LES MALADIES cardio-vasculaires sont la première cause de morbi-mortalité dans les pays industrialisés, notamment chez les sujets de plus de 70 ans. L'hypercholestérolémie est un facteur de risque cardio-vasculaire majeur : une augmentation de 1 % du taux de cholestérol LDL est associée à une hausse de 1 à 2 % du risque de cardiopathie ischémique. Sa correction par un traitement hypolipémiant entraîne une baisse des maladies cardio-vasculaires, comme le démontrent tous les essais de prévention cardio-vasculaire réalisés chez des sujets d'âge moyen.
Longtemps délaissés par les grands essais thérapeutiques ayant démontré l'intérêt des statines dans la réduction de la morbi-mortalité cardio-vasculaire, les sujets âgés sont cependant les plus fréquemment concernés par ces affections.
Le fait que l'on se soit longtemps peu intéressé à la prise en charge des dyslipidémies des sujets très âgés peut s'expliquer de plusieurs façons.
Les données épidémiologiques ne mettant pas en évidence de relation entre cholestérol et maladies cardio-vasculaires chez les sujets âgés ont été souvent mal interprétées. «Or on sait maintenant que, chez le sujet âgé, le taux de cholestérol diminue dès l'apparition d'une pathologie, quelle qu'en soit l'étiologie, néoplasique, cardio-vasculaire ou neurologique (maladie d'Alzheimer). Dans ces conditions, le lien entre cholestérolémie et risque cardio-vasculaire est perturbé. En revanche, les données épidémiologiques concernant des sujets suivis pendant des années à partir de la cinquantaine mettent en évidence une relation entre taux de cholestérol et maladie cardio-vasculaire quel que soit l'âge», explique le Pr Eric Bruckert.
En outre, on manque de données d'études randomisées ayant évalué les statines chez les sujets de plus de 80 ans. Les grands essais d'intervention ont majoritairement concerné des sujets de moins de 80 ans, seule l'étude PROSPER (Prospective Study of Pravastatine in Ederly at Risk) (1) a inclus des hommes et des femmes âgés de 70 à 82 ans.
On pourrait penser que le rapport bénéfice/risque des traitements s'altère avec l'âge, que les effets secondaires sont plus importants et que, de ce fait, les sujets plus âgés n'auraient pas le temps, compte tenu de leur espérance de vie plus courte, de bénéficier du traitement.
Mais, a contrario, l'âge étant à lui seul un facteur de risque cardio-vasculaire très élevé, le bénéfice apporté par le traitement médicamenteux pourrait être important chez les sujets de 80 ans et plus. Un grand nombre de sujets âgés pourraient ainsi être éligibles pour un traitement préventif cardio-vasculaire.
Les recommandations actuelles.
Les recommandations actuelles (2) pour le traitement sont de quatre types :
– la découverte d'une hypercholestérolémie chez le sujet âgé doit faire rechercher, en priorité, une étiologie telle qu'une hypothyroïdie et organiser un dépistage dans la descendance ;
– un traitement, prescrit à juste titre et bien toléré, ne doit pas être interrompu en raison de l'âge ;
– en prévention primaire, il n'y a pas lieu, le plus souvent, d'introduire un traitement hypolipidémiant chez un sujet âgé de plus de 80 ans, compte tenu du délai nécessaire pour obtenir un bénéfice et de l'espérance de vie qui est en moyenne de 5 ans. Mais le bon sens clinique prévaut. Un patient de 81 ans sans comorbidité, en bon état général, mais à haut risque cardio-vasculaire global, peut bénéficier d'un traitement médicamenteux par une statine ;
– en prévention secondaire, l'âge n'est pas une contre-indication en soi à la mise en route d'un traitement hypolipidémiant.
Toutefois, le vieillissement et les situations physiopathologiques qui lui sont associées peuvent nécessiter une adaptation des modalités thérapeutiques, voire remettre en question le bien-fondé de la prescription.
La prise en charge diététique des patients âgés reste nécessaire (limitation des acides gras saturés). Toutefois, un régime trop rigoureux risque d'entraîner une malnutrition, les sujets âgés étant plus vulnérables à la dénutrition (même si la dénutrition est avant tout un problème de patients institutionnalisés). Le traitement médicamenteux fait le plus souvent appel aux statines, le choix de celle-ci dépend de sa puissance en termes de baisse du cholestérol, de ses propriétés pharmacocinétiques et des interactions médicamenteuses. Les résultats des études cliniques ne montrent pas d'augmentation des effets secondaires chez les sujets âgés.
Le vieillissement de la population et l'allongement de l'espérance de vie vont encore augmenter l'effectif de la catégorie des sujets de plus de 70 ans particulièrement exposés aux risques coronaire, vasculaire cérébral et de démence. Ces sujets pourront bénéficier des statines dont les effets bénéfiques pourraient, dans le futur, s'étendre au-delà de la prévention cardio-vasculaire. Différentes données suggèrent que les statines pourraient avoir un effet dans la démence dans la mesure où un lien entre maladie d'Alzheimer et cholestérolémie a été mis en évidence. Actuellement, on ne dispose d'aucune preuve de cet effet protecteur potentiel. Des études expérimentales ont suggéré que les statines auraient un effet bénéfique sur le métabolisme osseux avec un intérêt potentiel sur l'ostéoporose. Des essais sont actuellement en cours chez des sujets ostéoporotiques pour confirmer cette observation. La similitude entre le rétrécissement aortique calcifié, pathologie spécifique du sujet âgé, et athérosclérose a fait proposer l'utilisation des statines pour tenter de ralentir la progression de la maladie. Un essai récent (3) sur une faible population de patients n'a pas confirmé le bénéfice des statines sur l'évolution du rétrécissement aortique calcifié. Des études cliniques à plus grande échelle sont nécessaires pour évaluer ce bénéfice.
D'après un entetien avec le Pr Eric Bruckert service d'endocrinologie métabolisme, prévention des maladies cardio-vasculaires.
(1) Shepherd J, et al. Lancet 2002;360:1623-9.
(2) Recommandation de l'Afssaps pour la prise en charge thérapeutique du patient dyslipidémique (Actualisation mars 2005). Disponibles sur : http://agmed.sante.gouv.fr/pdf/5/rbp/dysarg.pdf (3) Cowell SJ, et al. N Engl J Med 2005;352:2389-97.
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