DIFFÉRENTS travaux, comme ceux du Pr Gordon (publiés dans « Nature » fin 2006), ont montré que la flore bactérienne est impliquée dans le déclenchement de l'obésité. Il existe chez des souris obèses ob/ob versus des souris normales, une modification de l'écologie bactérienne du tube digestif. Les bactéries présentes chez les premières augmentent l'extraction de l'énergie tirée des aliments à partir des nutriments.
Autrement dit, les souris obèses ont une flore digestive modifiée et cette flore défavorable entraîne, à consommation énergétique égale, une prise de poids.
A partir de cette observation, les équipes de l'Institut de médecine moléculaire-IFR31 de Toulouse (Inserm U 858, dirigée par le Pr Rémy Burcelin) et de l'université catholique de Louvain (unité PMNT dirigée par le Pr Nathalie Delzenne) se sont associées pour mettre en évidence le facteur causal d'origine bactérienne qui déclenche le processus inflammatoire impliqué dans le développement de l'insulinorésistance, de l'obésité et in fine du diabète de type 2. Elles ont suivi deux approches.
Régime riche en graisses saturées.
D'abord, elles ont cherché à mimer ce qui se passe chez les humains, en donnant à des souris normales un régime hypercalorique chargé en graisses, similaire au mode alimentaire des personnes en surpoids (riche en graisses saturées notamment).
Le résultat est une modification de la flore intestinale, au profit des bactéries Gram- et au détriment des bactéries probiotiques que sont les bifodibacterium. C'est là que le mécanisme moléculaire s'est découvert. Ces bactéries Gram- produisent des lipopolysaccharides (LPS) en continu, d'autant plus abondants qu'ils sont nombreux. Ce qui va de pair avec une absorption accrue de LPS, que l'on retrouve dans le sang. Or les LPS sont impliqués dans le déclenchement de la réaction inflammatoire. Le processus est lent et pernicieux : la réaction inflammatoire engendrée est de faible grade, mais elle finit par être détectable au niveau du foie, du tissu adipeux viscéral, dont on connaît le rôle dans l'installation de l'insulinorésistance et du diabète de type 2.
Les chercheurs en ont conclu que le LPS peut être tenu comme l'un des facteurs causaux du déclenchement du diabète et de l'obésité.
Ensuite, les chercheurs ont profité d'un modèle de souris qui n'a pas de récepteur au LPS, qui est le CD14, présenté par des cellules du système immunitaire, des cellules hépatiques et du tissu adipeux. Lorsqu'on les met au régime gras ou qu'on leur donne du LPS, elles n'ont pas de diabète, pas d'obésité et ne présentent pas d'inflammation. Ce qui tend à confirmer l'effet du LPS.
Des études en cours chez l'homme.
Des études sont en cours chez les humains pour savoir si une alimentation riche en graisse fait aussi augmenter le LPS dans le sang (en collaboration avec le Dr Jacques Amar, CHU Toulouse).
Le Dr Patrice Cani et l'équipe du Pr Nathalie Delzenne étudient la possibilité de modifier la composition de la flore à l'aide de prébiotiques. Les prébiotiques sont les nutriments utilisés par les bactéries probiotiques de la flore intestinale, comme les bifidobactéries, pour croître et se multiplier. C'est le cas des fibres alimentaires fermentescibles, non digérées dans la partie haute de l'intestin, mais métabolisées par les bifidobactéries du côlon. Des molécules très connues sont les fructo-oligosaccharides (qui sont utilisés notamment comme agents texturants dans les aliments industriels, comme les produits allégés).
Une implication importante de ces découvertes est que l'on peut jouer sur la flore intestinale. Des études sont en cours pour montrer l'effet de ces modifications. Peut-on produire une augmentation sélective des bifidobactéries ? Et cela a-t-il un effet sur les pathologies comme l'obésité ou le diabète de type 2 ?
En attendant la réponse à ces questions chez les humains, il est intéressant de compléter l'alimentation courante avec les aliments qui de manière naturelles sont riches en fructo-oligosaccharides : les oignons, les artichauts, les bananes, les céréales (froment), les endives. Les industriels s'intéressent à la racine de chicorée, l'une des sources les plus importantes de fructo-oligosaccharides, d'où l'on peut extraire l'une d'entre elles qui est l'inuline.
D'après un entretien réalisé avec le Dr Patrice Cani, université catholique de Louvain.
« Diabetes », 24 avril 2007.
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