ACTUELLEMENT, la prise en charge thérapeutique de l'infarctus du myocarde après la phase aiguë repose sur l'acronyme BASIC : bêtabloquants, antiagrégants plaquettaires, statines, inhibiteur de l'enzyme de conversion, contrôle des facteurs de risque. Cependant, les dernières recommandations internationales, celles de l'American Heart Association (« Circulation », 2002) et de la Société européenne de cardiologie (« European Heart Journal », 2003), incluent dans cette thérapeutique une supplémentation systématique par 1 g/j d'Agpi n-3 (acides gras polyinsaturés) sous forme d'EPA et de DHA, en prévention secondaire de l'infarctus du myocarde. L'acronyme BASIC devient alors BASICO (O comme oméga 3).
Ces recommandations sont fondées principalement sur la démonstration, par l'étude GISSI IV prevenzione, de l'efficacité clinique des Agpi n-3 en postinfarctus du myocarde.
5,7 vies supplémentaires par an pour 1 000 patients.
Publiée en 1999, l'étude randomisée en ouvert porte sur 11 324 patients ayant présenté un infarctus du myocarde récent (inférieur à trois mois). Elle a montré que l'ajout d'Omacor (médicament à base d'Agpi n-3) au traitement BASIC permettait de sauver 5,7 vies supplémentaires par an pour 1 000 patients traités. Au terme de l'étude, Omacor apporte une réduction significative de 15 à 20 % des critères combinés principaux (mortalité toute cause ou cardio-vasculaire, infarctus du myocarde ou accidents vasculaires cérébraux non mortels), de 30 % de la mortalité cardio-vasculaire et de 45 % de morts subites, et ce résultat s'ajoute à celui des autres traitements.
Au regard des résultats de cette étude, l'hypothèse du mécanisme des propriétés antiarythmiques des acides gras polyinsaturés n-3 a été posée et a soulevé un intérêt chez des scientifiques. Ils ont souhaité les explorer chez des patients porteurs d'un défibrillateur automatique implantable avec ou sans antécédent d'infarctus.
En 2005, les résultats de quatre études ont été publiés (Raitt, Christensen, SOFA et FAAT), mais avec une certaine discordance, probablement parce que les populations étaient très hétérogènes. Cependant, les études permettent de tirer des conclusions cohérentes en ce qui concerne les populations qui présentaient des antécédents d'infarctus ou d'ischémie myocardique. Deux des études retrouvent une diminution statistiquement significative des troubles du rythme ventriculaire dans la population traitée par les acides gras polyinsaturés n-3. En revanche, le traitement par Agpi n-3 semble dénué d'effets sur les troubles du rythme ventriculaire quand les patients sont dans des conditions pathologiques n'impliquant pas d'ischémie myocardique.
Inhibition de la pompe Na/K ATPase dépendante.
Une proposition d'explication de ces résultats, et de ceux de GISSI, est fournie par des travaux d'électrophysiologie publiés en 2006. Et les propriétés antiarythmiques des Agpi n-3 en postinfarctus sont désormais mieux connues. En effet, à l‘état physiologique, les canaux sodiques des cardiomyocytes fonctionnent sur un mode rapide, permettant de mieux contrôler l'entrée du sodium dans la cellule, de normaliser les échanges ioniques et de garder intactes les propriétés contractiles du cardiomyocyte.
En revanche, à l'état hypoxique, dans la zone bordant l'infarctus du myocarde, l'inhibition de la pompe Na/K ATPase dépendante induit une dépolarisation membranaire. Dans ce cas, les perturbations métaboliques entraînent un fonctionnement sur le mode persistant des canaux sodiques. Cette surcharge en sodium dans la cellule provoque une inversion du mode de fonctionnement de l'échangeur de Na/Ca qui expulse alors le sodium intracellulaire excédentaire. L'inversion provoque une augmentation importante de la concentration intracellulaire de calcium qui peut être à l'origine de troubles du rythme, notamment ventriculaires, responsables de la mort subite.
La publication récente d'un travail de Xiao (« American Journal of Physiology » 2006) démontre, dans un modèle de patch clamp invitro, que les Agpi n-3 inhibent les canaux sodiques persistants (situation hypoxique) en réactivant la bouche d'inactivation du canal sodique. Les Agpi n-3 empêchent l'influx de sodium dans la cellule et les troubles du rythme que risque de déclencher la surcharge calcique massive. Cette inhibition du canal sodique persistant est réalisée selon un mode d'action pharmacologique de type ligand récepteur. Le mécanisme pourrait constituer une explication aux résultats cliniques observés dans l'étude GISSI prevenzione.
Conférence de presse des Laboratoires Pierre Fabre, à laquelle participaient le Pr J.-C. Daubert, ainsi que les Drs B. Le Grand et D. Marcadet.
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