LES PATIENTS infectés par le VIH sont des patients comme les autres. Plus ils vieillissent – ce qui est désormais possible dans les pays industrialisés grâce au recours aux antirétroviraux –, plus leur risque de maladie cardio-vasculaire est majoré. Mais la question de l'impact des traitements spécifiques destinés à lutter contre le VIH sur cette augmentation du risque a été soulevée dès que les premières études rapportant une modification du bilan lipidique sous traitement ont été publiées.
Depuis décembre 1999, des infectiologues de 21 pays analysent les effets indésirables des traitements antirétroviraux dans une cohorte de près de 23 000 patients infectés et traités activement. Les patients étaient âgés en moyenne de 39 ans au moment de leur inclusion. Les femmes étaient moins représentées que les hommes (25 %). Une grande majorité des sujets étaient caucasiens et leur taux de CD4 moyen s'établissait à 200. Initialement, plus de 60 % des patients étaient fumeurs ou anciens fumeurs, 3,1 % étaient atteints de diabète, 14,4 % d'hypertension et 42 % de dyslipidémie.
Les auteurs du groupe DAD (Data Collection on Adverse Events of Anti-HIV Drugs) ont pris en compte 94 469 patients-années, soit un suivi moyen de 4,5 ans par patient. Au total, l'analyse a porté sur 72 846 patients-années sous inhibiteurs de protéase et sur 52 457 patients-années sous inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (Nnti).
90,4 % des sujets recevaient un inhibiteur de protéase.
Entre décembre 1999 et février 2005, 1 518 patients sont décédés et 345 infarctus du myocarde ont été recensés (62,6 % de façon certaine et 22,6 % de façon probable). Près de 30 % des sujets ayant souffert d'infarctus sont décédés. Au moment de l'accident cardio-vasculaire, 90,4 % des sujets avaient déjà reçu ou recevaient un inhibiteur de protéase (exposition médiane de 3,7 ans), alors qu'ils n'étaient que 60,9 % à avoir reçu du Nnti. Par rapport à la population témoin, le sur-risque attribué aux traitements a été estimé à 16 %. Cette valeur reste constante dans les deux sexes et dans toutes les tranches d'âge étudiées. En moyenne, les personnes qui ont souffert d'infarctus étaient plus souvent fumeuses (80,6 contre 71 %), hypertendues (38 contre 23 %), diabétiques (16,5 contre 5,4 %), dyslipidémiques (69 contre 48,6 %) et traitées par des hypolipémiants (22,9 contre 10,1 %). L'incidence des accidents cardio-vasculaires était majorée avec la durée totale de traitements par antirétroviraux, quelle que soit la classe thérapeutique. Néanmoins, l'analyse permet de préciser que le risque est plus important chez les patients sous IP.
Les auteurs soulignent quand même qu'il est difficile de quantifier de façon formelle le sur-risque associé aux IP, car la plupart des patients ont reçu, au cours de leur maladie, plusieurs classes thérapeutiques antirétrovirales.
Après ajustement pour les différents facteurs de risque, les auteurs avancent que la consommation d'IP pourrait majorer de 16 % le risque annuel d'accidents cardio-vasculaires, alors que celle de Nnti n'augmenterait que de 5 % l'incidence des infarctus du myocarde. Mais le nombre des patients inclus sous Nnti reste encore trop limité pour établir des conclusions définitives.
D'autres facteurs de risque.
Pour le groupe DAD, «l'existence d'une dyslipidémie pourrait expliquer en partie ces résultats, mais la majoration du risque pourrait aussi s'expliquer par l'existence d'autres facteurs tels que le tabagisme, un diabète ou une hypertension».
Dans ces conditions, les auteurs s'élèvent contre les alarmistes qui prédisent une « épidémie » d'infarctus chez les patients infectés par le VIH traités par IP. «Si un réel effort de prévention des autres facteurs de risque, dont l'impact sur la mortalité cardio-vasculaire est bien plus important que celui des IP retrouvé dans cette étude, il sera possible d'éviter un grand nombre de décès et d'atteindre dans cette population particulière une incidence des infarctus du myocarde similaire à celle de la population générale du même âge.»
« New England Journal of Medicine », vol. 356 ; 17, pp. 1723-1735 et 1773-1775, 26 avril 2007.
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