Prise en charge des vulvodynies

Une approche complexe et multidisciplinaire

Publié le 25/04/2007
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L'examen est essentiel pour éliminer d'autres causesPHOTO  (S. TOUBON/« Le QUOTIDIEN »)

LA VULVODYNIE se définit par un syndrome douloureux chronique muco-cutané, dont le principal mode d'expression est la brûlure. La physiopathologie en est mal connue. Ce n'est pas une affection cutanéo-muqueuse à proprement parler et elle ne semble pas liée à l'organe douloureux, mais à un phénomène de sensibilisation centrale de la douleur. Une allodynie, réponse douloureuse inadaptée, forte et prolongée à un stimulus non douloureux, est souvent observée. Il semble qu'il s'agisse donc d'une douleur par excès de nociception, avec stimulation excessive des récepteurs et débordement des mécanismes de régulation. Ceux-ci consistent en un rétrocontrôle négatif faisant intervenir des neuromédiateurs, parmi lesquels la sérotonine. Dans cette pathologie, il est reconnu actuellement que la part psychologique est importante, mais il est difficile de savoir si les facteurs psychologiques sont la cause ou la conséquence, ou encore les deux à la fois, de cette anomalie de nociception.

Une cause fréquente de consultation.

Il n'existe pas de données permettant de connaître l'incidence et la prévalence de cette pathologie en France, mais c'est une cause fréquente de consultation en gynécologie. La dernière classification établie en 2003 au 17e Congrès de l'Issvd (International Society for the Study of Vulvovaginal Disease) permet de distinguer plusieurs catégories de vulvodynies en fonction du caractère généralisé ou localisé de la douleur et de son caractère provoqué ou spontané. Dans les formes localisées, la vestibulodynie est la plus fréquente, la clitorodynie et l'hémivulvodynie sont beaucoup plus rares.

Le diagnostic est posé avant tout sur les données de l'interrogatoire. La plainte des patientes est une douleur, à début le plus souvent insidieux, qui passe d'une simple gêne ou inconfort vulvaire à une brûlure plus ou moins intense et de plus en plus constante. Rarement, on retrouve un début brutal avec un facteur déclenchant. La douleur débute le matin et dure toute la journée, le plus souvent sans paroxysme ; elle est exacerbée par la position assise, le frottement des vêtements. Elle disparaît généralement la nuit et ne réveille pas la patiente. Il existe, selon les formes, des signes cliniques fréquemment associés de type asthénie, céphalées, fibromyalgie ou lombalgie. Il peut également exister des symptômes sexologiques, comme une dyspareunie d'intromission, une baisse de la libido et de la lubrification.

Examen clinique et test au Coton-Tyge.

La vulvodynie généralisée spontanée (anciennement dénommée vulvodynie essentielle), forme la plus commune, se retrouve typiquement chez des femmes périménopausées avec une pathologie dépressive associée. A l'inverse, la vestibulodynie provoquée (anciennement appelée vestibulite vulvaire) touche plutôt des femmes jeunes, de race blanche, nullipares, avec une dyspareunie associée. Il existe souvent un phénomène de nomadisme médical, avec de nombreux examens pratiqués à la recherche d'une étiologie à ces douleurs.

L'examen clinique a essentiellement pour objet d'éliminer des causes dermatologiques, infectieuses ou neurologiques. Il est le plus souvent normal dans les vulvodynies généralisées, et un léger érythème ou des papillomatoses vulvaires physiologiques peuvent êtres retrouvés. Dans le cas des vestibulodynies provoquées, on observe un érythème vestibulaire symétrique centré autour des orifices des canaux des glandes de Bartholin et une douleur provoquée au contact. Un test au Coton-Tige permet de poser le diagnostic : la stimulation de certaines zones du vestibule va déclencher une douleur inadaptée.

L'examen clinique permet d'évoquer un des diagnostics différentiels : la névralgie du nerf pudendal (nerf honteux), dont la douleur déborde la région vulvaire et s'accompagne de troubles objectifs de la sensibilité périnéo-ano-vulvaire associés à un petit déficit sphinctérien.

Une stratégie thérapeutique à plusieurs volets.

Si le diagnostic est relativement aisé, la prise en charge thérapeutique est difficile et devra être multidisciplinaire. La première étape consiste à énoncer et à expliquer le diagnostic de vulvodynie à la patiente pour mettre un mot sur sa douleur. La guérison sera possible dans 60 à 80 % des cas, mais cela nécessite des consultations fréquentes, une écoute patiente et une implication importante du médecin dans la mise en place de la relation médecin-malade. Le traitement comprend quatre stratégies : neurotrope, psychosexuelle, kinésithérapique et, en dernier lieu, chirurgicale. Parmi les médicaments neurotropes, les antidépresseurs tricycliques et, en particulier, l'amitriptyline (Elavil®, Laroxyl®) sont utilisés avec une bonne efficacité. Le Tégrétol® peut être proposé en deuxième intention. Dans les formes où il existe une douleur type décharge, le Rivotril® est parfois prescrit. Enfin, le Neurontin® et le Lyrica® ont également été essayés avec quelques cas de succès rapportés. Aucun de ces traitements ne possède cependant une AMM dans cette indication.

La part psychosexuelle est probablement le maillon le plus important de la prise en charge, une vulvodynie exprimant souvent une souffrance psychologique de la femme. Cela est difficile à aborder lors de la première consultation, la patiente refusant la plupart du temps l'idée d'une origine psychosomatique à sa douleur. Il est cependant important de ne pas méconnaître une pathologie anxiodépressive ou une personnalité pathologique (de type hystérique) qui sont parfois révélées par une vulvodynie et qui nécessitent un traitement spécifique. Une consultation de sexologie peut être utile quand le trouble retentit de façon importante sur leur vie sexuelle. La prise en charge kinésithérapique par rééducation pelvienne avec techniques d'électrostimulation et de biofeedback, faite par un thérapeute spécialisé dans la pathologie vulvaire, est particulièrement intéressante dans les vestibulodynies provoquées. Plusieurs séries rapportent une diminution de la douleur, une amélioration des rapports sexuels et de la qualité de vie en général.

Diminution du recours à la chirurgie.

L'approche chirurgicale est moins utilisée qu'auparavant et doit être réservée aux femmes atteintes d'une vestibulodynie provoquée sévère et rebelle aux autres traitements. Plusieurs techniques peuvent être proposées : soit une exérèse localisée, soit une vestibulectomie. La zone douloureuse doit être soigneusement repérée avant l'anesthésie afin de guider le geste.

D'autres alternatives thérapeutiques ont été proposées. Les traitements locaux (émollients, anesthésiques locaux, lubrifiants…) sont souvent inefficaces, mais réclamés par la patiente. Une estrogénothérapie vulvo-vaginale est parfois utile en cas de sécheresse muqueuse.

Dans tous les cas, des mesures générales d'hygiène doivent être rappelées : port de vêtements amples, utilisation d'un savon neutre, proscription des irritants (parfum, lingettes…).

De façon plus anecdotique, des injections intralésionnelles d'anesthésiques locaux associés ou non à des corticoïdes injectables ou encore l'injection d'interféron par voie locale ou intramusculaire ont été essayés. D'autres approches comme l'acupuncture peuvent parfois compléter toutes ces options thérapeutiques.

Echec dans un tiers des cas.

En définitive, la prise en charge de ces pathologies est multiple, longue et complexe. Il a été estimé que, dans approximativement un tiers des cas, il existait une régression spontanée du trouble par l'écoute et la réassurance, dans le deuxième tiers, une réponse au traitement, et que, dans le dernier, les patientes n'étaient pas soulagées malgré tous les traitements proposés.

D'après un entretien avec le Pr Christian Quereux (Reims)

> Dr Camille Cortinovis

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8155