POUR LES 6 000 patients atteints de maladie de Huntington en France et les 12 000 porteurs du gène de la maladie, la greffe cérébrale de cellules foetales représente un véritable espoir. En effet, cette maladie génétique autosomique dominante dégénérative, qui se manifeste autour de 35-40 ans, altère considérablement la qualité de vie du fait d'une symptomatologie très riche (chorée, dystonie, troubles de l'équilibre, troubles de l'attention, troubles du langage, troubles de l'humeur fluctuants, voire dépression, psychose, etc.) et aboutit au décès en quinze à vingt ans. Actuellement, aucun traitement ne permet de guérir cette maladie, mais il y a moyen de stabiliser les patients pour plusieurs années, voire d'obtenir la régression de certains symptômes, à condition de les prendre correctement en charge (kinésithérapie, orthophonie, neuroleptiques, antidépresseurs, etc.). Ainsi, l'idée reçue selon laquelle on ne peut rien faire en cas de maladie de Huntington, est fausse.
Deux voies de recherche.
Les traitements déterministes sont fondés sur les mécanismes physiopathologiques de dégénérescence neuronale ; ils tentent d'agir sur la cascade d'éléments conduisant à la mort neuronale. Cependant, jusqu'à présent, cette voie de recherche n'a pas démontré d'efficacité malgré des essais portant sur plusieurs centaines de patients.
Les traitements pragmatiques s'appuient, eux, sur le fait que la maladie commence par une atteinte du striatum ; ils visent à restaurer de façon non spécifique l'atrophie de cette structure en proposant, soit des greffes intracérébrales (neuroreconstruction), qui représentent la voie la plus avancée, soit des facteurs neurotrophiques pour empêcher la dégénérescence neuronale (neuroprotection). Un essai a été réalisé en 2004 avec des capsules contenant des polymères contenant des cellules de hamsters génétiquement modifiées pour produire un facteur trophique, le Ciliary Neurotrophic Factor (Cntf). Implantées dans les ventricules de six patients par stéréotaxie (capsules remplacées tous les six mois pendant deux ans), elles ont permis d'obtenir une relative stabilisation. D'autres études fondamentales sont en cours pour trouver un support capable de délivrer de façon plus durable le Cntf dans le cerveau, mais la faisabilité de cette technique n'a pas encore été établie, contrairement aux greffes intracérébrales.
Plusieurs essais concluants.
Un essai sur cinq patients (équipes des Drs Bachoud-Lévi et Peschanski) : 4 hommes, dont 1 au stade avancé de la maladie, et 1 femme ont bénéficié d'une greffe intracérébrale. Une efficacité à cinq ans sur le plan moteur et à six ans sur le plan cognitif a été observée chez trois d'entre eux. L'équipe a montré que cette efficacité était liée à une récupération de l'hypométabolisme frontal en rapport avec la présence de la greffe, tandis qu'une aggravation de l'hypométabolisme autour des greffons était observée. Chez le patient au stade avancé, la greffe a pris pendant dix-huit mois, puis elle s'est nécrosée et le patient a reperdu en quinze jours tous les bénéfices qu'il en avait tirés. L'hypothèse avancée est qu'à un stade trop évolué de la maladie la greffe n'arrive pas à se connecter au reste du cerveau, trop atrophié. Quant à la greffe réalisée chez la patiente, le PET-scan a montré qu'elle n'était pas active et donc pas connectée non plus au reste du cerveau, peut-être en raison d'un phénomène d'allo-immunisation (elle présentait des anticorps anti-HLA dont on ne peut exclure qu'ils soient dirigés contre le greffon).
Dans un essai pilote américain portant sur sept patients à un stade avancé de la maladie, la survenue d'hématomes sous-duraux a conforté l'idée selon laquelle la greffe intracérébrale devait être réservée aux patients à un stade précoce de la maladie. Cette étude a néanmoins permis d'améliorer la procédure chirurgicale.
Un essai multicentrique franco-belge en cours a inclus 57 patients dont 36 greffés (équipe du Dr Bachoud-Lévi). Pour éviter tout rejet, les patients greffés reçoivent un immunosuppresseur pendant au moins dix-huit mois. Cet essai doit, entre autres, déterminer quels immunosuppresseurs utiliser et pendant combien de temps, car il ne fait aujourd'hui plus aucun doute que cette immunosuppression est indispensable (un cas de rejet est survenu dans cet essai, alors que l'on pensait le cerveau « à l'abri » de ce phénomène). Cet essai doit également permettre d'établir des procédures applicables à d'autres centres. Il doit enfin résoudre un problème pratique : celui de la récupération des foetus entre neuf et douze semaines (exclusivement après avortement), alors que les procédures des avortements et celles des greffes sont totalement indépendantes. Conséquence, jusqu'à la moitié des greffes sont annulées le jour J, faute de cellules foetales à greffer. Les conclusions de cet essai sont attendues pour 2010 et devraient permettre une plus large diffusion de cette technique en Europe.
D'après un entretien avec le Dr Anne-Catherine Bachoud-Lévi, neurologue, coordinatrice du centre de référence pour la maladie de Huntington à Créteil et directrice de l'unité Inserm U841 de neuropsychologie interventionnelle.
Un vrai travail d'équipe
Une coordination européenne entre Français, Allemands, Suisses et Italiens est en train de se mettre en place afin d'uniformiser les pratiques, de partager les connaissances et sans doute de mieux définir les zones du cerveau à greffer en fonction des symptômes. Les patients sont très demandeurs, même s'ils savent que la greffe intracérébrale a un effet limité dans le temps (environ cinq ans) et qu'elle ne permet donc pas la guérison.
Plus d'informations : centre de référence national pour la maladie de Huntington, tél. 01.49 81 37 93.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature