie d'abord coelioscopique ne modifie pas le risque inhérent à l'intervention.
Une prophylaxie médicamenteuse de la thrombose veineuse est recommandée dans les interventions à haut risque. Il n'y a pas d'argument objectif permettant de choisir entre un début pré- ou postopératoire de la prophylaxie médicamenteuse. Celle-ci repose sur l'utilisation des héparines de bas poids moléculaire (Hbpm) et elle peut être associée au port de bas de contention veineuse. La durée de traitement recommandée est d'environ sept jours. Elle peut être prolongée jusqu'à quatre ou six semaines dans les suites d'une intervention carcinologique.
Les Hbpm sont les anticoagulants les plus utilisés avant ou après la chirurgie. La calciparine est employée en cas d'insuffisance rénale sévère associée ou secondaire. Les AVK n'ont pas été évalués dans la prévention de la maladie thromboembolique veineuse après une chirurgie urologique. En orthopédie où ils ont fait preuve d'une efficacité équivalente à celle des Hbpm, mais avec un risque hémorragique plus important. Ils ne sont pas recommandés en première intention en prévention de la Mtev postopératoire en France.
Il ne faut cependant pas négliger le risque lié au patient et ses antécédents qui peuvent faire discuter la décision de mettre en place ou non une thromboprophylaxie, compte tenu des risques encourus. Dans un contexte de chirurgie à risque faible de Mtev chez un patient ayant des facteurs de risque personnels de Mtev, une thromboprophylaxie médicamenteuse ou mécanique (bas antithrombose à mettre en place avant le bloc) est recommandée. La prophylaxie mécanique présente l'avantage d'un risque hémorragique nul.
Le deuxième aspect à considérer est la prise en charge des patients sous anticoagulants durant la période périopératoire. La chirurgie urologique est une chirurgie qui comporte un risque hémorragique. Chez un patient sous AVK au long cours qui doit avoir une intervention chirurgicale programmée, la pratique actuelle consiste à arrêter les AVK en surveillant l'INR à partir du deuxième ou du troisième jour (selon la durée d'action de l'AVK utilisé) et de le remplacer par une héparine non fractionnée ou une Hbpm. L'héparine sera instaurée lorsque l'INR aura atteint la limite inférieure de la zone thérapeutique souhaitée (variable suivant la pathologie qui justifie le traitement) et sera maintenue jusqu'au jour précédant l'intervention. La même attitude peut être proposée en cas de ponction biopsie. En postopératoire, une reprise précoce (de 12 à 24 heures) de l'héparine est souhaitable pour éviter de prolonger la durée sans anticoagulant, en tenant compte du risque hémorragique du geste chirurgical et du risque thrombotique du patient. S'ensuit une reprise des AVK à dose efficace.
Chez un patient sous AVK qui doit être opéré en urgence, l'hémostase doit être corrigée rapidement afin de ramener le temps de Quick (TQ) ou l'INR dans une zone qui permet une hémostase chirurgicale correcte, c'est-à-dire > 50 % pour le TQ ou < 1,5 pour l'INR.
Dans un contexte de chirurgie d'urgence ou de syndrome hémorragique majeur, le traitement fait appel à l'injection de Ppsb (dérivé sanguin contenant les facteurs vitamine K-dépendants activés) permettant de corriger immédiatement l'INR, mais de manière transitoire, et à l'administration de vitamine K à faible doses (1 ou 2 mg) dont l'action est moins rapide, mais plus prolongée.
La voie intraveineuse lente est de moins en moins utilisée du fait du risque d'anaphylaxie au profit de la voie orale quand cela est possible. Les fortes doses de vitamine K peuvent être responsables de résistance aux AVK lors de leur réintroduction et sont à éviter dans la mesure du possible. Dans un contexte de saignement mineur, bien toléré et de chirurgie semi-urgente chez un patient sous AVK sans surdosage majeur, la simple administration de petites doses de vitamine K peut suffire à obtenir un INR satisfaisant, habituellement en moins de 24 heures.
Le plus souvent, en postopératoire, le traitement par AVK sera momentanément interrompu et remplacé par une héparinothérapie à dose efficace.
D'après un entretien avec le Dr Emmanuel Marret, hôpital Tenon, Paris.
Les facteurs de risque de thrombose
• Immobilité, alitement, paralysie des membres
• Cancer et traitement du cancer
• Antécédents d'événement thromboembolique veineux
• Age supérieur à 40 ans
• Contraception orale contenant des estrogènes ou hormonothérapie substitutive
• Traitements modulateurs des récepteurs aux estrogènes
• Pathologie médicale aiguë
• Insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire
• Maladies chroniques inflammatoires de l'intestin
• Syndrome néphrotique
• Syndrome myéloprolifératif
• Hémoglobinurie paroxystique nocturne
• Obésité (IMC > 30)
• Tabagisme
• Varices
• Cathéter veineux central
• Thrombophilie congénitale ou acquise
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature