DE NOTRE CORRESPONDANTE
«OUTRE le fait de montrer une relation entre le système immunitaire et des lipides élevés, notre étude ouvre une nouvelle voie dans l'étude du lien étroit et complexe entre l'hyperlipidémie et l'inflammation chronique, tel qu'on l'observe dans la maladie coronarienne», souligne dans un communiqué le Dr Yang-xin Fu, professeur de pathologie à l'université de Chicago, qui a dirigé ce travail. «Cela révèle un rôle assez inattendu des cellulesT hépatiques dans le métabolisme des lipides.»
«Les patients souffrant de troubles inflammatoires chroniques, tels que le lupus, la polyarthrite rhumatoïde ou une maladie inflammatoire intestinale, ont une incidence plus élevée de maladies cardio-vasculaires, souvent associées à des taux élevés de lipides», ajoute un autre membre de l'équipe, le Dr Godfrey Getz, professeur de pathologie, de biochimie et de biologie moléculaire à l'université de Chicago. «Cette étude fournit une explication. La prochaine étape sera de déterminer si nous pouvons utiliser cette technique pour manipuler la réponse immune et avoir un effet favorable sur le métabolisme lipidique.»
L'hyperlipidémie, un des facteurs de risque les plus importants de la maladie coronarienne, est souvent associée à l'inflammation systémique. Cependant, les mécanismes qui sous-tendent ce lien ne sont pas clairs.
Exprimées à la surface des cellules T.
Lo et coll. se sont intéressés à deux cytokines pro-inflammatoires exprimées à la surface des cellules T (et des cellules dendritiques également) : lymphotoxine et LIGHT. Ces deux cytokines, qui appartiennent à la superfamille du facteur de nécrose tumorale, favorisent l'inflammation et la défense de l'hôte contre des organismes pathogènes. Elles sont impliquées dans plusieurs maladies inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn). La lymphotoxine a récemment été liée à la constitution de l'athérosclérose et de l'infarctus du myocarde.
Puisque les lymphocytes peuvent être en contact intime avec les hépatocytes, il est possible que des molécules exprimées sur les cellules T, comme la lymphotoxine et LIGHT, puissent délivrer des signaux qui régulent diverses fonctions hépatiques, parmi lesquelles l'homéostasie lipidique. Ces deux cytokines pourraient-elles ainsi jouer un rôle dans l'homéostasie lipidique ?
Afin d'examiner cette hypothèse, l'équipe a étudié des souris transgéniques qui surexpriment LIGHT sur leurs cellules T ; ils ont constaté qu'elles développent une hypercholestérolémie et une hypertriglycéridémie. Lorsque les cellules T de ces souris sont transférées à des souris normales, la cholestérolémie augmente considérablement (sous régime normal ou gras).
Dépend du récepteur lymphotoxine bêta.
LIGHT (et lymphotoxine) se fixe au récepteur lymphotoxine bêta et à d'autres récepteurs, mais les chercheurs ont établi que l'effet hyperlipidémique de LIGHT dépend du récepteur lymphotoxine bêta.
En effet, lorsque les signaux LIGHT et LT sont bloqués par un récepteur lymphotoxine bêta soluble (agissant comme un leurre), les concentrations lipidiques sont abaissées chez les souris transgéniques surexprimant LIGHT. De même, ce traitement atténue la dyslipidémie chez des souris déficientes en récepteur pour les LDL.
Enfin, une série d'expériences a permis de montrer que le récepteur lymphotoxine bêta cause l'hyperlipidémie, car il inhibe l'expression de la lipase hépatique sur les hépatocytes. On sait que la lipase hépatique favorise la capture des lipoprotéines plasmatiques qui contiennent les triglycérides et le cholestérol, elle favorise aussi l'hydrolyse des triglycérides.
Pour résumer, les cellules T qui expriment LIGHT inhibent l'expression de la lipase hépatique sur les hépatocytes, ce qui provoque une augmentation des concentrations sanguines des lipoprotéines et pourrait contribuer à l'athérosclérose.
Les chercheurs laissent entrevoir l'intéressante perspective que l'augmentation de la lipase hépatique grâce à des agents modulant le signal LIGHT-LT pourrait représenter pour une nouvelle approche du traitement de la dyslipidémie.
«Nos données peuvent aider à expliquer le vieux dogme selon lequel l'inflammation chronique est associée à l'hyperlipidémie», notent les chercheurs.
«Des études supplémentaires sur les actions métaboliques et cardio-vasculaires de la lymphotoxine, de LIGHT, et d'autres membres de la même famille, sont attendues avec un grand intérêt», commente dans un éditorial le Dr Goran Hansson (institut Karolinska, Suède).
Lo et coll. « Science », 13 avril 2007, pp. 285 et 286.
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