ALORS QUE QUELQUE 500 millions de doses ont été prescrites dans le cadre de la désensibilisation par voie sublinguale, les chocs anaphylactiques recensés ont été rarissimes. Cette bonne tolérance est donc compatible avec une administration au domicile, contrairement à la désensibilisation par voie sous-cutanée qui nécessite la présence d'un médecin à proximité pendant au moins 30 minutes. Pour toutes ces raisons, le principe de la désensibilisation sublinguale a été validé par des conférences d'experts, la première, sous l'égide de l'OMS, remontant à 1998.
Depuis, de nombreuses études ont cherché à mieux apprécier l'impact réel de la désensibilisation sublinguale sur la symptomatologie et les traitements des rhinites, de l'asthme et ce, en fonction de la population étudiée (pédiatrique ou adulte). « Métaanalyses et études sont concordantes sur les effets globalement positifs de la désensibilisation sublinguale, dans les allergies aux pollens et aux acariens (les plus étudiées), mais on manque encore de précisions et de données pour l'asthme de l'enfant », souligne le Pr Vervloet.
Avec des allergènes en gouttes ou en sprays.
La première métaanalyse remonte à 2003 et a porté sur l'évaluation d'une désensibilisation sublinguale dans les rhinites et l'asthme, sans faire la différence entre les deux. Elle a montré un effet globalement positif. Une seconde métaanalyse réalisée en 2005, portant sur 22 études (dont 4 études pédiatriques), incluant 979 patients ayant une rhinite allergique, a également retrouvé un effet positif de la désensibilisation sublinguale : moins de symptômes, moins de traitements. Chez l'enfant, l'étude d'Olaguibel (« J Investig Allergol Clin Immunol » 2005 ; 15 (1) : 9-16) a porté sur la désensibilisation sublinguale en cas de rhinite, d'asthme, ou les deux associés. Là encore, un effet positif a été retrouvé.
En 2006, la métaanalyse de Calamita (« Allergy » 2006, oct ; 61 (10) : 1162-72), qui a porté sur 25 études (1 706 patients), a montré sur l'ensemble des critères retenus (moins de traitements, moins de symptômes, meilleure respiration) les bénéfices de la désensibilisation sublinguale dans l'asthme. Les résultats ne sont toutefois pas significatifs lorsque chaque paramètre est pris en compte individuellement.
En comprimés également.
Encore non disponibles en ville, les formes comprimés apportent des quantités croissantes d'allergènes sous la langue. Les comprimés ont une concentration en allergène 50 à 100 fois plus importante que celles délivrées en sous-cutané. Plusieurs études ont évalué leur efficacité. Un essai publié par Dahl dans le « Journal of Allergy », portant sur une désensibilisation aux graminées, plaide en faveur d'une efficacité dose-dépendante sur les symptômes de la rhinite de l'adulte et d'une moindre consommation de traitements. Une autre étude du même auteur a évalué l'efficacité de la désensibilisation sublinguale dans la rhino-conjonctivite, chez des personnes qui avaient également un asthme : une fois de plus, le résultat a été positif. Une troisième étude de Durham, portant sur la désensibilisation aux pollens chez des patients atteints de rhinite allergique, retrouve des résultats significatifs sur la réduction de la consommation de médicaments, mais pas sur les symptômes. Une étude non publiée, mais présentée dans les congrès internationaux et portant sur une désensibilisation aux graminées, a montré un effet positif sur les symptômes de la rhinite et sur la réduction des traitements. Enfin, un essai comparatif entre la désensibilisation par voie sublinguale et par voie sous-cutanée, versus placebo, dans la rhinite allergique aux pollens de bouleaux a conclu à l'équivalence entre les deux désensibilisations et à leur supériorité au placebo. Dans les allergies aux acariens, le travail de Passalacqua (« Allergy » 2006, juil ; 61 (7) : 849-54), mené chez des patients ayant une rhinite ou un asthme, montre une amélioration, mais uniquement la première année (seulement sur la rhinite la seconde année). La forme en comprimé est donc aussi une voie d'avenir.
Quel schéma thérapeutique ?
L'équipe du Pr Vervloet a réalisé une étude sur la désensibilisation sublinguale - par sprays - aux pollens de cyprès, chez des patients atteints de rhino-conjonctivite aux cyprès. Sa particularité était de monter très vite les doses pour atteindre la dose maximale quotidienne en une seule matinée. Réalisée à l'hôpital en double aveugle, cette étude positive a montré qu'il était donc possible de racourcir considérablement la progression pour arriver à la dose de maintien. Aujourd'hui, elle est d'une dizaine de jours en moyenne. Une fois la dose maximale atteinte, il suffit de poursuivre la désensibilisation à cette dose, jusqu'à la fin de la saison. « Comme ce protocole est facile à suivre, on n'hésite plus à arrêter les prises en fin de saison pollinique pour reprendre l'année suivante, alors que ce n'est pas le cas avec la désensibilisation par voie sous-cutanée », conclut le Pr Vervloet.
* CHU Hôpital Sainte-Marguerite à Marseille et président de l'association Asthme & Allergies.
Un mécanisme d'action en passe d'être élucidé
L'hypothèse actuellement retenue est que la désensibilisation spécifique par voie cutanée stimule les lymphocytes T régulateurs qui diminuent la voie TH2 de l'allergie (étude de Moigon, « Allergy » 2006). L'équipe du Pr Vervloet a montré, de son côté, qu'une désensibilisation aux venins de guêpe et d'abeille activait les lymphocytes T régulateurs et probablement la cytokine IL10 régulatrice, elle aussi. Les quelques travaux réalisés avec la voie sublinguale laissent penser que lorsque l'on met l'allergène sous la langue, il est capté par des cellules dendritiques de la muqueuse, présentatrices d'antigènes. Elles migrent alors jusqu'aux nodules lymphatiques, présentent l'allergène aux cellules T qui vont à leur tour faire baisser le système d'activation TH2. La « boucle » est bouclée.
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