CHEZ LE PATIENT coronarien devant subir une intervention non cardiaque, la nature du bilan cardiaque à réaliser dépendra du risque de décompensation cardiaque encouru. Le patient présente un risque élevé en cas d'infarctus survenu il y a moins de six mois, d'angor instable, d'angor sévère, d'insuffisance cardiaque décompensée, d'arythmie ventriculaire ou d'insuffisance mitrale majeure. La chirurgie non vitale est alors contre-indiquée ou repoussée. Le risque cardiaque dépend aussi de la lourdeur de l'intervention. Les procédures particulièrement à risque, dont la mortalité est estimée à 5 % des cas, sont la chirurgie réalisée en urgence, chez le patient de plus de 75 ans, la chirurgie vasculaire accompagnée de clampage aortique, la chirurgie vasculaire périphérique et les interventions accompagnées d'un risque hémorragique élevé.
Le patient à risque opératoire dit « intermédiaire » est quant à lui défini par la présence d'au moins deux des facteurs de risque suivants : antécédents d'infarctus myocardique, mise en évidence d'une insuffisance cardiaque compensée, d'un souffle vasculaire, d'un angor stable, d'un diabète ou d'un électrocardiogramme anormal en préopératoire. Une exploration complémentaire doit alors être réalisée. Le test privilégié est l'épreuve d'effort conventionnelle. A l'issue de celle-ci, les patients sont classés en trois catégories, en fonction du degré d'ischémie mis en évidence : ceux ayant un risque élevé de décompensation cardiaque lors de l'intervention chirurgicale, ceux ayant un risque intermédiaire et ceux dont le risque est faible. Celui-ci est par ailleurs jugé faible et l'épreuve d'effort n'est pas utile dans les cas suivants : chez les patients coronariens revascularisés depuis moins de cinq ans et chez les coronariens non revascularisés, asymptomatiques ou souffrant d'angor peu invalidant (stades I et II), dont les précédents tests fonctionnels sont favorables. Ces patients à faible risque représentent les trois quarts des malades. Chez ces derniers, la probabilité de décès au décours de l'intervention est faible, inférieurE à 2 %.
«Chez les patients dont le risque est intermédiaire ou élevé, un bilan complémentaire est nécessaire. Il comprendra un électrocardiogramme d'effort et, parfois, une tomoscintigraphie synchronisée, afin d'évaluer le degré d'ischémie et la fonction ventriculaire gauche», complète le Pr Jacques Machecourt. Quant aux éléments pronostiques péjoratifs retrouvés à la scintigraphie, il s'agit d'un défaut de perfusion fixe ou réversible touchant le territoire de l'interventriculaire antérieure, de la coronaire droite ou de la circonflexe, ou bien encore d'une diminution de la fraction d'éjection du ventricule gauche (< 45 %). Dans ces cas, une coronarographie sera effectuée. Par ailleurs, au décours de l'exploration d'effort, les patients dont le risque est intermédiaire ou élevé se divisent en trois catégories : ceux ayant des résultats normaux, ceux présentant une ischémie modérée et ceux ayant une ischémie sévère. Dans le premier cas, il n'est pas nécessaire de poursuivre le bilan, et la chirurgie pourra être pratiquée d'emblée. Dans le second, la stratégie thérapeutique fera appel aux bêtabloquants. Dans le troisième, une coronarographie sera réalisée. La stratégie de réduction du risque, complexe dans ce dernier cas, reste encore à valider.
Les patients ayant bénéficié d'une angioplastie et devant subir une intervention chirurgicale générale courent un risque hémorragique et thrombotique important.
En présence d'un stent.
Une étude effectuée sur 40 patients, opérés quarante jours après l'implantation d'un stent nu, a en effet montré une augmentation du risque d'infarctus du myocarde, d'hémorragies et de décès, avec la survenue de 8 thromboses de stent mortelles. «Toute chirurgie non urgente est donc contre-indiquée dans les six semaines suivant l'implantation d'un stent nu», poursuit le Pr Machecourt.
Par ailleurs, un autre essai effectué sur 1 236 patients hospitalisés pour syndrome coronaire aigu survenu 10 jours après arrêt de l'aspirine a mis en évidence 10 cas de thrombose de stent nu et 4 infarctus par thrombose de stent actif, 4 à 14 jours après l'arrêt du traitement antiagrégant. Il faut donc poursuivre le traitement par aspirine chez tout coronarien si l'hémostase le permet, surtout s'il porte un stent. Si cela est impossible, l'aspirine sera arrêtée pendant cinq jours. A l'inverse, certaines chirurgies imposent l'arrêt systématique du clopidogrel dix jours avant l'intervention chirurgicale, un risque hémorragique élevé étant à craindre en cas d'opération sous traitement. Le traitement sera rapidement réinstauré après l'intervention, à la dose de charge. Or cet arrêt du clopidogrel est dangereux dans les douze mois suivant l'implantation d'un stent actif. «Un délai de douze mois doit donc être respecté, avant de pouvoir pratiquer toute intervention chirurgicale non urgente, chez les sujets porteurs d'un stent actif. Le risque de thrombose est en effet maximal la première année, plus faible après», a conclu le Pr Machecourt.
D'après la communication du Pr Jacques Machecourt (Grenoble), dans le cadre du 23e salon Cardiologie pratique & Consensus.
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