LA FIBRILLATION auriculaire correspond à une activité totalement désynchronisée de l'ensemble des myocytes atriaux. Il en résulte une activité électrique ininterrompue, rapide, irrégulière. La FA peut être aiguë ou chronique. Sa prévalence augmente avec l'âge. Elle est d'environ 15 % au-delà de 80 ans, un peu plus fréquente chez les hommes (16 %) que chez les femmes (13 %) (1).
Elle peut évoluer, éventuellement longtemps, sur le mode paroxystique, ou sur le mode persistant (avec possibilité dans ce cas de restaurer médicalement ou électriquement un rythme sinusal) ou devenir permanente. Une étude japonaise, qui a porté sur 171 patients atteints de FA paroxystique, suivis pendant une durée moyenne de quatorze ans, a montré que 5,5 % des patients transforment chaque année leur FA paroxystique en FA permanente (2).
Le registre CARAF (Canadian Registry of Atrial Fibrillation) a permis de montrer que le risque de récidive de FA après un premier épisode est de 50 % à un an et de 95 % au cours des quatre années qui suivent (3). De même, le risque de progression vers la FA permanente après un premier épisode est de 8,6 % la première année, et d'environ 5 % par an pendant les quatre années suivantes. La progression de la FA est liée, pour partie, à l'autoentretien de l'arythmie, et aux risques classiques de FA, tels que l'âge, l'existence d'une sténose aortique ou d'une insuffisance mitrale, la dilatation auriculaire gauche et l'existence d'une cardiomyopathie sous-jacente.
Des conditions favorables.
Le déclenchement d'une FA provoque un remodelage atrial qui crée les conditions physiopathologiques nécessaires à l'autoentretien de la FA. Ce remodelage concerne des modifications électriques, mais aussi structurelles. Le remodelage électrique s'installe après 24 à 48 heures de FA soutenue. Il correspond à un raccourcissement important des périodes réfractaires du tissu atrial. Le remodelage anatomique s'établit très progressivement sur une période de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, après la survenue d'une FA soutenue. Il correspond à une modification histologique et anatomique du tissu atrial comme la fibrose, par exemple. Il est très difficile d'individualiser des facteurs de risque spécifiques du passage en FA permanente.
L'électrocardiogramme avec haute amplification de l'onde P serait pour certains une technique à même de fournir des éléments de prévision et de pronostic des arythmies auriculaires permanentes (4). Cette technique est toutefois peu utilisée.
Chung M. K. et coll. ont suggéré en 2001 que la FA pourrait être déclenchée et maintenue par un remodelage atrial en raison d'un état inflammatoire, et qu'une élévation de la protéine réactive C sérique pourrait refléter cet état (5). Cette hypothèse a été très récemment confirmée : Gedikli O. et coll. (6) ont étudié le rôle de l'inflammation systémique dans différentes catégories de FA. Leur travail a porté sur 85 patients consécutifs ayant une FA chronique ou non. Les taux sériques de protéine réactive C et d'interleukine 6 ont été mesurés. Dans les deux cas, les taux ont été très significativement plus élevés en cas de FA chronique. Ces travaux confirment ainsi que l'inflammation peut avoir un rôle important dans la genèse de la FA.
Le rôle du substratum anatomique.
Kanagala R. et coll. ont évalué l'hypothèse selon laquelle les patients ayant un syndrome obstructif d'apnée du sommeil non traité auraient un risque accru de récidive de FA après cardioversion (7). Dans ce travail, le risque de récidive à 12 mois a été de 82 % en cas d'apnées du sommeil non traitées. Il n'a été que de 42 % dans le groupe des patients traités par ventilation nasale sous pression positive continue (Cpap, Continuous Positive Airway Pressure). Le risque de récidive dans le groupe témoin des patients ayant eu une cardioversion pour FA, mais indemnes d'apnées du sommeil, était de 53 %. Rocken C. et coll. ont identifié l'amylose auriculaire comme facteur significativement associé à la FA chronique (8).
Van Gelder I. C. et coll. ont montré que, en cas de FA, un traitement précoce, par cardioversion médicamenteuse ou électrique, permet d'obtenir une survie sans récidive prolongée (9).
Tout se passe comme si, lors du passage de la FA paroxystique à la FA persistante, puis permanente, le rôle du facteur déclenchant perdait progressivement de son importance, celui du substratum électrique et/ou anatomique devenant prépondérant.
Il existe enfin un certain nombre d'arguments provenant d'études aposteriori de sous-groupes de patients inclus dans de grands essais cliniques, ou émanant de petites études prospectives, qui montrent que les antagonistes du système rénine-angiotensine-aldostérone pourraient avoir un effet favorable en cas de FA. Ces données concernent à la fois les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, les antagonistes de l'angiotensine II et les anti-aldostérones. C'est également le cas des statines, des stéroïdes, des acides gras de type oméga 3 et des huiles de poisson et, enfin, des antagonistes calciques. Leur effet favorable potentiel mérite confirmation
Ainsi, dans l'histoire de la FA, les épisodes aigus et symptomatiques ne constituent vraisemblablement que la partie émergée de l'iceberg. Par ailleurs, au cours de l'évolution de la maladie, il semble exister une période précoce qui constitue une fenêtre d'opportunité potentielle, intéressante à considérer pour mettre en route un traitement.
D'après la communication du Pr Etienne Aliot (CHU, Nancy).
(1) Aronow WS. Med Clin North Am 2006 ; 90 (5) : 849-62.
(2) Kato T, et coll. Circulation J 2004;68(6) : 568-72.
(3) Kerr CR et coll. Am Heart J 2005;149(3) : 489-96.
(4) Abe Y et coll. Circulation 1997 ; 96 : 2612-6.
(5) Chung MK, et coll. Circulation 2001 ; 104 : 2886-91.
(6) Gedikli O, et coll. Int J Cardiol 2007 Jan 18 [en ligne].
(7) Kanagala R et coll. Circulation 2003 ;107 (20) : 2589-94.
(8) Rocken C, et coll. Circulation 2002 ;106 (16) : 2091-7.
(9) Van Gelder IC et coll. Arch Intern Med 1996;156(22):2585-92.
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