LA PRÉVALENCE de la migraine de l'enfant dans tous les pays est estimée entre 5 et 10 %. Cette prévalence atteint 15 % pour la tranche d'âge des 11-15 ans. Il est admis que les crises débutent entre 6 et 7 ans, mais, dans une récente étude, on constate que 11 % des enfants migraineux avaient moins de 6 ans. Les migraines peuvent même toucher les nourrissons.
Si la migraine de l'enfant a bien des points communs avec celle de l'adulte en se référant aux critères IHS (International Headache Society) (céphalées intenses, douleurs pulsatiles, photophobie, phonophobie…), elle présente des particularités. Les différences avec la migraine de l'adulte portent sur la durée et la localisation de la céphalée. Chez l'adulte, la durée est estimée en moyenne à 4 heures contre 1 heure chez l'enfant, voire moins, beaucoup s'endormant pendant la céphalée. C'est une céphalée bilatérale, alors qu'elle est généralement hémicrânienne chez l'adulte. Ce sont des céphalées primaires sans causes ni lésions. Des signes digestifs, nausées, vomissements, douleurs abdominales, sont présents dans la moitié des cas.
Un maître signe, la pâleur.
L'attitude des enfants est caractéristique, ils vont s'allonger, sans bouger. Un signe très fort marque les migraines des enfants, la pâleur. Un enfant d'une extrême pâleur, qui s'allonge, se plaint de mal à la tête et de douleurs abdominales, présente des vomissements, des céphalées ou des vertiges, oriente presque toujours vers un diagnostic de migraine. Ce tableau est à différencier de la céphalée de tension, sans signe digestif ni photophobie, qui peut également exister chez l'enfant. D'un point de vue physiopathologique, les migraines de l'enfant, comme celles de l'adulte, touchent l'excitabilité neuronale et sont attribuées à des troubles de la perméabilité membranaire.
La crise s'accompagne d'auras dans 30 à 40 % des cas, visuelles (scotomes scintillants, taches de couleur…), sensitives (perte de la sensibilité aux extrémités…), auditives pour 27 % des enfants (bourdonnements, sifflements, interférence des voix, hallucinations auditives – appel de la mère…), et d'une photophobie pendant la crise ce qui conduit… souvent l'enfant chez l'ophtalmologiste.
Un taux d'absentéisme élevé.
C'est un vrai handicap scolaire et social, on estime à plus de 8 jours l'absentéisme causé par les migraines chez l'enfant, 50 % des enfants ont plus de trois crises par an. Les facteurs déclenchants sont très variés (chaleur, luminosité, contrariété, froid, week-end, stress…). Un point souvent à prendre en compte en consultation. Un enfant qui a une migraine avant son contrôle de maths, ce n'est pas de la simulation, c'est une vraie migraine. Seule bonne nouvelle dans ce tableau, beaucoup de ces enfants voient une amélioration de leur migraine à l'adolescence, seulement 25 % gardent des crises à l'âge adulte.
Les médecins n'ont pas été formés au diagnostic de migraines et ce diagnostic n'apparaît souvent qu'après une multitude d'explorations et de traitements chez l'ophtalmologiste, l'ORL, les psychiatres… «Il est vrai que le tableau est souvent impressionnant, précise le Pr Annequin, l'enfant est cadavérique, il ne bouge plus, on a l'impression qu'il va mourir… alors que tout est normal.»
Le diagnostic de la migraine de l'enfant n'est pas si compliqué, quand on sait que cela existe, mais il faut le chercher. La consultation comprendra l'amnamèse, la description des crises, l'agenda de celles-ci, l'identification des facteurs déclenchants, les antécédents médicaux, l'efficacité des médicaments, l'hérédité. L'origine génétique est de mieux en mieux appréhendée. Le diagnostic posé, il faut insister auprès des parents sur le caractère bénin de la pathologie.
Les examens complémentaires sont inutiles (tout est normal), de même que recevoir l'enfant en pleine crise. Si la neuro-imagerie ne s'impose pas, elle peut être envisagée chez l'enfant de moins de 6 ans (scanner avec injection et IRM) du fait des difficultés de diagnostic étiologique, les critères positifs étant moins évidents à ces âges. L'imagerie ne s'impose qu'en cas d'anomalie de l'examen neurologique, de modification ou d'aggravation des crises, d'un retard de croissance ou de signes d'hypertension intracrânienne.
Côté médicaments, ceux-ci ne doivent être utilisés que pour la crise elle-même (ibuprofène 10 mg/kg) ; très bien toléré : voltarène, triptans, chez les plus de 12 ans (en stratifiant le traitement), et jamais de morphiniques pour la migraine de l'enfant, ils augmenteraient les nausées. Quant aux traitements de fond, ils doivent se cantonner à des méthodes de relaxation et à l'apprentissage de l'autohypnose pour baisser la pression.
« Actualités médicales en pédiatrie », session présidée par le Pr Danièle Sommelet (Vandoeuvre-lès-Nancy) avec la participation du Pr Pierre Lascombes (Vandoeuvre-lès-Nancy) et des Drs Daniel Annequin (Paris), Alain Bocquet (Besançon) et Renaud de Tournemire (Paris).
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